Par ce temps pluvio-venteux qui
n'incite guère à l'enthousiasme, comment retrouver la bonne
humeur ? Mais en chantant bien sur ! Ou alors en suivant le
mauvais exemple du personnage principal de notre chanson de la
semaine, qui a choisi de se remonter le moral en s'adonnant à la
boisson. Si la version proposée se termine sur une soupe aux
poireaux qui nous laisse un peu sur notre faim, l'origine de son état
ne fait aucun doute. Quelques recherches dans le voisinage nous le
confirmeront.
Cette chanson a été collectée à
Nivillac par Hervé Dréan (1), qui la chante lui même ici. On vous
entend déjà protester que Nivillac se trouve dans le département
du Morbihan. Certes ; mais non seulement la chanson se moque des
frontières administratives, et encore celles ci correspondent elles
vraiment aux réalités du terrain. Quand il a fallu découper les
départements, sous la révolution, les limites choisies ont fait
l'objet d'arbitrages compliqués. C'est ainsi que cinq communes
situées au sud de l'estuaire de la Vilaine se sont retrouvées en
Morbihan. Nivillac est l'une d'elles. Ces communes sont généralement
désignées sous le nom de « pays mitao ».
Peu importe donc de quelle préfecture
dépendait le chanteur enregistré. L'intérêt de cette chanson
c'est qu'elle fait partie d'une grande famille. Les cousines se
retrouvent dans les ouvrages de...
écouter la chanson et lire la suite
...dans les ouvrages de collecteurs comme Guéraud, Bujeaud,
Dolbeau (2) pour ne citer que les plus proches. Si le bonhomme
s'appelle parfois Jean ou Martin, la femme au foyer est toujours dans
le même état, traduit par toutes les subtilités des parlers
locaux : accorquilloneuille en gallo des bords de la Vilaine,
ébouriffinée dans le marais de Challans, égueurnuchaïe du côté
de Sainte Hermine...pour en finir toujours de la même manière.
Quelle que soit la soupe proposée, poireaux, choux, raves, ail...
c'est la soupe au vin qu'elle préfère. Tout aussi intéressantes
sont les similitudes entre les mélodies de ces chansons, sur des
rythmes fort différents.
Mais le cousinage ne s'arrête pas là.
C'est avec un des tubes de la chanson occitane qu'il faut chercher la
parenté. « Quand le bouvier vient du labour », dans ses
versions les plus récentes, raconte à peu près la même histoire,
à la différence près que loin d'être ragaillardie par la soupe au
vin, la femme va décéder et demande à être enterrée quelquefois
« au fond de la mare », le plus souvent « au fond
de la cave ». En Périgord, Rouergue, Aveyron, etc, quan lou
bouié ven de laurar
il trouve sa femme touto descourlado,
desconsolada ou encousoulaplo quand ce n'est pas la robe dégraffée
ou déchirée.
Cette chanson du bouvier a une mélodie
toute différente de la notre. D'après les érudits occitans, son
origine remonterait à l'épisode sanglant des Cathares. Mais c'est
une toute autre histoire. Il n'y était pas question de libations.
Buvons (3) chers amis et chantons. Une façon comme une autre de
rappeler à nos amis nantais que la première session de chants
organisée par Dastum 44 aura lieu mardi 21 janvier à Nantes.
Reportez vous au calendrier dans la rubrique activités. A bientôt.
Notes
1 – publié dans le volume 3
d' « instants de mémoire » - chants et musiques
recueillis autour de la Roche Bernard par Hervé Dréan – éd.
Musique sauvage (www.musique-sauvage.org)
2 - Guéraud - tome 2 p. 357 – chants
populaires en Bretagne et Poitou – éd. Modal FAMDT
Bujeaud – tome 2 p. 300 – chants et
chansons populaires des provinces de l'ouest
Dolbeau p. 368 répertoire musical
recueilli en marais breton vendéen - L'Harmattan
3 – avec modération, cela va de soi.
Quand l’p’tit bonhomme revient du
champ (bis)
Au soir de sa journée, au bois
Au soir de sa journée
Trouva sa femme dans son foyer (bis)
Toute accorquilloneuille, au bois
Toute accorquilloneuille
Lui a d’mandé : femme, qu’as-tu
(bis)
As-tu mal à la tête, au bois
As-tu mal à la tête
Veux-tu manger d’la soupe de choux
(bis)
Ou bien à la poreuille, au bois
Ou bien à la poreuille
Je m’en fous bien d’ta soupe de
choux (bis)
Et comme ton bout d’poreuille, au
bois
Et comme ton bout d’poreuille
source : Robert Blouet, à
Nivillac (56), en mars 1978 (collectage : Hervé Dréan)
interprète : Hervé
Dréan + réponses
catalogues: Coirault 11018 - le mari qui trouve sa
femme ivre - Laforte 1F10
Le fait qu'une collecte faite à Nivillac soit intégrée à celles de Loire-Atlantique ne me choque pas du tout et pour cause : au moment où on a constitué les départements, il a eu de nombreuses lettres de protestation des communes de La Roche-Bernard, Nivillac et Saint-Dolay qui voulaient appartenir à la Loire-Inférieure plutôt qu'au Morbihan. Les arguments étaient plutôt commerciaux à l'époque (les affaires se traitent à Nantes plutôt qu'à Vannes... etc.). L'histoire a bien mis un siècle à se tasser puisqu'on avait encore de temps à autre des pétitions jusque dans la seconde moitié du 19e siècle.
RépondreSupprimerCe qu'il a d'amusant c'est que maintenant, lorsque dans mes enquêtes je demande si telle ou telle commune est Mitaod, on se réfère... au découpage départemental ! Si je demande par exemple à quelqu'un de Férel si Missillac était Mitaod, cela donne : "Ah non ! c'est en Loire-Atlantique"...