Encore
du sang à la une sur le blog de Dastum 44. Cette complainte
criminelle est conforme aux canons du genre. Pourtant elle est
intéressante pour plusieurs raisons. Tout d'abord elle illustre le
travail d'un collecteur dans un territoire singulier : la Grande
Brière, près de Saint Nazaire. Ensuite parce qu'elle est un bon
exemple de ces chansons qui ont rapporté des faits divers à une
époque où les média avaient une diffusion limitée. Enfin parce
que son timbre a servi abondamment à tous les auteurs de chansons
d'actualités pendant plus de 150 ans.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Guy
Belliot est l'un des collecteurs les plus présents sur le territoire
du département de Loire-Atlantique : près d'un millier
d'enregistrements et cinq cent photographies, aujourd'hui versés
dans la base Dastumedia. Ces témoignages se rapportent à une
parcelle du territoire, la Grande Brière, qui a fait l'objet
d'études et d'enregistrements dès que les moyens modernes l'ont
permis (1). Les collectes de Guy Belliot ont débuté dans les années
70, à titre personnel et dans un cadre associatif (2).
Comme
beaucoup d'événements similaires le crime de la Chapelle des Marais
a donné lieu à la composition et à la diffusion d'une complainte
criminelle. Revenons à l'affaire elle même : Le 15 août 1910
au village de Québtitre, sur cette commune de la Chapelle des
Marais, le crime est découvert par des gens revenant de la messe.
Les circonstances n'ayant pas posé trop de soucis aux enquêteurs,
c'est sur les caractères opposés des protagonistes que s'attarde la
complainte. La chanson a été composée début 1911, avant
l'ouverture du procès. Voilà pourquoi les trois derniers couplets
ne sont pas une conclusion de l'affaire mais un appel au châtiment
du coupable. Pour une fois nous connaissons l'auteur du texte ;
il s'appelle Louis Garnier. D'après les informations recueillies par
Guy Belliot, l'assassin aurait finalement échappé à
la déportation au bagne de Cayenne.
Le
timbre de cette complainte ne vous est pas inconnu. C'est celui de
Fualdès qui, depuis l'affaire intervenue en 1817, a servi à un si
grand nombre de chansons qu'il est impossible de les recenser toutes.
Comment expliquer le succès de ce timbre si ce n'est par le
retentissement de l'affaire Fualdès ainsi que par la simplicité de
la mélodie. Un spécialiste résume ainsi l'intérêt de cette
pratique : « Le recours aux airs connus permet des
économies : celle d'une notation musicale, coûteuse et
risquée, mais plus encore, celle d'un effort d'apprentissage. Aucun
temps ne se perd à explorer une nouvelle mélodie ; l'attention
est d'avantage portée sur le récit »(3). L'air de la
complainte de Fualdès était, à l'origine, l'adaptation d'une
composition antérieure connue sous le titre « d'air du
Maréchal de Saxe ». Sa popularité fut telle que non seulement
il a servi de base aux relations des crimes tout au long du 19è
siècle et jusqu'à la première guerre mondiale, mais aussi pour des
chansons d'actualités, des pamphlets politiques, des chansons
satiriques et autres faits divers. Seule la Paimpolaise depuis le
début du 20è siècle a pu prendre le relais, en terme de fréquence,
pour les chansons sur feuilles volantes.
Nous
consacrons au travail de Guy Belliot un atelier « les chants du
tiroir » samedi 8 décembre à la Chapelle des Marais(4). C'est
une bonne façon de découvrir l’étonnant et foisonnant patrimoine
oral de ce territoire.
notes
1
– par exemple ceux réalisés dès l'après guerre par les ATP chez
les vanniers de Mayun.
2
– en tant qu'animateur de l'association « la Fouée de feu ».
3
– d'après jacques Cheyronnaud, dans « le fait divers »,
musée national des arts et traditions populaires, 1982
4
– en partenariat avec le Parc naturel régional de Brière (voir
précisions dans la rubrique actualités)
interprète :
Jean-Louis Auneau
source :
collecte de Guy Belliot à la Chapelle des Marais – chanson
diffusée sur feuille volante – auteur : Louis Garnier –
sur l'air de Fualdès.
Horrible
crime à la Chapelle des Marais
complainte à ce sujet –
air : Fualdès
Écoutez la brève histoire
De ce triste assassinat
qui tout le monde étonna
Lorsqu'on apprit, c'est notoire
Que le nommé Jean Mahé
Venait d'être assassiné
L'auteur de ce crime atroce
Jean Guiheneuf c'est son nom
Avait un mauvais renom
Il était violent, féroce
Tout le monde le redoutait
A la Chapelle des Marais
Au service militaire
Il fut très mauvais soldat
Pour ce fait on le garda
Après sa classe dernière
Afin qu'il fit aussitôt
…(Près de six mois de rabiot)
La victime tout au contraire
Était partout estimée
Jamais Jean-François Mahé
Dans toute la Grande-Brière
Ne se faisait d'ennemis
Il n'avait que des amis
Les deux hommes se rencontrèrent
Puis s'offrirent mutuellement
A boire mais seulement
Trop de chopines ils vidèrent
Jean Mahé devenait gai
Mais l'autre réfléchissait
Tout à coup...(cherchant querelle)
Jean Guihéneuf prend son couteau
Et frappa tout aussitôt
Son compagnon à l'oreille
Puis dans la gorge lâchement
Il le planta tout sanglant
Il s'acharne, c'est atroce
A coups de talons de soulier
Le féroce meurtrier
Abusait de toute sa force
Car il voulait voir venir
(de Mahé le)...dernier soupir
Il retourna sa victime
Afin de mieux la voler
Ses poches il avait fouillées
Pour profiter de son crime
Puis il n'a aucun remords
Pas même devant la mort
Le lendemain la justice
Fit arrêter l'assassin
Qui fut conduit, c'est certain
Tout droit devant sa victime
Habilement interrogé
Il fut forcé d'avouer
Les juges sans défaillance
Prononceront le jugement
Jean Guiheneuf, ce garnement
Écoutera la sentence
Les jurés pour le punir
Le condamneront à mourir
C'est une peine infamante
De finir sur l'échafaud
Entre les mains du bourreau
Que cette fin épouvante
Pour une telle atrocité
La peine lui est méritée
Que ça serve de remontrance
A tous les mauvais sujets
Imbus que d'affreux projets
Ce qui déshonore la France
N'ayons pas pitié de ceux
Qui tuent comme Jean Guihéneuf
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