Allez hop ! Une belle chanson
d'amour, pour changer. Deux jeunes tourtereaux s'en vont batifoler
sur l'herbe tendre. Ça commence bien. Afin d'éviter les petites
bestioles et autres trucs qui piquent, le galant déploie son manteau
pour le confort de sa belle. Après un bon moment - à peine évoqué
et en termes choisis pour ménager nos chastes oreilles - la
situation se gâte. Il commence à être question d'argent et dès
lors tout dérape. L'affaire finit devant la justice. Le jeune
amoureux tout penaud n'a plus qu'à chercher une justification pour
ne pas perdre la face. Quelle histoire !
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
On a un peu perdu de vu cette aventure
sentimentale dans les répertoires collectés dernièrement. Aussi,
c'est dans les textes recueillis anciennement qu'il faut aller
chercher l'explication de cette querelle d'amoureux. Notre version a
bien été publiée par Fernand Guériff il n'y a pas si longtemps.
Mais c'est dans la collection de chansons recueillies par Gustave
Clétiez (1830-1896) qu'il est allé la chercher. D'autres
collecteurs en ont noté des exemples avec des airs voisins quelle
que soit leur région d'origine et un texte variant peu sur le fonds.
Comme souvent ce sont les détails qui sont les plus intéressants.
Tout d'abord précisons ce qu'est une
mantelle. C'est bien plus que le simple féminin de manteau quoique
le mot dérive de l'ancien « mantel ». D'autres chansons
nous parlent de mandille ou de mantille, termes repris
par nos « catalogueurs » Coirault et Laforte. La mandille
désignait plutôt un habit porté par les laquais, ce qui nous
renseigne sur la condition sociale du jeune homme. Parfois la jeune
fille est désignée comme « la fille d'un officier »
(1). Quand à la mantille elle n'a rien à voir avec la coiffure des
andalouses dont Luis Mariano nous a bassiné avec son « Je
revois les grands sombreros et les mantilles » (2). Bref, ce
qui n'est au départ qu'un accessoire textile bien pratique :
Le vert et la rosée saliraient mon
blanc jupon (1)
devient un sujet de dispute.
Mais entre temps chacun en a pris du
bon (temps). Selon les versions on trouve différentes manières de
l'exprimer. Toujours dans la chanson berrichonne, c'est :
Après l'avoir caressée
Ici, on sent que l'amoureux est plein
d'attentions
Quand l'beau galant eut donné
Tous les plaisirs à la belle
Ce qui est parfois exprimé d'un point
de vue plus masculin :
Quand le galant eut joui du plaisir
de la belle (3)
Mais alors pourquoi est il soudain
question de garder cette mantelle comme une sorte de paiement, alors
que la belle semblait tout à fait consentante. Voilà maintenant que
la justice va devoir trancher. C'est justement ce jugement qui peut
nous apporter un début d'explication. Sauf que la chanson
guérandaise ne nous donne pas tous les attendus. Nous savons juste
que :
... le reste de la mantelle
Payera bien la façon.
Un sous entendu
pas assez clair pour dire que ce batifolage dans l'herbe a eu des
conséquences. Ailleurs c'est ainsi qu'on l'exprime :
La mantille est
pour la fille
Pour en faire
un beau jupon
Le reste de la
mantille
Pour habiller
le poupon
Explication plausible - mais non
certifiée – d'une symbolique de cette mantelle.
Cette version de la mantelle a aussi
été enregistrée sur le CD « Tourmenté d'amour » par
Mathieu Hamon, accompagné par Ronan Robert et le regretté
Christophe Caron.
notes
1 – dans « chansons populaires
dans le Bas Berry » de Barbillat et Touraine (vol. 5, p. 93)
2 – chanson de Rina Ketty en 1938,
rapidement transformée en « j'ai laissé tomber mon blaireau
dans les lentilles » (d'après L'argot des musiciens – éd.
Climats, 1992)
3 – Chansons populaires d' l'Ain –
Charles Guillon (1883)
Interprète : Jeannette
Lebastard
Source : Fernand Guériff - Le
trésor des chansons populaires folkloriques recueillies au pays de
Guérande, vol. 1 page 190
Catalogue P. Coirault :
(Larcins – 2224, la mandille)
Catalogue C. Laforte : II,
C-32, la mantille
L'autre jour m'y promenant
Près du petit bois d'Ardennes
En chemin, j'ai fait rencontre
D'une bell' fort à mon gré.
Je lui parlai d'amourette
La bell' n'a pas refusé.
2.
Moi, je la pris par la main,
Je l'ai couché sur l'herbette :
Déployez votre mantelle,
Mettez-la donc par dessous
Votre jupon de dentelle
Cachera vos blancs genoux.
3.
Quand l'beau galant eut donné
Tous les plaisirs à la belle :
— Rendez-moi ma mantelle
Car je voudrais m'en aller;
J'entends mon pèr' qui m'appelle
C'est bien temps d'se retirer.
4.
— Ta mantelle m'appartient,
Je crois l'avoir bien gagnée.
— Mais nous irons en justice,
Prendrons raison de cela.
Qui gagnera la mantelle
Beau galant l'emportera.
5.
La justice a bien jugé :
La mantelle est pour la fille.
La mantelle est pour la fille,
Pour lui faire des jupons,
Et le rest' de la mantelle
Payera bien la façon.
6.
— Camarade, mon ami,
Qu'as-tu fait de ta mantelle ?
L'aurais-tu jouée aux cartes ?
L'aurais-tu jouée aux dés ?
Il faut rendre la mantelle
A celle qui l'a gagnée.
7.
L'autre jour m'y promenant
Près du petit bois d'Ardennes
En chemin, j'ai fait rencontre
Trois voleurs mal à mon gré,
En voyant votre mantelle,
Ils l'ont prise et emportée.
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