Noël
au balcon, Pâques en chansons, c'est ce que dit le proverbe ;
ou à peu près ! A l'approche de la grande fête religieuse,
c'est à l'influence réciproque entre cantiques et chansons
populaires que nous allons nous intéresser.
L'omniprésence
de la religion dans toutes les activités humaines des siècles
passées a eu, bien entendu, des répercussions sur les traditions
populaires. Noëls, Passion, chants de quête, vies des
saints...constituent une part non négligeable des répertoires. Mais
c'est l'utilisation de la musique religieuse et son détournement à
des fins de divertissement qui est perceptible au travers de cet
Alléluia.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Les
ecclésiastiques se sont souvent intéressés aux traditions
populaires. A la fois collecteurs de traditions et compositeurs de
cantiques ou de chansons, ils ont souvent fait le lien entre le sacré
et le profane. Pour ne retenir que ceux dont nous avons utilisé les
œuvres ou les collectes dans ce blog, citons : François
Thuard, le curé de Saillé, le chanoine Abel Soreau ou encore
François Gusteau (1). On sait que le père Grignion de Montfort,
prédicateur du 18è siècle, a utilisé les airs de chants
traditionnels pour ses cantiques, facilitant ainsi leur
apprentissage.
Pas
étonnant donc que dans l'autre sens des airs de cantiques aient
trouvé l'utilisation comme timbres de chansons populaires. La
musicalité et la simplicité du « O filii et filiae »
et son refrain en alléluia le prédestinaient à une utilisation
détournée. L'hymne original a été codifié au 15è siècle mais
l'air remonterait probablement au 12è siècle.
Nous
sommes là dans le même esprit que celui des « vêpres »,
parodie de litanies débitées sur un ton monocorde avec un texte à
tendance comique voire grivoise qui assurent généralement aux
chanteurs un succès populaire dans les assemblées ou les repas de
noce.
Notre
interprétation n'est pas celle d'une chanson, mais d'un assemblage
de couplets provenant d'informateurs différents présents dans nos
archives sonores.
Nous
avons laissé les mots en gallo dans leur graphie phonétique. Pour
celles et ceux d'entre vous qui auraient des doutes sur leur
signification, reportez vous au lexique.
Comme
d'habitude gens d'église et de justice en prennent pour leur grade
dans ces chansons du peuple. La gourmandise des avocats est
proverbiale et est dénoncée dans d'autres chansons. Puisque la
parole est à la défense, par souci d'équité citons aussi le
ministère public. Nous avons donc également trouvé un couplet qui
proclame :
Les
procureurs sont des voleurs
dans
le répertoire collecté en Ille et Vilaine. Pour ce qui est de la
Loire-Atlantique, toutes les sources que nous avons utilisées
viennent du nord du département, pays de Châteaubriant et
d'Ancenis. Ce qui ne veut pas dire que ces « alléluia »
n'étaient pas populaires ailleurs. Reportez vous à la base
Dastumedia pour en entendre plus. Enfin, si vous même connaissez ou
avez entendu d'autres couplets sur ce timbre nous serions ravis
qu'ils viennent enrichir cette collection.
En
attendant passez de bonnes fêtes de Pâques ; et n'abusez pas
des œufs en chocolat.
notes
1-
et ailleurs : Jules Garneret en Franche-Comté, Germain Lemieux
et Soeur Marie-Ursule au Canada, etc
Interprète :
Jean Ruaud, avec Jean-Louis Auneau et Dominique Juteau
sources :
Germaine Huard, de La Chapelle-Glain et Odile Jannault d'Erbray,
enregistrées à Erbray le 21 février 1993 par Patrick Bardoul -
Magdeleine Chevaux, de Ligné enregistrée le 20 février 1986 par
Pierre Guillard
Catalogue
C. Laforte : Alleluia pour les maçons
VI, A-80
Alléluia
pour les maçons
Les cordonniers sont des fripons
Les avocats sont des liche piats
Les cordonniers sont des fripons
Les avocats sont des liche piats
Alléluia
Alléluia
la messe est dite
Chacun
retourne à sa marmite
Et monsieur le curé à son piat
Alléluia
Et monsieur le curé à son piat
Alléluia
Monsieur
le curé a un pourciau
que les os lui percent la piau
encore il dit qu'il est bien gras
Alléluia
que les os lui percent la piau
encore il dit qu'il est bien gras
Alléluia
Monsieur
le curé a un petit cheouaw
qui lève du cul quand il fait chaw
qui lève du cul quand il fait chaw
S'il
monte dessus il cheillira
Alléluia,
Alléluia
Martin s'en va
dans son grenier chercher des rats
C'est pas pour lui c'est pour son chat
dans son grenier chercher des rats
C'est pas pour lui c'est pour son chat
Alléluia
R.
Alléluia ! Alléluia ! Alléluia !
Petit
lexique pour les personnes non familiarisées avec le gallo :
piat = plat (liche-piat= pique-assiette) pourciau = cochon
(pourceau), piau = peau, cheaouaw= cheval, chaw= chaud, cheillira=
tombera (cherra),
et
pour le plaisir les trois premiers couplets de l'hymne composé par
le frère Jean Tisserand en 1494 :
R.
Alleluia ! Alleluia ! Alleluia !
1
- O filii et filiae,
Rex coelestis, Rex gloriae
morte surrexit hodie. Alleluia'' !
2 - Et mane prima sabbati
Ad ostium monumenti
Accessérunt discipuli. Alleluia'' !
Rex coelestis, Rex gloriae
morte surrexit hodie. Alleluia'' !
2 - Et mane prima sabbati
Ad ostium monumenti
Accessérunt discipuli. Alleluia'' !
3
- Et Maria Magdalene,
et Iacobi, et Salome
Venerunt corpus ungere. Alleluia !
et Iacobi, et Salome
Venerunt corpus ungere. Alleluia !
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