On ne dira jamais assez
la richesse du répertoire contenu dans les cinq volumes de chansons
de la presqu'ile guérandaise compilées par Fernand Guériff. De la
chanson à dizaine aux grandes complaintes en passant par la chanson
historique, comme celle de cette semaine.
Le départ de Napoléon
n'a pas été collecté directement par Guériff. Il provient du
fonds de 200 chansons notées autour de 1860 par Gustave Clétiez,
musicien (organiste) et compositeur de Guérande. Cette chanson
figure page 314 du tome 3, dans un chapitre consacré aux souvenirs
napoléoniens dans la chanson. Mais laissons la parole à l'auteur :
« La collection de Gustave Clétiez contient quatre curieuses
chansons, répandues chez nous par colportage, sur l'époque
napoléonienne. Ce sont donc des œuvres relativement récentes. Leur
cycle a été court, mais elles avaient tout de même pris racine
puisqu'on les chantait vers 1860. Le souvenir de Napoléon a persisté
longtemps dans le peuple après Waterloo. »
Dans la période
difficile de la restauration, le culte entretenu par les partis
bonapartistes, et porté par d'anciens soldats de la grande armée,
trouvait un écho dans notre région. « C'est ainsi qu'à Saint
Nazaire, un quartier de la ville s'appelle le petit caporal. En 1850
il y avait en cet endroit une très modeste auberge coiffée de tuile
avec, au dessus de la porte, un panneau représentant l'empereur
peint sur toile.
C'est sous forme de
complaintes qu'on montrait le triste sort de Napoléon 1er pour
apitoyer les populations, ou qu'on chantait certains faits
légendaires pour exalter sa bonté, sa justice. »
Ces chansons sont
devenues rares. Guériff en cite juste une autre version trouvée en
Berry.
LE DEPART DE NAPOLEON
Partons,
mes officiers, partons
Il
est temps de nous mettre en route
Partons,
mes soldats de valeur
Je
ne suis plus votre empereur
Du
temps que j’étais empereur
Du
temps que j’gouvernais la France
J’la
gouvernais avec douceur
La
France était bien florissante
A
présent que je suis parti
On
voit la France dépérir
Quand
j’ai perdu Montebello (1)
Grand
dieu que j’ai versé de larmes
Quand
j’ai perdu Montebello
Le
meilleur de mes généraux
C’est
un Normand matelot (2)
Qui
a livré, livré la France
Il
l’a livrée à l’ennemi
Comme
les juifs pour Jésus Christ
Joséphine
m’avait toujours dit
En
f’sant cette malheureuse campagne
D’être
trop ambitionneuse
Un
jour j’en d’viendrai malheureuse
Ils
m’ont pris, ils m’ont emmené
Tout
droit dans l’île de Sainte-Hélène
En
un pays bien éloigné
Dont
jamais je ne reviendrai
Et
de mon fils ayez bien soin
Un
jour il sera votre soutien
Adieu
Paris, adieu Strasbourg
Adieu
la charmante capitale
Adieu
Paris, adieu Strasbourg
Nous
ne nous verrons plus ce jour.
(1)
Le Maréchal de Lannes, Duc de Montebello
(2)
déformation de « C'est un nommé Berthelot »
source :
collectage
à Guérande de Gustave Clétiez (1830-1896) repris par Fernand
Guériff (1914-1994)
interprète
: Martine
Lehuédé
Si les souvenirs
nostalgiques de l'empire vous agacent, vous pourrez toujours vous
venger avec les comptines de courr de récréation :
Napoléon est mort à Ste
Hélène, son fils Léon lui a crevé le bedon...
ou encore :
Na-po-lé-on 1er descend
les escalier - Demande à son guichet où sont les cabinets?
Le guichet lui répond,
espèce de cornichon - Quand on est caporal, on chie dans le
canal!...
Aucune des deux ne figure
dans les enfantines notées dans le tome IV (cf. rubrique éditions).
Mais encore une fois, le répertoire publié par Fernad Guériff, on
finit toujours par y revenir !