Sous-titrée « la fille
qui bat les amants » cette chanson provient à nouveau des
collectes de Fernand Guériff dans la région de Saint-Nazaire / la
Baule. Ce n'est pas la première fois que nous rencontrons la formule
« Je viens d'Allemagne, et je parle allemand » dans
une chanson (voir chanson n° 132 – décembre 2015). Allemands et
flamands dans les chansons traditionnelles représentent l'étranger
venant de l'est. Elles ont été composées à une époque ou les
notions de frontière ou de nation n'avaient pas l'importance qu'on
leur a donné depuis. Mais là n'est pas le seul intérêt de cette
chanson.
Pour écouter la chanson et lire
la suite :
Le Mans, chef lieu de la Sarthe
et capitale de l'ancienne province du Maine, est assez peu présente
dans les chansons traditionnelles. Nous n'en connaissons pas où se
situe l'action (1). En revanche la ville est citée à plusieurs
reprises comme une destination : on y va ou on en revient.
Nous connaissons une version de
la « vielle d'argent » (2) où les joyeux lurons qui
veulent séduire la belle demandent qu'on leur indique « le
chemin du Mans ». Ici au contraire on est sur le chemin du
retour. C'est aussi le cas dans une autre chanson, populaire en pays
guérandais, où l'histoire d'un galant qui fait de l'effet,
avec de la plume à son bonnet, débute ainsi :
En m'en revenant du Mans
J'ai
rencontré un allemand
La ville du Mans ne serait-elle
citée que pour la rime avec allemand. Et quel est donc cet étranger
qui revient hanter nos traditions locales ? Le fait que la
chanson ait été collectée par Guériff en 1943 n'a aucun rapport
avec la présence de « touristes » allemands occupés à
construire le mur de l'atlantique. Son origine est évidemment bien
plus ancienne. Cette expression semble venir de la renaissance. On la
trouve dans une chanson du compositeur flamand Johannes de Stokem (3)
en 1480 :Je
suis d'allemagne, je parle allemandJe
viens de Bretagne, breton bretonnantj'ai
perdu mon père, ma mère, mes sœurs, mes frères et tout mes
parents...
Cette composition a dû
connaître un certain succès pour que son refrain contamine
plusieurs chansons populaires différentes.
Quand à cette fille qui bat les
amants, nous l'avons aussi déjà rencontrée dans la chanson où le
cotillon devient trop long par derrière et trop court par devant.
Dans la version récoltée par Armand Guéraud (4), les gants faits
de la rognure du cotillon lui servent à corriger les garçons trop
entreprenants :
Recevez un baiser de mes
gants
attitude qu'elle justifie :
C'est vous mademoiselle qui
frappez les amants
Et pourquoi pas dit-elle
quand ils sont insolents
Au cas présent on peut se poser
des questions sur ses véritables intentions. Est-elle si rétive
qu'elle ne cédera pas pour tout l'or du monde ou bien est-ce une
parade de pure forme, car :
si
tu veux mon cœur, il est à toi vraiment.
notes
1 – il en existe certainement.
Amis sarthois, on compte sur vous pour les faire connaître
2 – version collectée par
Francine Lancelot à l'ile d'Yeu
3 - Johannes de Stokem, alias
Prato (1445-1487). pour plus de détails voyez wikipedia
4 – A. Guéraud, chansons
populaires du comté nantais et du bas Poitou, page 171
Pour satisfaire les nombreux
sarthois qui auront lu ces lignes, la ville du Mans est au moins à
l'honneur dans la remarquable adaptation d'une chanson de Jacques
Brel par Jean Poiret : « la vache à mille francs »
Une vache à mille
francs, en quittant le Morbihan
devient chemin faisant et comme par enchantement
une vache à cinq mille francs en arrivant au Mans
Une vache à cinq mille francs on ne sait pas comment
Augmente de 20 % en traversant Le Mans
et devient par conséquent une vache à six mille francs...
devient chemin faisant et comme par enchantement
une vache à cinq mille francs en arrivant au Mans
Une vache à cinq mille francs on ne sait pas comment
Augmente de 20 % en traversant Le Mans
et devient par conséquent une vache à six mille francs...
interprète :
Nicolas Pinel
Source : Fernand Guériff,
Tome III, p. 138 - Chansons de Brière, de Saint-Nazaire, et de la
presqu'île Guérandaise. Chanson d’Escoublac, du répertoire de
Mme Questerbert
la fille qui bat les amants
En
m'en revenant par le chemin du Mans,
Ah
! j'ai rencontré trois cavaliers vraiment. ( bis
Refrain
:
Je
viens d'Allemagne, et je parle allemand.
Ah
! j'ai rencontré trois cavaliers vraiment
Qui
m'ont demandé une heur' d'amusement. ( bis
Qui
m'ont demandé une heur' d'amusement.
Je
leur ai donné un beau soufflet vraiment ( bis
Je
leur ai donné un beau soufflet vraiment
C'est
donc vous la fill' qui battez les amants ( bis
C'est
donc vous la fill' qui battez les amants
[Ah
!] oui, ah ! oui, dit-elle, à mon corps défendant ( bis
[Ah
!] oui, ah ! oui, dit-elle, à mon corps défendant
[Car]
si tu veux mon coeur, il est à toi vraiment ( bis
[Car]
si tu veux mon coeur, il est à toi vraiment,
Tu
ne l'auras pas, là, pour cent mille francs. ( bis
Tu
ne l'auras pas, là, pour cent mille francs.
Ni
pour la couronne, du roi d'à présent. ( bis
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