Parmi tous les textes populaires qui
traitent des déboires conjugaux il en est des quantités qui donnent
la mauvaise part à l'époux : les petits maris, ivrognes au
cabaret...ou le beau rôle aux femmes : ah que les femmes sont
bêtes d'obéir à leur mari. A l'inverse, dans celle ci, c'est le
marié déçu qui cherche à se débarrasser de sa moitié.
Son origine est très ancienne.
Christophe Ballard, vers 1705, en donne une version succincte (1).
L'originale devait être suffisamment forte, pour qu'on la retrouve
un peu partout dans des versions très proches pour les paroles sinon
pour la musique. La nôtre vient de collectes de Charles Loyer,
prêtre à Pontchateau au milieu du 19ème siècle.
pour écouter la chanson et lire la suite:
Contrairement à bien des chansons
publiées dans ce blog, nous ne pourrons pas comparer les chiffres
donnés d'une version à l'autre. Quelle que soit l'origine du
chanteur, la femme est mise à prix pour cinq cent livres et soldée
pour cinq sous. On retrouve là les chiffres de la version imprimée
par Ballard. Tout au plus la négociation finale peut encore
rabattre :
de 5 sous je viens à quatre
Et de 4 à rien du tout
ce qui n'est pas une pratique localisée
puisqu'on la retrouve aussi bien en Anjou que dans les Vosges.
Pour le reste, c'est le processus
habituel de transmission des chansons traditionnelles qui fait son
œuvre. Certains détails sont plus ou moins mis en avant, d'autres
sont oubliés. Pour une fois notre version est assez complète. Dans
les recueils d'Armand Guéraud on en trouve d'autres sources
régionales (Savenay, Tiffauges), dont une qui inverse la
proposition : c'est un homme que sa femme porte à vendre.
De la version ancienne – que vous
trouverez après le texte de celle ci – ont disparu les références
à l'origine géographique :
En revenant de Versailles
En passant par Saint Cloud
qui subsistent dans d'autres, comme
celle notée en Anjou par Simon (2).
Les assonances en « ou »
nous valent parfois une localisation à Vertou (3).
Enfin, cette histoire aurait encore
plus mal finir. On nous propose un final flamboyant, mais on nous
épargne le cynisme de certaines versions où les voisins sont
invités à venir voir brûler le loup .
Notes
1 - Brunettes ou petits airs tendres,
avec les doubles et la basse continue, meslées de chansons à
danser...Christophe Ballard , volume 2 p. 292 (1704)
2 – Chansons populaires de l'Anjou –
François Simon(1929) chanson collectée du coté de Vihiers (49)
3 – répertoire musical recueilli en
maris breton-vendéen par Gaston Dolbeau – ed L'Harmattan 2010
collectage : Charles Loyer,
à Pont-Château – reproduit par Fernand Guériff dans Le Trésor
des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande, vol. 1,
page 111
interprètes : Janig
Juteau, Daniel Lehuédé, Dominique Juteau, Martine Lehuédé
catalogues : Coirault :
5818, le bonhomme qui porte sa femme à vendre – Laforte : 1 F
11, la femme à vendre
LE BONHOMME QUI PORTE SA FEMME A VENDRE
C'était un petit bonhomme, pinguille,
guenille
Qui faisait argent de tout, pinguille
et tout
Qui faisait argent de tout (bis)
Il mène sa femme au marché,
pinguille, guenille
A cheval dessur son cou, pinguille et
tout…
Et dans son chemin m'rencontre :
monsieur l'achèterez-vous ?...
Elle me coûte cinq cent livres, je
vous la donne pour cinq sous...
Là, si le marché est fait, emmenez-la
donc chez vous...
Si la porte elle est fermée,
attachez-la au verrou...
Et si le verrou s'arrache, mettez-la
dedans le four...
Remplissez le four d'épines et mettez
le feu dessous...
et voici la version notée en 1704 –
Brunettes ou petits airs tendres...Christophe Ballard , volume 2 p.
292
En revenant de Versailles
En passant dedans Saint Cloud
je trouvay un p'tit bon homme
Qu'avait sa femme à son cou
Je suis fou de ma femme
l'achèteriez vous
Je porte ma femme à vendre
monsieur l'achèterez vous
Elle m'a coûté cinq cent livres
vous la donnray pour cinq sols
Quoique le marché se fasse
la retiens pour mon mois d'aout
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