Il n'y a pas de sot métier. Il en est
pourtant qui rendent les relations galantes difficiles. Nous ne
parlerons pas aujourd'hui du couturier refusé à cause de son
aiguille, mais du charbonnier à la chemise noire. Il ne s'agit pas
du marchand de charbon qui traîne son métier comme un boulet, mais
du « bougnat » fabricant de charbon de bois.
Ce métier rural a périclité avec la
commercialisation du charbon puis du gaz butane en bouteilles. Il ne
reste plus à cette profession que la vogue des barbecues pour
survivre. Une chanson, connue dans bien des régions, a célébré
les aventures de ces « goules noires » cuiseurs de bois.
Notre version vient de Saint Nazaire où elle a été collectée par
Gaston Le Floc'h (1).
pour écouter la chanson et lire la suite
Vivant dans les bois, et donc
considérés comme des rustres par la population, les charbonniers se
regroupaient dans des hameaux de huttes avec les sabotiers ou les
bûcherons. Ils ne fréquentaient villes et villages que pour la
vente de leurs produits à des professions comme les boulangers ou
les maréchaux mais aussi aux particuliers qui possédaient un
fourneau à charbon. C'est là que se situe la chanson.
Le charbon de bois était généralement
livré en sacs de vingt kilos. Selon les versions de la chanson il
est marchandé de un écu à douze francs. A quoi correspond donc ici
la livre annoncée à cent écus ? Peut être ne faut-il pas
s'attacher à ces détails matériels qui restent des symboles. En
revanche, il est un détail auquel on ne peut échapper c'est la
noirceur du personnage. Vivre en permanence auprès de mulons de bois
enfumés (2) devait donner un joli teint, vraisemblablement assorti
d'une odeur particulière.
Sur le même thème, Soreau avait noté
à Campbon une version énumérative (3) :
Charbonnier mon ami
que ta figure est noire
Sans ça je t'aimerais
suivent :
la barbe, les mains, la chemise, la veste, la culotte
Malgré ses remarques déplaisantes la
dame note parfois que si son teint était noir ses dents étaient
bien blanches. La transaction se conclut tout de même dans la
chambre. D'autres interprétations sous entendent un paiement en
nature : pas d'argent mais un « doux baiser » !
Mais ici, il est bien question d'argent
pour la femme du charbonnier. Il est vrai que l'argent n'a pas
d'odeur, sauf peut être dans les huttes de charbonnier.
Enfin il existe de cette chanson des
versions en breton du pays vannetais, comme celle enregistrée sur le
disque Dastum « mille métiers, mille chants » dont nous
avons déjà parlé la semaine dernière.
notes
1 – publiées par Fernand Guériff,
dans le tome 3 du « trésor des chansons populaires
folkloriques du pays de Guérande » édité par Dastum 44 et le
parc naturel régional de Brière
2 – la cuisson du charbon de bois « à
l'ancienne » durait de 36 à 48 heures.
3 – Soreau ; vieilles chansons
du pays nantais ; fascicule 1
collectage : Gaston Le
Floc’h auprès de Madame Jacobert, à Prézégat (Saint-Nazaire),
en 1937 - publié par Fernand Guériff : Le
Trésor des chansons…, vol. 3, page 208
interprète : Jean-Louis
Auneau
catalogues : Coirault :6410
le charbonnier galant – Laforte : le charbonnier et la dame
VII – Malrieu : 0367 ar glaouer hag an itro
LE CHARBONNIER GALANT
Charbonnier qui s'en va, faire un tour
à la ville (bis)
Et il s'en va, criant à haute voix :
j'ai du charbon d'un nouveau bois (bis)
Charbonnier, mon ami, combien vends-tu
la livre (bis)
Ah, ah, Madame, je la vends cent écus,
autant le gros que le menu (bis)
Charbonnier, mon ami, monte jusqu'à ma
chambre (bis)
Lève le pied, monte bien doucement, Je
vais te compter ton argent (bis)
Quand l'argent fut compté et rangé
sur la table (bis)
Ah, ah, Madame, la femme du charbonnier
ne veut que d'l'argent blanche (bis)
Charbonnier, mon ami, que ta chemise
est noire (bis)
Ah, ah, Madame, c'est l'état du
métier : chemise noire au charbonnier (bis).
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