Comme
le disait un homme politique de la quatrième république (1), « les
promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Ce qui
vaut pour les promesses électorales est également vrai pour les
déclarations d'avant mariage. C'est ce que nous rappelle
implicitement cette chanson. Comme pour une élection, la jeune fille
a fait un choix. Échappant au mariage avec un vieux, source de bien
des ennuis comme nous l'avons déjà vu, elle croyait tenir le bon
candidat. Hélas, il se révèle ivrogne et violent.
Cette
chanson semble réservée aux marches de noces. Elle fait partie de
ces conseils en forme d'avertissements qu'on se fait un malin plaisir
de prodiguer aux jeunes époux le jour même de la cérémonie. Elle
n'est pas la seule à attirer l'attention sur le changement de
comportement des garçons après le mariage, avec cette fois un net
penchant pour la boisson.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Pour
une fois nous allons associer ce texte à un secteur géographique
défini. D'après nos recherches, il semble bien que toutes les
versions connues aient été répertoriées dans un triangle
Redon-Rennes-Châteaubriant (2). Elles utilisent toutes des refrains
du type sous le bois joli / sur le vert joli, et des mélodies
proches. Peut on en déduire que la chanson est originaire de ce
territoire ? Pas nécessairement, mais qu'elle y a été bien
conservée, assurément.
D'une
version à l'autre les premiers couplets sont en général
identiques. C'est à partir du moment où le mari rentre de l'auberge
dans un état lamentable que les textes changent.
S'il
n'arrive même plus à ouvrir la porte, la mariée peut se précipiter
à sa rencontre :
promptement
je me lève, la porte à lui ouvrir
ou
au contraire, le laisser cuver son vin dehors :
ma
porte je n'ouvre pas, à ces coureurs de nuit
sans
se priver de lui faire la morale :
retourne
avec tes belles, pour moi tout est fini
Ce
sont les conclusions de chansons collectées par Albert Poulain à
Saint-Just (35), Hervé Dréan à Saint-Dolay (56) et Gilbert
Hervieux à Allaire (56). Elles trouvent un écho dans une fameuse
chanson du répertoire cajun de Louisiane :
Tu
peux cogner mais tu vas pas rentrer
J'ai
la clef de la porte d'en arrière...
Dans
les versions plus anciennes le mari se révèle souvent violent.
Voici ce qu'en disent les ouvrages d'Adolphe Orain et Louis Esquieu
(3) :
il
cassera ma table, les quenouill's de mon lit (Orain)
Il
cogne sur la berne et sur moi aussi...chez Esquieu, qui intitule
la chanson la femme battue.
Comme
on le voit, les paroles chantées à Patrick Bardoul par Francis
Lemaitre de Sion-les-mines restent bien en deçà. Elles s'arrêtent
avant les horreurs de la scène de ménage. Peut être le temps
d'éloigner les enfants.
Et
dans bien des cas si la mariée rappelle à son ivrogne :
ce
sont-y des promesses que tu m'avais promis
la
réponse nous ramène aux propos du petit père Queuille :
si
je t'ai fait des promesses / A présent j'm'en dédis
Publier
cette chanson en période électorale n'a rien d'intentionnel. Toute
ressemblance avec des personnages connus est bien entendu fortuite.
Même si souvent, comme le souligne A. Orain dans son recueil, cette
chanson à la marche « désigne, pour faire rire, celui des
invités qui n'a pas la réputation d'être tendre avec sa femme, ou
bien encore un jaloux ou un ivrogne ».
notes
1
- Henri Queuille, plusieurs fois président du conseil des ministres
dans les années 50. Citation reprise par un certain Pasqua dans les
années 80
2
– à quelques kilomètres près ; c'est quand même pas le
triangle des Bermudes !
3
– Adolphe Orain, le folklore de l'Ille et Vilaine (1897) et Louis
Esquieu, chansons populaires recueillies en Iiie et Vilaine (1907)
interprète
: Nicolas Pinel avec Dominique Juteau et Rémi Vachon
source :
Francis Lemaître de Sion-les-Mines (44) collectage de Patrick
Bardoul en décembre 1991
catalogue
P. Coirault : Le jeune mari ivrogne (Soucis et inconvénients
du mariage – N° 05424)
Sous
le bois, petit bois, c'est à vous autres, les filles ( bis
)
Sous
le bois joli d'y choisir un mari ( bis
)
Sous
le bois, petit bois n'en prenez pas un jeune ( bis
)
Sous
le bois joli ni un trop vieux aussi
Sous
le bois... moi j'en ai pris un jeune
Sous
le bois... J'crois qu'il m'y f'ra mourir
Il
s'en va à l'auberge
Ne
rentre qu'à minuit
Frappe
du pied dans la porte
Dormez-vous
tous ici
J'n'y
dors, ni j’n’y sommeille
Je
n’pense qu'à mon mari
N'y
pensez plus la belle
C'est
lui qu'arrive ici.
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