samedi 24 novembre 2018

274 - la fille du forgeron


L'histoire racontée dans cette chanson est assez simple en apparence. Un garçon est amoureux d'une fille et lui parle de mariage. Deux obstacles s'y opposent. Le premier c'est qu'il va partir à la guerre. Le second c'est que la condition sociale de la fille ne lui permet pas d'empêcher ce départ. De quoi nourrir des regrets pour les deux amants ; regrets exprimés d'une façon énigmatique qui laisse supposer qu'on ne nous dit pas tout dans cette chanson.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Après l'avoir écouté l'impression dominante est qu'il manque des éléments dans cette chanson pour que son propos soit tout à fait clair. Dans pareil cas il suffit souvent de chercher d'autres versions pour en retrouver le sens. Le problème c'est que nous tenons là une des versions les plus complètes de ce texte et que les autres ne nous éclairent pas complètement sur le dénouement de l'histoire. Le garçon reste avec des regrets ; et nous aussi.
On a bien compris que ce garçon est tellement amoureux qu'il n'en dort plus la nuit. Mais si la fille lui répond aussitôt qu'elle n'est pas la fille d'un roi, c'est qu'on a manqué un épisode. C'est qu'entre les deux elle lui aurait fait comprendre que sa beauté ne lui donnait pas le pouvoir de l'empêcher de partir. Le garçon a pu lui répondre:
En serait-ce la fille d'un roi
Je ne l'aimerais pas plus que toi (1)
Mais elle n'est que la fille d'un forgeron ou, plus souvent
la fille d'un vigneron
de la plus basse condition (2)
Patrice Coirault, dans son répertoire de la chanson, a retenu cette profession pour lui donner son titre : la jolie fille du vigneron. Dans l'estuaire de la Vilaine les vignes sont plutôt rares, quoiqu'on nous promette leur retour avec le réchauffement climatique. Son père est donc un forgeron, ce qui ne change rien à l'histoire. Mais, pour nous embrouiller un peu plus, dans une autre version morbihanaise, chantée par Irène et André Drumel, c'est l'amoureux qui déclare :
Je ne suis pas le fils du roi
Je suis le fils d'un forgeron
Bien que notre chanson soit assez complète, elle ne traduit pas complètement les regrets du garçon qu'on retrouve assez souvent formulés ainsi :
Oh maudits soient les vignerons
Qui tant de belles filles ont
Renfermez les dans un couvent
Les laissez pas voir aux amants
Pour couronner le tout, un couplet vient un peu plus nous perturber. Que viennent faire ici ce carrosse et ces chevaux chez un simple forgeron ? Dans les collectes de Millien qui est-ce donc qui proclame :
Mon père a fait bâtir château
Le roi n'en a pas de plus beau
Cette revendication d'une richesse imaginaire est présente dans presque toutes les versions. Ce qui nous fait regretter de ne pas connaître l'origine de ces couplets. Mais cela n'empêche pas de les chanter, la preuve : Hervé Dréan a récolté deux fois cette chanson dans le territoire autour de la Roche-Bernard où il a effectué l'essentiel de ses collectes. Si vous résidez dans la région nantaise ne manquez pas sa conférence « itinéraire d'un collecteur » que nous organisons avec lui le 15 janvier 2019 aux archives départementales de Loire-Atlantique.

notes
1 – dans les vieilles chansons savoyardes publiées par Claudius Servettaz en 1910 et plusieurs fois rééditées depuis.
2 – dans plusieurs versions collectées en Auvergne ou en Nivernais (A. Millien)

interprète : Francis Boissard
source : Angèle et Gisèle Tabart à Bourgerelle en Arzal (Morbihan) enregistrées en décembre 2010 par Hervé Dréan - publié dans le volume 2 d'Instants de mémoire (musique sauvage – 2011)
catalogue P. Coirault : Dissenssions – 2523, la jolie fille du vigneron


M’en vais vous dire une chanson,
Nouvellement nous la dirons (bis),
Une chanson bien composée,
Dessus (r’) la table d’un boulanger.

Dessus (r’) la table d’un boulanger,
Ayant sa mie à ses côtés (bis),
En lui disant belle Manon,
Si tu voulais nous marierons.

Du mariage faut pas parler,
Car à la guerre faudra y aller (bis),
Non à la guerre je n’irai pas,
Ton petit cœur m’empêchera.

Ton petit cœur et tes beaux yeux,
M’ont rendu le cœur amoureux (bis),
Ton petit cœur, tes doux regards,
M’ont fait coucher le soir bien tard.

Je ne suis pas la fille d’un roi,
Ni la fille d’un riche bourgeois (bis),
Je suis la fille d’un forgeron,
De la plus haute garnison.

Chez nous il y a trois chevaux,
Le roi n’en a pas de plus beaux (bis),
Ils sont sellés, ils sont bridés,
Dessus (r’) la route prêts à marcher.

Les forgerons n’sont pas bien riches,
Mais (z’)ils ont tous les moyens d’vivre (bis),
Les forgerons, les francs-maçons,
Ce sont tous de gentils garçons.

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