samedi 4 janvier 2014

37 - Coupons les fifondes


Cette fois ça y est. Les agapes, festivités, réjouissances...et leurs lendemains qui déchantent, sont derrière nous. Il est temps de se remettre au travail. Cette semaine nous coupons les fifondes.

Ne vous précipez pas sur le dictionnaire, vous avez peu de chances d'y trouver le mot ; sauf si votre édition est consacrée au langage briéron. Les fifondes, ou fifandes, désignent une sorte de jonc qui servait à rempailler les chaises. Cette matière première étant omniprésente dans le marais de brière, l'économie locale a donné, outre des coupeurs de fifondes, des vanniers et des chaumeurs(1) réputés.

Seul le refrain nous indique le caractère local de la chanson. Le texte lui même se rattache à un thème connu : celui du prince d'Orange qui revient de guerre blessé « de trois coups de lance qu'un anglais lui a donné ». L'origine de cette chanson remonterait donc aux guerres contre Charles Quint.
écouter la chanson et lire la suite


Hélas il reste peu de survivants de cette époque pour nous conter l'histoire dans ses détails. Les historiens eux mêmes hésitent sur une période qui va de 1507 à 1544 ! Le beau prince était-il aussi vertueux que le prétend la chanson. Les versions collectées dans le pays de Retz (2) ou à Herbignac, par Hervé Dréan (3) ne s'étendent pas sur le sujet : la belle Hélène était consentante. Notre chanson, apprise en Brière par Fernand Guériff de M. Aoustin, s'inquiète tout de même des conséquences. Un « heureux » événement est attendu. Plus étrange est la version collectée au Québec par Marius Barbeau (4). Le prince n'y admet qu'une aventure avec une brunette « encor' j'ai bien payé cinq cent liards, autant de sous marqués ». Belle mentalité !

S'agit-il d'un chant de travail ? Un blues briéron ? Le rythme suggère plutot une utilisation en chant à la marche ou en bal. Quoi qu'il en soit méfiez vous du refrain si vous avez un cheveu sur la langue.

Falut, et à la femaine profaine.

Notes :

1- des chômeurs aussi, hélas !
2 – chanson collectée à Pornic, page 100 dans chants populaires du comté nantais et du bas-Poitou de Armand Guéraud. éd. Modal/FAMDT
3 – chantée par M. Sébillot à Herbignac – page 32 vol. 2 – Instants de mémoire – Hervé Dréan – éd. Musique sauvage
4 – version du bas St Laurent – page 335 – Le rossignol y chante – Marius Barbeau – éd. Musées nationaux du Canada


Je n’irai plus en guerre, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, car je n’ai rien gagné (bis)

J’ai r’çu trois coups de lance, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, l’un dans le bas côté (bis)

L’autre m’y porte au cœur, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, c’est celui dont j’mourrai (bis)

Si vous êtes malade, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, faudra vous confesser (bis)

Pourquoi m’y confess’rai-je, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, moi qui n’ai pas péché (bis)

Il n’y a qu’la belle Hélène, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, encore elle le voulait (bis)

Si c’est un fils qu’elle porte, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, il sera grenadier (bis)

Il portera les armes, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, que son père a laissées (bis)

Si c’est une fille qu’elle porte, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, Faudra la marier (bis)

Avec l’plus beau jeune homme, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, qu’i a dans l’évêché (bis)

Dans l’évêché de Nantes, coupons les fifondes (bis)
Lonla matulurique, et dans celui d’Angers (bis).



source : « chansons de Brière » (Raymond Aoustin) - tome 3 du trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande : page 108 - édité par Dastum 44 (voir page éditions)
interprète : Hugo Aribart
catalogue P. Coirault : Le soldat qui n’a embrassé que celles qui le voulaient (N° 6606)
catalogue C. Laforte : Le prince d’Orange (1-C-02) pp


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