L'histoire
racontée dans cette chanson est assez simple en apparence. Un garçon
est amoureux d'une fille et lui parle de mariage. Deux obstacles s'y
opposent. Le premier c'est qu'il va partir à la guerre. Le second
c'est que la condition sociale de la fille ne lui permet pas
d'empêcher ce départ. De quoi nourrir des regrets pour les deux
amants ; regrets exprimés d'une façon énigmatique qui laisse
supposer qu'on ne nous dit pas tout dans cette chanson.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Après
l'avoir écouté l'impression dominante est qu'il manque des éléments
dans cette chanson pour que son propos soit tout à fait clair. Dans
pareil cas il suffit souvent de chercher d'autres versions pour en
retrouver le sens. Le problème c'est que nous tenons là une des
versions les plus complètes de ce texte et que les autres ne nous
éclairent pas complètement sur le dénouement de l'histoire. Le
garçon reste avec des regrets ; et nous aussi.
On
a bien compris que ce garçon est tellement amoureux qu'il n'en dort
plus la nuit. Mais si la fille lui répond aussitôt qu'elle n'est
pas la fille d'un roi, c'est qu'on a manqué un épisode. C'est
qu'entre les deux elle lui aurait fait comprendre que sa beauté ne
lui donnait pas le pouvoir de l'empêcher de partir. Le garçon a pu
lui répondre:
En
serait-ce la fille d'un roi
Je ne l'aimerais
pas plus que toi (1)
Mais elle n'est que
la fille d'un forgeron ou, plus souvent
la fille d'un
vigneron
de la plus basse
condition (2)
Patrice Coirault,
dans son répertoire de la chanson, a retenu cette profession pour
lui donner son titre : la jolie fille du vigneron. Dans
l'estuaire de la Vilaine les vignes sont plutôt rares, quoiqu'on
nous promette leur retour avec le réchauffement climatique. Son père
est donc un forgeron, ce qui ne change rien à l'histoire. Mais, pour
nous embrouiller un peu plus, dans une autre version morbihanaise,
chantée par Irène et André Drumel, c'est l'amoureux qui déclare :
Je
ne suis pas le fils du roi
Je suis le fils
d'un forgeron
Bien que notre
chanson soit assez complète, elle ne traduit pas complètement les
regrets du garçon qu'on retrouve assez souvent formulés ainsi :
Oh
maudits soient les vignerons
Qui
tant de belles filles ont
Renfermez
les dans un couvent
Les laissez pas
voir aux amants
Pour couronner le
tout, un couplet vient un peu plus nous perturber. Que viennent faire
ici ce carrosse et ces chevaux chez un simple forgeron ? Dans
les collectes de Millien qui est-ce donc qui proclame :
Mon
père a fait bâtir château
Le roi n'en a pas
de plus beau
Cette
revendication d'une richesse imaginaire est présente dans presque
toutes les versions. Ce qui nous fait regretter de ne pas connaître
l'origine de ces couplets. Mais cela n'empêche pas de les chanter,
la preuve : Hervé Dréan a récolté deux fois cette chanson
dans le territoire autour de la Roche-Bernard où il a effectué
l'essentiel de ses collectes. Si vous résidez dans la région
nantaise ne manquez pas sa conférence « itinéraire d'un
collecteur » que nous organisons avec lui le 15
janvier 2019 aux archives départementales de Loire-Atlantique.
notes
1
– dans les vieilles chansons savoyardes publiées par Claudius
Servettaz en 1910 et plusieurs fois rééditées depuis.
2
– dans plusieurs versions collectées en Auvergne ou en Nivernais
(A. Millien)
interprète :
Francis Boissard
source :
Angèle et Gisèle Tabart à Bourgerelle en Arzal (Morbihan)
enregistrées en décembre 2010 par Hervé Dréan - publié dans le
volume 2 d'Instants de mémoire (musique sauvage – 2011)
catalogue P.
Coirault : Dissenssions – 2523, la jolie fille du vigneron
M’en vais vous
dire une chanson,
Nouvellement nous la
dirons (bis),
Une chanson bien
composée,
Dessus (r’) la
table d’un boulanger.
Dessus (r’) la
table d’un boulanger,
Ayant sa mie à ses
côtés (bis),
En lui disant belle
Manon,
Si tu voulais nous
marierons.
Du mariage faut pas
parler,
Car à la guerre
faudra y aller (bis),
Non à la guerre je
n’irai pas,
Ton petit cœur
m’empêchera.
Ton petit cœur et
tes beaux yeux,
M’ont rendu le
cœur amoureux (bis),
Ton petit cœur, tes
doux regards,
M’ont fait coucher
le soir bien tard.
Je ne suis pas la
fille d’un roi,
Ni la fille d’un
riche bourgeois (bis),
Je suis la fille
d’un forgeron,
De la plus haute
garnison.
Chez nous il y a
trois chevaux,
Le roi n’en a pas
de plus beaux (bis),
Ils sont sellés,
ils sont bridés,
Dessus (r’) la
route prêts à marcher.
Les forgerons n’sont
pas bien riches,
Mais (z’)ils ont
tous les moyens d’vivre (bis),
Les forgerons, les
francs-maçons,
Ce sont tous de
gentils garçons.
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