Nous avons déjà chanté les filles du
Loroux, du Croisic ou de Saint-Etienne...voici celles de Nozay. Mais, si un texte a bien mérité le qualificatif de chanson-type
c'est celui ci, adaptable sans trop de difficulté à tous les
lieux-dits de une à trois syllabes. Il fait partie de ce que la
tradition définit comme le blason populaire, c'est à dire des
dictons ou des histoires facétieuses s'appliquant à la population
d'une commune, d'un village, d'une paroisse ou d'un quartier.
Comme le précisait Mme Renaud, auprès
de qui Pierre Guillard a récupéré cette chanson, on peut aussi
bien la chanter avec les filles d'Abbaretz ou de Saffré. Nous voici
donc avec une chanson au nom interchangeable. Faites attention avec
qui et où vous la chanterez car vous risquez de vous y faire très
rapidement des «ami(e)s».
pour écouter la chanson et lire la
suite
La chanson de la « lettre au
curé » est structurée en plusieurs parties. Dans le premier
couplet on situe donc géographiquement l'action. Nous en avons
recensé des dizaines dans tout le pays (1). Pour ne vexer personne
nous utiliserons un lieu imaginaire à titre d'exemple (2). On y
suppose que les filles ne trouvent aucun prétendant. Pour quelle
raison ? C'est ce que nous allons voir. Dans certaines versions
plus récentes on entend parfois :
« Trifouilly » c'est un
sale trou
où il y a des filles qui sont
moches comme tout...
Mais le plus souvent il faut attendre
les couplets suivants pour comprendre.
Dans un second temps les filles
s'adressent au curé ou à son vicaire pour faire une publication.
Jusqu'ici tout va bien. Dans notre version les garçons semblent même
satisfaits et s'en vont fêter ça à l'auberge. Mais la réaction ne
se fait pas attendre : pas question d'accepter la proposition.
La troisième partie de la chanson explique les raisons du refus. Ce
n'est pas tant la laideur des filles (comme ci dessus) qui est mise
en cause que certains traits de leur caractère. Elles sont trop
fières, trop coquettes ou trop sournoises...selon les endroits.
Certaines versions nous donnent même des détails plus précis.
C'est parfois l'ivrognerie :
Elles ont tout bu de ce jus de la
treille
Les filles de Trifouilly elles
aiment trop la bouteille
C'est souvent un manque d'éducation :
elles n'racommodent même pas leurs
bas
elles s'en vont le dimanche à la
messe
leurs jupons déchiré qui laissent
voir leurs fesses
Une autre raison apparaît dans notre
chanson, et assez fréquemment dans d'autres versions, c'est que ces
filles ne seraient pas des modèles de vertu. Ici on raconte qu'elles
font des amours en cachette
... sur la fougère verte
ailleurs on les a vues :
à l'ombre d'un buisson,
elles jouent de la clarinette !
Faut-il vous faire
un dessin ? Et si certains garçons sont si affirmatifs c'est
qu'eux mêmes, parfois, ont participé aux réjouissances :
tous les soirs en dehors de la ville
nous avons fait ce que nous avons
voulu de ces jeunes filles
Bien sur, cette chanson n'est pas la
seule a se moquer ouvertement d'un village à cause de la moralité
de ses filles. Deux autres exemples sont assez connus :
- les filles des Forges de Paimpont -
mais aussi de Campbon ou du Clion pour ne citer que notre beau
département – auxquelles le curé refuse l'absolution.
- les filles qui vont de porte en porte
chercher des boutons de culotte ; chanson qui semble réservée
à certains villages (Sion , Haut-Bergon, Saint-Gorgon...) pour
une question de rime avec « boutons » !
Notez que dans ces deux exemples, comme
dans celui de la lettre au curé, il est question de culottes et de
cotillons et que l'affaire se termine au cabaret. C'est avec les
vieilles recettes qu'on fait les meilleures chansons.
interprètes : Jean-Louis
Auneau avec Daniel Lehuédé et Dominique Juteau
source :
Aurélie Renaud de Nozay, collectée par Pierre Guillard le 3 juillet
1991
catalogue
Coirault : la lettre au curé – 1111
catalogue
Laforte : les filles qui demandent les garçons – II, O-21
notes
1 – entre
autres : La Rua et Montbardon (05) Genneville (14) Chaux (21)
Chenecey et Vésigneux (25) Plonéour et Quimperlé (29) Vitré (35)
Saint Martin (36) Cras (38) Vorey (43) Abbaretz, Lusanger, Saffré
(44) Astaffort (47) Vern (49) Lingreville et Saint Georges (50)
Béganne, Bohal, Lanouée, Qusetembert et Séné (56) Hery, Landry et
Bourg St Maurice (73) Argentière et Villards (74) Challans (85)
Gençay (86) Grosmagny (90) Chatillon (Val d'Aoste) Vermilion
(Louisiane)
2 – la célèbre
Trifouilly-les-oies, commune jumelée avec Pétaouchnock et Perpette
les bains.
La lettre au curé
A Nozay si vous saviez
Il y a des filles à marier
Il y en a des petites et des grandes
De bonnes à marier personne ne les
demande
Par un dimanche la matinée
Au presbytère elle sont allées
La elles ont dit bonjour monsieur le
vicaire
Faudra nous publier à la grand messe
en chaire
Monsieur le vicaire n'a point manqué
A la grand messe a publié
Là il a dit jeunes gens je vous en
prie
C'est les filles de Nozay qui veulent
qu'on les marie
Après la messe les jeunes gens sont
allés
Dans une auberge s'y concilier
Buvons trinquons à la réjouissance
Il faut nous marier car les filles nous
demandent
Mais le plus jeune a répondu
Oh de ces jeunes filles on n'en veut
plus
Car elles ont fait des amours en
cachette
Par derrière les buissons dessus la
fougère verte
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