Mais
quel métier fait-elle cette femme qui s'absente toute la nuit et ne
revient qu'au point du jour ? Une activité qui ressemble à s'y
méprendre au plus vieux métier du monde et lui assure des revenus
réguliers. Vous trouvez qu'on exagère dans l'interprétation de
cette chanson de mari trompé ? En tous cas la symbolique du
plantage de choux est à coup sur, celle du cocufiage. L'insistance
sur l'argent gagné laisse tout au plus des doutes sur le rôle du
mari, victime plus ou moins consentante des écarts de conduite de sa
femme.
Cette
chanson est assez répandue dans la presqu'ile guérandaise. Notre
interprétation mixe un texte publié par Fernand Guériff avec la
mélodie d'un bal paludier. Elle a déjà été enregistrée sur un
disque Dastum de la série « tradition vivante de
Bretagne »(1).
pour
écouter la chanson et lire la suite
Plusieurs
versions de cette chanson ont été collectées dans ce secteur. Le
texte de celle ci correspond à celui noté par Fernand Guériff
auprès de Marie-Louise Tattevin de Mesquer, publié dans le premier
tome de ses recueils (2). La mélodie n'est pas celle donnée par
Guériff mais se retrouve dans les collectes de Mme Crusson par
Roland Brou ou de M. Sébillot par Hervé Dréan. Vous pouvez les
entendre en consultant la base Dastumedia.
Pour
lever les doutes sur l'action de planter ou cueillir des choux, nous
ferons référence à une chanson plus ancienne extraite du
« manuscrit de Lucques » (16ème siècle) et citée par
Conrad Laforte :
Hier
matin je me levay / bien peu devant le jour
c'était
pour cueillir des choux...
le
premier que je trouvai / ce fut mon ami doux...
cueillerai-je
avec vous...etc
Cette
présentation est plus explicite. Même si le chou reste avant tout
un symbole de fécondité, sensé accueillir la naissance des petits
enfants, les chansons en font le plus souvent l'image de la tromperie
conjugale. Voyez à ce sujet un autre thème déjà publié dans ce
blog : j'ai perdu ma femme...chanson N° 146.
En
préambule nous avons donc émis des doutes sur l'attitude du mari
trompé. Il est vrai que cette version en elle même ne donne pas
tout les détails de l'affaire. On ne nous dit pas tout. Alors
prenons les indices dans l'ordre. Tout commence comme une de ces
chansons de conseils aux futurs mariés : ne prenez point femme
plus belle que vous...en grand danger d'être jaloux ou trompé
seriez vous. C'est bien ce qui se passe ici car elle lui « joue
des tours ». Mais là où ça se corse c'est qu'il est très
rapidement question d'argent. Un sou par jour ce n'est pas la
richesse nous ferez vous remarquer. Ce n'est effectivement pas cher
payé par rapport à bien d'autres versions entendues de ci de là :
6
francs par semaine ça fait 20 sous par jour
100
francs de l'heure 1200 francs par jour
ou
même jusqu'à :
300
francs par heure 1800 francs par jour
qui
dit mieux ? Personne pour les tarifs que nous ne chercherons pas
à convertir en euros, mais sur l'emploi ça devient scabreux :
Je
gagne ma vie et la votre itou
proclame
la gagneuse dans une chanson collectée par Charles Loyer à
Pontchâteau (3). Ce qui nous permet d'émettre des doutes sur la
relative passivité du cocu. D'une certaine manière, il y trouve son
compte. Mais il y a un prix à payer. C'est au détriment de sa
réputation. Bien souvent la chanson se termine par l'investissement
des gains dans un bœuf ou une chèvre, dont les cornes serviront à
faire des peignes ou des manches de rasoir pour peigner ou raser les
jaloux.
Nous
laisserons le mot de la fin à cette version entendue en Mayenne (4)
de
cet argent qu'en ferons nous
nous
achèterons une chèvre
les
cornes seront pour vous
nous
les mettrons sur ta tête
ton
chapeau couvrira tout
notes
1
- interprétée par Roland Brou sur le CD « chansons à danser
en presqu'ile guérandaise » (Dastum – tradition vivante de
Bretagne n° 11 – 1999) disque aujourd'hui épuisé et dont la
réédition n'est pas envisagée
2
– plusieurs versions dans les pages consacrées au répertoire de
Mme Tattevin : page 241 et 242, tome 1 du trésor des chansons
populaires folkloriques recueillies au pays de Guérande.
3
– et reprise dans les ouvrages de F. Guériff et A. Guéraud
4
– Ecoutez gens de la Mayenne, page 190 (éd : Mayenne culture
- 2016)
Interprète
: Laurence-Anne Hay et les membres de l'atelier chant de Dastum 44 à
Blain
source :
d'après une version chantée par Roland Brou à Guérande
(Loire-Atlantique) le 17 septembre 1995
catalogue
P. Coirault :
La femme qui ne revient
qu’au point du jour (Maris trompés - N°
05911)
catalogue
C. Laforte :
La femme volage (1-E–10)
(rond
paludier)
Entre
vous jeunes hommes qui vous mariez tous (bis)
Ne prenez point femmes, dondaine, plus belles que vous, tous les jours
Ne prenez point femmes, dondaine, plus belles que vous, tous les jours
Ne prenez point femmes plus belles que vous (bis)
Moi
j’en ai pris une, dondaine, qui me joue des tours, tous les jours…
Elle part le soir, ne revient qu’au jour
Je lui ai dit : femme, femme, d’où venez-vous
Je viens de la vigne y planter des choux
Je lui demande : femme, combien gagnez-vous
Six sous par semaine, soit un sou par jour
Si vous voulez femme, j’irai avec vous
Oh, nenni, dit-elle, vous casseriez tout
Casseriez-vous la vigne et les plants de chou.
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