Si
on vous dit que les chansons de menteries sont celles qu'on préfère
vous n'êtes pas obligés de nous croire. Mais elles sont tellement
répandues dans les traditions de tous les pays qu'on ne pouvait y
échapper. D'autant que la prochaine ouverture de la campagne
électorale risque de reléguer nos menteries bien en dessous de
toutes les affirmations et promesses à venir.
Cette
chanson prouve aussi que notre chauvinisme a ses limites. Après
avoir chanté sur tous les tons le port de Nantes et ses navires nous
voilà revenus de chez les ch'tis. Habituellement le chanteur de
menteries commence par un avertissement du genre « je vais
vous dire une chanson qui est pleine de mensonges » à
l'intention de ceux qui croient tout ce qu'on leur dit. Sans doute
aussi pour éviter de passer pour un simple d'esprit. Ici, les deux
premiers vers nous font attendre tout autre chose. L'incipit « m'en
revenant » introduit souvent une chanson d'amour, heureux ou
malheureux, ou d'aventures galantes. A titre d'exemple vous trouverez
à la fin de cet article les paroles d'une chanson portant le même
titre qui détaille la rencontre avec une jolie flamande et ce qui
s'ensuit. Le second vers est plus fréquent dans ces chansons où on
parle d'aller charruer sur les côtes d'Angleterre. La localisation
lilloise restera donc un mystère. Le gars Constant a qui on doit
cette version a-t-il débuté une chanson et enchaîné sur une
autre ?
De
l'une à l'autre, les chansons de menteries reprennent souvent les
mêmes stéréotypes : pommiers plein de prunes, animaux qui
travaillent, bœufs dans la pochette, morsure au talon, saignement à
la gorge et soins à l'épaule... et toutes sortes d'inversions de
rôles (poule qui chante, coq qui pond, etc). La poule qui balaye et
le chat qui cuit la soupe se retrouvent dans de nombreuses versions
en Haute Bretagne. Le chat qui veut goûter la soupe se brûle les
griffes, comme le curé les mains dans la chanson du coq Martin.
()Pourtant certains chanteurs font preuve de beaucoup plus
d'imagination...et de suite dans les idées, comme dans ce texte cité
par Guéraud où le médecin qui vient soigner trouve à la maison
les vaches à faire le lit, les cochons à faire la vaisselle qui
tirent leur casquette pour le saluer.
Cette
version collectée en Pays de Retz présente beaucoup de points
communs avec celle publiée dans le tome 3 des chansons du pays de
Guérande, collectée à Prinquiau. Fernand Guériff y précise :
« ces accumulations de coq à l'âne, ces fatras facétieux,
nous viennent de loin, immensément populaires au 16ème siècle et
bien avant. Au moyen-âge on a connu les fatrasies, au 17ème les
galimatias, au 18ème les amphigouris. Ici l'humour disparaît pour
faire place à un assaisonnement au gros sel et à la moutarde ».
Bon
appétit.
En
m’en rev’nant d’Lille en Flandres
Sur
les côtes d’Angleterre (bis)
En
mon chemin j’ai rencontré
Un
pommier plein de melles, bon
Allons
ma brunette, allons
Allons
danser sur l’gazon
En
mon chemin j’ai rencontré
Un
pommier plein de melles (bis)
Il
m’en tomba une sur l’pied
Qui
m’écrasa l’oreille, bon
Allons
ma brunette, allons…
… Le
méd’cin qui m’y pansa, m’y pansa à l’aisselle…
… J’pris
ma charrette sur mon dos, mes bœufs dans ma pochette…
… Je
m’en fus chez nous pour voir comment allait l’ménage…
… La
patronne était au lit, la poule balayait la place…
… Le
chat dans la cheminée écumait la marmite…
… En
voulant goûter les choux, il s’y brûla les griffes…
… Les
souris qui l’y voyaient en dansaient de plaisir…
source :
Constant Clavreux, à Port-Saint-Père, le 7 septembre 1896 – noté
par Abel Soreau
interprète
: Janick Péniguel
catalogue
Coirault : les menteries – 11401
catalogue
Laforte : les menteries 4-Ma-26
En
revenant de Lille en Flandre
Tortillons
des jambes, Divertissons nous, Branlons nous les genoux.
J'ai
rencontré Une jolie Flamande.
Je
lui demande: veux-tu être ma servante?
elle
me répond qu'elle en serait contente.
J'la
fis monter dans ma plus haute chambre.
Je
lui fis faire une poupée qui chante
Et
je la mis sur mon beau lit qui branle.
Je
lui passai cinq ou six fois la jambe.
Elle
me dit: cher ami, recommence.
Je
lui réponds: y a plus d'huile dans la lampe.
Elle
me dit: j'en ferai bien descendre.
Je
lui ai dit: laissons ça pour dimanche.
Recueilli
à Paris en 1886 – publié dans « Le gai chansonnier
français » et trouvé quelque part sur la toile d'araignée !
Sauf que... dire que Lille est chez les ch'tis, c'est l'exact équivalent linguistique ou culturel que de dire que Brest est Gallo.
RépondreSupprimerMerci Gaétan pour cette remarque pleine de bon sens (et d'un peu d'exagération?). D'un point de vue linguistique c'est exact. Sauf qu'aujourd'hui une tendance à l'amalgame fait du « chti » un label régional du Nord-Pas de Calais. Un certain succès cinématographique n'y sans doute pas étranger. Institutions, associations, média... le revendiquent plus ou moins ouvertement. Un exemple ? Vous pouvez trouver sur le net toutes les infos sur les musiques trad. à Lille et ailleurs grâce à un site baptisé « chti-folkeux » ! Ah, on n'est jamais trahi que par les siens !
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