vendredi 29 novembre 2013

32 - C’était une jeune fille de Saint-Malo-des-Iles


L'honneur perdu est un sujet récurent dans les chansons traditionnelles. Mais, comme dit l'autre, l'amour a des raisons que la raison ignore. Au début tout va bien ; puis vient le temps des regrets « ah, si j'étais resté chez ma mère ! ». Si c'était une chanson actuelle on la trouverait ringarde. Mais nous tenons ici un petit bijou de la littérature populaire dont les nombreuses versions entendues en Loire-Atlantique sont toutes dignes d'intérêt.

Celle que vous écoutez cette semaine vient, à nouveau, des œuvres complètes (1) de Fernand Guériff. Recueillie à Prézégat (St Nazaire) auprès de Mme Jacobert. Le texte est l'un des plus complets parmi toutes les versions connues.
Où faut il localiser Saint Malo des Îles ? Il existe une bonne douzaine de Saint Malo et de Saint Maclou (2), quasiment tous localisés dans l'ouest, Bretagne ou Normandie. Soyons un peu chauvins : il existe en Brière, tout près de Saint Nazaire, la commune de Saint Malo de Guersac. Quand on sait que les villages briérons sont construit sur des îles au milieu des marais (3) il est tentant de trouver là l'origine de cette chanson. De là à l'affirmer il y a un pas que nous ne franchirons pas. Mais ce serait bien possible quand même !...
Ecouter la chanson et lire la suite (et réciproquement)



D'autant que la localisation des collectages de cette chanson nous confirme son origine : de nombreuses versions en Morbihan gallo, en pays Guérandais, en Pays de Retz et dans les alentours.
On la trouve imprimée dans les ouvrages de Guéraud, en pays nantais 1-13 - Dolbeau, dans le marais breton vendéen p.157 - Simon, en Anjou p 372 où le garçon débauché exerce la profession de boulanger ! , etc
Un très beau collectage de la fille qui suit un débauché a été publié dans l'anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique (4), édité par Dastum 44 : CD 2.11. C'est Mme Thérèse Legeay, de Legé qui l'interprète.
Bref, si vous passez à coté de cette chanson c'est que vous le faites exprès ou que vous manquez de goût, cette fois on n'hésite pas à l'affirmer.

A bientôt pour explorer de nouvelles richesses du patrimoine.


notes
1 – œuvres complètes éditées par Dastum 44 – Vous les trouverez dans la rubrique éditions. C'est bientôt Noël ; pensez y. Un beau livre fait toujours plaisir.
2 – Malo ou Maclou est à l'origine un moine gallois, Maclow, venu évangéliser en Bretagne. Ce n'est que bien plus tard qu'il se lança dans le commerce des tapis.
3 – St Malo de Guersac est bati sur deux iles : Guersac et Errand. Pour en savoir plus reportez vous au site de la commune.
4 – un autre beau cadeau : 60 chansons ; pour un prix raisonnable.

C’était une jeune fille de Saint-Malo-des-Iles

C’était une jeune fille
De Saint-Malo-des-Iles
Qui s’est fait enlever
Par un jeune débauché

Son père lui demande
Sa mère lui demande
Voudrais-tu nous quitter
Pour suivre un débauché
Voudrais-tu nous quitter
Pour suivre ton berger

Oh nenni, non, mon père
Oh nenni, non, ma mère
Je n’veux pas vous quitter
Pour suivre un débauché
Mais j’veux bien vous quitter
Pour suivre mon berger

L’amant qu’est à la porte
Entendant ces paroles
Ouvrez la porte, ouvrez
La belle, si vous m’aimez

La fille qu’est jeune est sotte
S’en fût ouvrir la porte
L’a prise et emmenée
A cheval l’a montée

Quand ils furent dans ces landes
Qui sont si longues et grandes
Dis-moi donc, mon amant
Où sont-elles tes maisons
Dis-moi donc, mon ami
Où sont-ils tes logis

Touchez, touchez, la belle
Pendant qu’la lune est claire
Quand elle sera couchée
Nous n’verrons plus marcher
 
Quand ils furent dans la chambre
N’ayant ni feu, ni lampe
Ni chandelle d’allumée
Demi-morte est tombée
Elle va dans l’escalier
Et se met à pleurer

Pleurez, pleurez, la belle
Pleurez, ma demoiselle
Vous avez beau pleurer
Vos beaux jours sont passés

Vous ne porterez plus
Ni bijoux, ni dentelles
Ni la montre au côté
Comme vous l’avez portée

Si j’avais cru mon père
Si j’avais cru ma mère
Et ma petite sœur Lison
Je s’rais à la maison
Je n’serai pas ici
A me faire du souci

J’port’rais la robe blanche
Le velours sur la manche
Et la croix sur mon cœur
Ça serait mon honneur
Je n’la porterai plus
Mon honneur est perdu.

Référence ouvrage : Chansons de Brière, de Saint nazaire et de la Presqu'ile guérandaise – Fernand Guériff, page 214 – édité par Dastum 44 et le Parc naturel régional de Brière (2009)
source : « récolte Gaston le Floc’h » (Mme Jacobert – Prézégat - 1937)
interprète : Janick Péniguel
catalogue P. Coirault : Celle qui part avec un débauché (1220)
catalogue C. Laforte : L’enlèvement de la belle par le galant marié (2-C-39)

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