Une
semaine entière sans chant d'oiseau ! Il est temps de reprendre
notre chronique ornithomusicologique. En dépit des accusations
possibles de cruauté envers les animaux, nous nous intéresserons
aujourd'hui à la coutume de plumer la gentille alouette, très
appréciée dans le répertoire enfantin.
Pourquoi
s’en prendre à cette malheureuse bestiole en lui imposant ce
strip-tease intégral ? La raison serait peut être liée au
comportement agaçant de l’alouette envers les amoureux. Tout
d’abord elle est la première à chanter dès le point du jour. Les
amants « n’étaient pas depuis deux heures ensemble que
l’alouette chanta le jour » (1). On a beau lui demander
de se taire, elle insiste : « belle alouette tu as
menti, tu chantes là le point du jour, il n’est ‘core que
minuit ». Tout cela pour faire son intéressante en montant
le plus haut possible jusqu’à ce qu’on l’entende sans la voir,
comme son compère le roitelet. D’ailleurs les versions chantées
en Basse Bretagne (2) s’en prennent souvent au roitelet.
Ensuite,
toujours selon la tradition, l’alouette est suspecte de commérages.
Elle colporte les mauvaises nouvelles. On ne peut même pas lui
confier un secret ou une info « si je la donne à l’alouette
la commission ne se fera pas ». Les amoureux préfèrent
charger le rossignol de retrouver leur âme sœur « rossignol
prend sa volée, au château d’amour s’en va ». Voilà
un messager fidèle. Les PTT ont préféré l’hirondelle et les
maternités la cigogne, mais c’est une autre histoire. L’alouette
paie donc très cher son inconséquence et ses bavardages matinaux.
Lire la suite et écouter la chanson
Il
existait jadis un peu partout une tradition de chasse, à l’origine
de l’expression le miroir aux alouettes. Attirées par cet objet
brillant elles venaient se prendre dans des filets. Cette chasse
continue aujourd’hui dans les Landes. En Angleterre et en Irlande
la chasse au roitelet était liée à la Saint Stéphane, le
lendemain de Noël. Les chansons « the King », « Hunting
the Wren » ou the « Cutty Wren » célèbrent cette
habitude. Le roitelet accroché à un bâton garni de rubans était
promené de maison en maison. Peter Kennedy (3) précise qu'en
échange de nourriture ou d'argent une plume du roitelet était
offerte pour être utilisée comme porte bonheur dans les maisons ou
les bateaux. Voici donc une explication plausible de la lointaine origine de notre chanson.
Reste à considérer l’intérêt
gastronomique peu évident d’un si petit animal. Il est plus
rentable de cuisiner de gros volatiles. Mais, imaginez-vous vos
enfants entonner « dinde, gentille dinde, je te plumerai » ?
Ça manque d’allure et de poésie.
« Alouette,
gentille alouette », plus connue que notre chanson de la
semaine, est devenue une comptine enfantine. Ce n’était sans doute
pas le cas à l’origine. Cette version a été transmise au Québec
dont elle est devenue la chanson emblématique. Chanson de marche
depuis le 17ème siècle, elle y a aussi intégré le
répertoire des bûcherons ou des rameurs dans leurs canoës. Elle
est devenue un véritable symbole du Canada français, une sorte
d’hymne non officiel. Vous pouvez entendre le premier des multiples
enregistrements de cette chanson, réalisé en 1917 par le baryton
Joseph Saucier, sur le site www.collectionscanada.gc.ca
Quand
à notre texte, interprété ici sur un air de ridée, on le retrouve
dans la plupart des régions de France, francophones ou non. Si la
ridée n'est pas une danse de Loire-Atlantique, des versions très
proches ont été notées dans le Pays de Retz, le pays nantais, etc.
Seul le pays Guérandais se distingue et pour être l'exception qui
confirme la règle nous donne une chanson où on plume le rossignolet
(4).
Soreau,
Guéraud et Guériff, nos grands précurseurs, signalent également
une chanson ou l'amoureux prélève une plume à l'alouette pour
écrire à sa maîtresse. Ce qui confirme l'explication du sort qui
lui est réservé : la chanson s'intitule « si j'avais une
arbalète ».
