A chaque semaine son miracle ; et
comme il vaut mieux s'adresser au bon Dieu qu'à ses saints nous
délaisserons cette fois Saint Nicolas pour laisser la vedette à la
Vierge Marie. Une jeune fille muette bénéficie d'une guérison
soudaine après l'avoir rencontrée. Cet événement miraculeux qui
stupéfie ses parents est réalisé en échange, symbolique, d'un
agneau. Pas de chance pour la bergère qui ne survit pas longtemps
après avoir retrouvé la parole, mais gagne sa place au paradis !
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Des études très détaillées ont été
publiées sur cette chanson (1). Nous ne reprendrons pas ici ces
commentaires qui vous en apprendrons beaucoup sur l'évolution des
mélodies et des timbres. Nous allons nous concentrer sur l'origine
de la version que nous avons choisie. Elle apparaît à deux reprises
dans les ouvrages de Fernand Guériff : tome 1, page 57 et tome
3, page 84 avec le même informateur pour origine. L'auteur y ajoute
quelques commentaires fort intéressants.
« Cette complainte s'inspirerait
du miracle de Jeanne Courtel, une petite bergère de la
Pressenaye-Kerrien, sourde et muette de naissance. La vierge lui
apparut en 1652 et la guérit.(...) la jeune fille mourut peu après
sa guérison ».
Cette localisation bretonne pourrait
flatter notre chauvinisme si cette complainte n'était pas autant
répandue dans toute la francophonie. Elle est connue à peu près
dans toutes les régions aussi bien en français qu'en occitan ou en
provençal. Elle a émigré outre-Atlantique où les collecteurs
l'ont retrouvée près de quarante fois, si on en croit les
indications de Conrad Laforte. Rien d'étonnant à cela quand on
découvre que ce miracle est repéré aussi bien ailleurs en Bretagne
(du coté de Maure de Bretagne) qu'en Auvergne et même jusqu'en
Italie. La fréquence la plus élevée de bergères muettes guéries
par la vierge est atteinte dans les Pyrénnées, et cela bien avant
qu'une certaine Bernadette de Lourdes ne soit à l'origine de ce qui
est devenu une attraction mondiale. Ces légendes locales se
concrétisent parfois par la demande d'édifier un autel où une
chapelle à l'endroit où la « dame blanche » est
apparue. Dans la légende chantée, la Vierge ne demande qu'un
agneau. La jeune fille doit aller trouver ses parents ce qui leur
permet de contater la guérison. Bien sur, leur reconnaissance va
bien au delà de la simple offrande d'un élément du troupeau. Mais
ce qu'ils ne savent pas c'est qu'en fait d'agneau c'est leur enfant
qui est véritablement vouée à la Vierge. Malgré le dernier vers
de notre version cette conséquence y est beaucoup moins évidente
que dans d'autres où elle est matérialisée par un signe fort :
Dans sa main une lettre qu'y a
d'écrit
Qu'elle était la servante de Jésus-Christ
Qu'elle était la servante de Jésus-Christ
et qui explique parfois très
clairement qu'en raison de sa conduite exemplaire, la jeune fille a
mérité le paradis.
Fernad Guériff ajoute également
quelques remarques sur la musique : « Notre air est à
quelques notes près celui de la « captivité de François 1er,
donné par la Villemarqué en 1888 dans la revue des traditions
populaires (cf Tiersot « la chanson populaire et les écrivains
romantiques » p 36... ». Cette mélodie doit vous en
rappeler une autre. Pour vous en convaincre, réécoutez la chanson
Un drame familial (n°190 de ce blog en mars 2017). Cette
histoire du parricide d'un riche marchand, pour des raisons obscures,
utilise la même ligne mélodique. Doit on en conclure à
l'utilisation d'un timbre commun ? La parenté mélodique entre
ces chansons si différentes est peut-être autant due à la
similitudes des structures, comme le suggère Marlène Belly dans son
étude.
notes
1 - « Le miracle de la muette » :
un air, un timbre, une coupe, par Marlène Belly, dans : Autour
de l'oeuvre de Patrice Coirault (FAMDT – 1994 – collection Modal
poche) - Commentaires de la chanson par Robert Bouthillier sur le
livret du disque “Grandes complaintes de Haute-Bretagne” ( 1998
co-édition Dastum 44, ArMen, la Bouèze et le Groupement culturel
Breton des Pays de Vilaine). La fille muette: CD 1, chanson 19.
interprète : Janig Juteau
source : Fernand Guériff
le trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande,
tome 1 page 57 – recueilli à Trescalan (La Turballe) en décembre
1949 de « Chechaise » Trimaud
catalogue Coirault : la
bergère muette et la vierge - 8301
Catalogue Laforte : la
bergère muette (II, B-33)
C'est une fille muette de nos cantons
Prend sa houlette blanche, ses blancs
moutons
Quand elle fut sur la lande bien
éloignée
Une grande dame blanche vint la trouver
Oh, d'un bonjour, la belle, jeune
Isabeau
Voudrais tu m'y donner un d'tes agneaux
Oh oui, oh oui, Madame, je le veux bien
Si mon père et ma mère le veulent
bien
La jeune fille s'en retourne à la
maison
A son père, à sa mère, conte la
raison
Le père aussi la mère bien étonnés
D'entendre leur fille muette si bien
parler
Va-t-en lui dire ma fille jeune Isabeau
Le troupeau est à elle jusqu'aux plus
beaux
Au bout de la quinzaine l'enfant mourut
Ce fut la bien aimée du fils Jésus
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