Trop tard ! C'est le titre
donné à cette histoire dans plusieurs recueils de chansons. Il
résume bien l'essentiel puisque le soldat en permission revient au
pays après l'enterrement de sa bien aimée. Mais d'autres détails
nous intriguent dans cette complainte, comme le dialogue entre la
morte et le soldat, ou encore cette conclusion sur l'engagement du
jeune homme pour oublier son chagrin.
La trame de cette chanson est identique
pour les nombreuses collectes réparties dans toute la francophonie,
et au delà. Seuls quelques détails diffèrent qui retiendront toute
notre attention. Elle a été notée de nombreuses fois en Haute
Bretagne. La version qui nous a servi de base cette semaine est celle
enregistrée dans le double CD « Anthologie du patrimoine oral
de Loire-Atlantique » (1), chantée par Odile Jannault et
Hélène Chaplais dans le pays de Chateaubriant.
pour lire la suite et écouter la chanson
Vous pouvez entendre bien d'autres
versions enregistrées de cette complainte en allant sur la base de
données de Dastum. La plupart des ouvrages publiés sur le
répertoire local en citent au moins une version (Guériff, Guéraud,
Soreau, Dréan...). Les catalogues de la chanson traditionnelle
(Laforte, Coirault) la répertorient par dizaines. Voilà qui nous
incite à tenir notre comparatif habituel.
Si l'histoire ne change guère, ses
héros varient d'une chanson à l'autre. Le dragon, archétype du
vaillant soldat, cède parfois la place au simple soldat, au cadet,
au conscrit ou au jeune homme. De nombreuses versions mettent en
scène un marin ; et pas seulement dans les régions côtières.
Les dragons vont fréquemment par trois, le plus jeune ayant la
vedette.
Passons maintenant au premier rôle
féminin. Elle s'appelle Jeannette dans cette version de
Loire-Atlantique. On trouve aussi par chez nous des Hélène. Le
prénom le plus répandu dans toutes les régions est Nannette ou
Annette. Il devance Gilberte, Deline, Céline, Julie...sauf pour la
version avec les marins où la fille s'appelle systématiquement
Adèle (2). Enfin cet état civil ne serait pas complet si nous
oublions de mentionner Prospère (3), un prénom plutôt rare au
féminin qui apparaît dans une version collectée par Guéraud à
Bouguenais, près de Nantes, mais qu'on retrouve aussi dans l'est et
dans le sud ouest.
Venons en aux deux étrangetés de
cette chanson. Tout d'abord, on a peut être eu tort d'enterrer si
vite Jeannette. La preuve c'est qu'elle parle encore. Des esprits
moins sarcastiques, ou plus romantiques, verront dans ce dialogue une
sublimation de l'amour plus fort que la mort. Les deux amants
arrivent encore à communiquer après le trépas. Les paroles de la
morte sont elles la cause du retour de l'amant au régiment ?
Toujours est-il que les derniers
couplets voient le garçon, dragon ou marin, rempiler. Quelle belle
propagande pour les armées si on veut bien considérer que cette
chanson date d'une période bien antérieure à la conscription
obligatoire, où l'art du recrutement était poussé à l’extrême.
Le dernier couplet est particulièrement édifiant. Pour récompense,
après une période de repos, le dragon se voit élevé au grade
d'officier. Quelle promotion rapide et quelle situation idyllique !
On peut douter de sa réalité. Certaines versions ne sont d'ailleurs
pas si optimistes et se terminent sur des regrets :
...Y'a t'il plus malheureux que moi
Passer sa vie sur terre au service
du roi
Enfin, la version notée par Fernand
Guériff à Quimiac propose au dragon une autre solution pour oublier
sa belle :
Le capitaine lui dit
nous partons pour Bayonne
où il y a des filles assez
des petites et des grandes
des bonnes à marier
Notes
1 – chanson n° 1-09 du double CD
publié par Dastum 44 (voir page nos éditions) que vous allez vous
offrir prochainement. Si vous l'avez déjà, pensez y pour vos
cadeaux.
2 – d'après Simone Morand
(anthologie de la chanson de haute Bretagne) ce serait à cause du
calembour « elle est morte Adèle ».
3 – Yop la boum ! Maurice, on
t'a reconnu.
source : collectage de
Patrick Bardoul, chanté par Odile Jannault et Hélène Chaplais, à
La Touche, en Erbray (Loire-Atlantique) le 18 septembre 1992
interprètes : Janick
Peniguel & Séverine Bourdeau
catalogue P. Coirault : Le
soldat qui trouve sa mie morte (N° 01406)
catalogue C. Laforte : Le
retour du soldat : sa blonde morte (II, I-13)
C’était un jeune dragon
C'était un jeune dragon regrettant sa
maîtresse (bis)
Regrettant sa maîtresse car il avait
raison
C'était la plus belle fille
Qu’y’avait dans tout l'canton (bis)
Le jeune dragon s'en va trouver son
capitaine (bis)
Bonjour mon capitaine, signez-moi mon
congé
Pour aller voir Jeannette
Jeannette, ma bien-aimée (bis)
Le jeune dragon s'en va tout droit de
chez son père (bis)
Bonjour, cher père et mère, frères
et sœurs et parents
Où est-elle donc Jeannette
Jeannette que j'aime tant (bis)
Son père lui répond : Jeannette
n'est plus ici (bis)
Son corps porté en terre, son âme en
paradis
Voilà déjà longtemps
Qu’Jeannette n’est plus ici (bis)
Le jeune dragon s'en va tout droit au
cimetière (bis)
Ah, parle-moi, Jeannette, Jeannette,
parle-moi
Ah, parle-moi, Jeannette
Pour la dernière fois (bis)
Jeannette lui répond : t'en
trouveras bien d'autres (bis)
T'en trouveras bien d'autres vingt
fois, cent fois, mille fois
T'en trouveras bien d'autres
Cent fois plus belles que moi (bis)
Le jeune dragon s'en va tout droit de
chez son père (bis)
Au r’voir cher père et mère, frères
et sœurs et parents
Puisque Jeannette est morte
J'm’en r’tourne au régiment (bis).
Le jeune dragon s'en va trouver son
capitaine (bis)
Bonjour, mon capitaine, m'y voilà
revenu
Puisque Jeannette n'est plus
J'vous servirai toujours (bis)
Le capitaine lui répond : va t-en
au corps de garde (bis)
Va t-en au corps de garde, va t-en t'y
reposer
Et tu prendras la garde
Comme sous officier (bis).
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