vendredi 1 septembre 2017

213 – En m’en revenant par le chemin du Mans

Sous-titrée « la fille qui bat les amants » cette chanson provient à nouveau des collectes de Fernand Guériff dans la région de Saint-Nazaire / la Baule. Ce n'est pas la première fois que nous rencontrons la formule « Je viens d'Allemagne, et je parle allemand » dans une chanson (voir chanson n° 132 – décembre 2015). Allemands et flamands dans les chansons traditionnelles représentent l'étranger venant de l'est. Elles ont été composées à une époque ou les notions de frontière ou de nation n'avaient pas l'importance qu'on leur a donné depuis. Mais là n'est pas le seul intérêt de cette chanson.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Le Mans, chef lieu de la Sarthe et capitale de l'ancienne province du Maine, est assez peu présente dans les chansons traditionnelles. Nous n'en connaissons pas où se situe l'action (1). En revanche la ville est citée à plusieurs reprises comme une destination : on y va ou on en revient.
Nous connaissons une version de la « vielle d'argent » (2) où les joyeux lurons qui veulent séduire la belle demandent qu'on leur indique « le chemin du Mans ». Ici au contraire on est sur le chemin du retour. C'est aussi le cas dans une autre chanson, populaire en pays guérandais, où l'histoire d'un galant qui fait de l'effet, avec de la plume à son bonnet, débute ainsi :
En m'en revenant du Mans
J'ai rencontré un allemand
La ville du Mans ne serait-elle citée que pour la rime avec allemand. Et quel est donc cet étranger qui revient hanter nos traditions locales ? Le fait que la chanson ait été collectée par Guériff en 1943 n'a aucun rapport avec la présence de « touristes » allemands occupés à construire le mur de l'atlantique. Son origine est évidemment bien plus ancienne. Cette expression semble venir de la renaissance. On la trouve dans une chanson du compositeur flamand Johannes de Stokem (3) en 1480 :Je suis d'allemagne, je parle allemandJe viens de Bretagne, breton bretonnantj'ai perdu mon père, ma mère, mes sœurs, mes frères et tout mes parents...
Cette composition a dû connaître un certain succès pour que son refrain contamine plusieurs chansons populaires différentes.
Quand à cette fille qui bat les amants, nous l'avons aussi déjà rencontrée dans la chanson où le cotillon devient trop long par derrière et trop court par devant. Dans la version récoltée par Armand Guéraud (4), les gants faits de la rognure du cotillon lui servent à corriger les garçons trop entreprenants :
Recevez un baiser de mes gants
attitude qu'elle justifie :
C'est vous mademoiselle qui frappez les amants
Et pourquoi pas dit-elle quand ils sont insolents
Au cas présent on peut se poser des questions sur ses véritables intentions. Est-elle si rétive qu'elle ne cédera pas pour tout l'or du monde ou bien est-ce une parade de pure forme, car :
si tu veux mon cœur, il est à toi vraiment.

notes
1 – il en existe certainement. Amis sarthois, on compte sur vous pour les faire connaître
2 – version collectée par Francine Lancelot à l'ile d'Yeu
3 - Johannes de Stokem, alias Prato (1445-1487). pour plus de détails voyez wikipedia
4 – A. Guéraud, chansons populaires du comté nantais et du bas Poitou, page 171

Pour satisfaire les nombreux sarthois qui auront lu ces lignes, la ville du Mans est au moins à l'honneur dans la remarquable adaptation d'une chanson de Jacques Brel par Jean Poiret : « la vache à mille francs »
Une vache à mille francs, en quittant le Morbihan
devient chemin faisant et comme par enchantement
une vache à cinq mille francs en arrivant au Mans
Une vache à cinq mille francs on ne sait pas comment
Augmente de 20 % en traversant Le Mans
et devient par conséquent une vache à six mille francs...

interprète : Nicolas Pinel
Source : Fernand Guériff, Tome III, p. 138 - Chansons de Brière, de Saint-Nazaire, et de la presqu'île Guérandaise. Chanson d’Escoublac, du répertoire de Mme Questerbert

la fille qui bat les amants

En m'en revenant par le chemin du Mans,
Ah ! j'ai rencontré trois cavaliers vraiment. ( bis

Refrain :
Je viens d'Allemagne, et je parle allemand.

Ah ! j'ai rencontré trois cavaliers vraiment
Qui m'ont demandé une heur' d'amusement. ( bis

Qui m'ont demandé une heur' d'amusement.
Je leur ai donné un beau soufflet vraiment ( bis

Je leur ai donné un beau soufflet vraiment
C'est donc vous la fill' qui battez les amants ( bis

C'est donc vous la fill' qui battez les amants
[Ah !] oui, ah ! oui, dit-elle, à mon corps défendant ( bis

[Ah !] oui, ah ! oui, dit-elle, à mon corps défendant
[Car] si tu veux mon coeur, il est à toi vraiment ( bis

[Car] si tu veux mon coeur, il est à toi vraiment,
Tu ne l'auras pas, là, pour cent mille francs. ( bis

Tu ne l'auras pas, là, pour cent mille francs.
Ni pour la couronne, du roi d'à présent. ( bis


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