Le
texte de notre chanson énumérative étant remarquablement court,
nous le faisons suivre d'autres textes se rapportant à ces coutumes.
notes
1
– cf. la chanson « je suis garçon de bonne mine » - CD
Anthologie de la tradition orale de Loire-Atlantique Dastum44 - 2012
2
– textes publiés au 19ème siècle par Luzel - Soniou Breiz Izel
vol 1 1890 noté auprès de Margueritte Philippe en 1873 à Plouaret, et
Anatole Le Braz - chansons enfantines de Basse Bretagne
3 – Peter Kennedy : Folksongs of Britain and Ireland – Oak publications 1984
4
– Fernand Guériff – chanson du pays guérandais tome IV: les
Danses, page 64 – édité par Dastum 44 et proposé quelque part
sur ce blog, on vous le répétera tant qu'on aura pas épuisé le
stock !
Plumons le bec à
l’alouette
Plumons
le bec à l’alouette (bis)
Le
bec de la, tra la, la, le bec de l’alouette
Plumons
la tête à l’alouette (bis)
La
tête, le bec de la, tra la, la, la tête de l’alouette
Plumons
le cou…
récapitulation
Deux
cuisses
Une
cuisse
Le
dos
Deux
ailes
Une
aile
Le
cou
La
tête
Le
bec
source :
Auguste Jégo → fichier dastum N° 02412 (collecte :
Philippe Blouët)
interprètes
: Bruno Nourry et Jean-Louis Auneau
catalogue
Coirault : l'alouette plumée - 10304
catalogue
Laforte : l'alouette nous la plumerons - 4-GB-01
nous
plumerons l’alouette
version
notée par Anatole Le Braz - chansons enfantines de Basse Bretagne
Nous
plumerons le cul de l’alouette, l’alouette ; le cul, les doigts,
les
pieds, les jambes, les cuisses, les fesses, les ailes, le dos,
le
ventre, la gorge, le cou, les oreilles, les yeux, la tête, le
bec
de l’alouette, l’alouette.
Oui,
nous plumerons l’alouette, l’alouette,
Oui,
nous la plumerons tout du long.
Si
j'avais une arbalète – noté par Claude Pavec à Savenay
(44) publiée par Guéraud
Si
j'avais une arbalète, l'amour là lan la d'rirette
Que
ferais tu de c't'arbalette, l'amour la la derirette, l'amour la la
derira
J'en
tuerais t'une alouette
Que
ferais tu de c't'alouette
J'en
tirerais une plumette
Que
ferais tu de c'te plumette
J'en
écrirais une lettre
A
ma tendre et jolie maitresse
Hunt
the wren / Helg yn dreean (chanson de quête)
chantée
en 1921 par James Kelly, sur l’île de Man – publiée par P.
Kennedy
Let's
go to the wood said Robin the Bobbin
Let's
go to the wood said Ritchie the Bobbin
Let's
go to the wood said Juan Thollane
Let's
go to the wood said everyone
Why
do we go there ? Said Robin...
To
hunt the wren – where is he ? where is he ? - sitting in
the bush – How'll we get him – Throw a stone – now he is dead –
how to carry him – in the brewer's sledge – how to cook him , -
over the turf - How'll we eat him ? - with our fingers –
who'll come to dinner – the king and the queen – eyes to the
blind, legs to the lame, crop to the poor, bones to the dogs – the
wren the wren, the king of the birds, St Stephen's day he's caught in
the furze. Although he is small, his family's great. Give us plenty
of drink, woman, plenty to eat.
Recette
des brochettes d’alouettes
(trouvée
quelque part sur le net)
Plumez-les.
Videz-les. Flambez-les. A l'intérieur placez quelques grains de sel
et poivre concassé, du thym. Abaissez la tête de l'alouette et
rentrez-la dans le thorax. Retournez les pattes et croisez-les.
Coupez
du lard en morceaux de taille égale. Sur les brochettes, enfilez
alternativement, une tranche de lard, une alouette, etc en terminant
par du lard. Enduisez les oiseaux avec le beurre ramolli. Laissez
cuire 3 minutes de chaque coté sur le grill.
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