vendredi 29 mai 2015

107 - Le bonhomme qui porte sa femme à vendre

Parmi tous les textes populaires qui traitent des déboires conjugaux il en est des quantités qui donnent la mauvaise part à l'époux : les petits maris, ivrognes au cabaret...ou le beau rôle aux femmes : ah que les femmes sont bêtes d'obéir à leur mari. A l'inverse, dans celle ci, c'est le marié déçu qui cherche à se débarrasser de sa moitié.
Son origine est très ancienne. Christophe Ballard, vers 1705, en donne une version succincte (1). L'originale devait être suffisamment forte, pour qu'on la retrouve un peu partout dans des versions très proches pour les paroles sinon pour la musique. La nôtre vient de collectes de Charles Loyer, prêtre à Pontchateau au milieu du 19ème siècle.
pour écouter  la chanson et lire la suite:


Contrairement à bien des chansons publiées dans ce blog, nous ne pourrons pas comparer les chiffres donnés d'une version à l'autre. Quelle que soit l'origine du chanteur, la femme est mise à prix pour cinq cent livres et soldée pour cinq sous. On retrouve là les chiffres de la version imprimée par Ballard. Tout au plus la négociation finale peut encore rabattre :
de 5 sous je viens à quatre
Et de 4 à rien du tout
ce qui n'est pas une pratique localisée puisqu'on la retrouve aussi bien en Anjou que dans les Vosges.
Pour le reste, c'est le processus habituel de transmission des chansons traditionnelles qui fait son œuvre. Certains détails sont plus ou moins mis en avant, d'autres sont oubliés. Pour une fois notre version est assez complète. Dans les recueils d'Armand Guéraud on en trouve d'autres sources régionales (Savenay, Tiffauges), dont une qui inverse la proposition : c'est un homme que sa femme porte à vendre.
De la version ancienne – que vous trouverez après le texte de celle ci – ont disparu les références à l'origine géographique :
En revenant de Versailles
En passant par Saint Cloud
qui subsistent dans d'autres, comme celle notée en Anjou par Simon (2)
Les assonances en « ou » nous valent parfois une localisation à Vertou (3).
Enfin, cette histoire aurait encore plus mal finir. On nous propose un final flamboyant, mais on nous épargne le cynisme de certaines versions où les voisins sont invités à venir voir brûler le loup .

Notes
1 - Brunettes ou petits airs tendres, avec les doubles et la basse continue, meslées de chansons à danser...Christophe Ballard , volume 2 p. 292 (1704)
2 – Chansons populaires de l'Anjou – François Simon(1929) chanson collectée du coté de Vihiers (49)
3 – répertoire musical recueilli en maris breton-vendéen par Gaston Dolbeau – ed L'Harmattan 2010

collectage : Charles Loyer, à Pont-Château – reproduit par Fernand Guériff dans Le Trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande, vol. 1, page 111
interprètes : Janig Juteau, Daniel Lehuédé, Dominique Juteau, Martine Lehuédé
catalogues : Coirault : 5818, le bonhomme qui porte sa femme à vendre – Laforte : 1 F 11, la femme à vendre

LE BONHOMME QUI PORTE SA FEMME A VENDRE

C'était un petit bonhomme, pinguille, guenille
Qui faisait argent de tout, pinguille et tout
Qui faisait argent de tout (bis)

Il mène sa femme au marché, pinguille, guenille
A cheval dessur son cou, pinguille et tout…

Et dans son chemin m'rencontre : monsieur l'achèterez-vous ?...

Elle me coûte cinq cent livres, je vous la donne pour cinq sous...

Là, si le marché est fait, emmenez-la donc chez vous...

Si la porte elle est fermée, attachez-la au verrou...

Et si le verrou s'arrache, mettez-la dedans le four...

Remplissez le four d'épines et mettez le feu dessous...

et voici la version notée en 1704 – Brunettes ou petits airs tendres...Christophe Ballard , volume 2 p. 292
En revenant de Versailles
En passant dedans Saint Cloud
je trouvay un p'tit bon homme
Qu'avait sa femme à son cou
Je suis fou de ma femme
l'achèteriez vous

Je porte ma femme à vendre
monsieur l'achèterez vous

Elle m'a coûté cinq cent livres
vous la donnray pour cinq sols

Quoique le marché se fasse

la retiens pour mon mois d'aout

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire