Ce
miracle est une part de l'actualité de la semaine puisque nous
venons tout juste de fêter la Saint Nicolas. Le saint n'a pas, dans
nos régions, le rôle qui lui est attribué dans l'est de la France
où il distribuait les cadeaux aux enfants avant que le père Noël
ne lui pique sa place. La complainte n'en est pas moins présente
dans nos traditions orales. Bien entendu cette histoire est très
ancienne. Nicolas, évêque d'Anatolie (Turquie) a commencé à faire
parler de lui au moyen-âge et sa popularité n'a cessé de croître
dans les chansons traditionnelles
pour
écouter la chanson et lire la suite :
Mais
qui est donc ce Nicolas, super héros des chansons traditionnelles ?
Car la complainte des enfants au saloir n'est pas le seul miracle qui
lui soit attribué. On le retrouve encore une fois dans la chanson du
nourrisson brûlé, le ramenant à la vie :
C’est
la belle nourrice qui nourrissait Lisa...
...Dans
son chemin rencontre le grand Saint Nicolas...
Il
intervient aussi pour la fille changée en cane afin qu'elle échappe
à ses tourmenteurs. Il sauve des marins de la noyade. Bref, ne nous
étonnons pas si, en dehors des écoliers et des petits enfants,
plusieurs corporations l'aient choisi comme saint patron :
pêcheurs, marins et mariniers, voyageurs, prisonniers, avocats,
tonneliers, kinés...et même des bouchers.
Cette
légende de Saint Nicolas est très populaire. On y retrouve des
thèmes récurrents dans les traditions contées ou chantées. Elle
présente une similitude avec l'histoire de l'ogre et du petit
Poucet, lui aussi avec ses frères, en danger d'être transformé en
nourriture. L'attitude de la femme du boucher est identique à celle
de la patronne de l'auberge rouge qui trucide les voyageurs pour leur
argent. C'est elle qui emploie l'argument décisif dans le troisième
couplet, nouvelle Eve entraînant son Adam de mari dans la voie du
péché !
Remarquons
au passage que dans plusieurs des miracles les personnages vont par
trois : trois chevaliers, trois marins, trois écoliers. Mais
puisqu'on parle de résurrection, les enfants vont aussi par trois
dans la complainte où Jésus ressuscite leur mère.
L'histoire
du miracle de Saint Nicolas remonte fort loin. De nombreux auteurs se
sont penchés sur son exégèse : Doncieux, Davenson,
Coirault... Nous vous laissons les consulter pour ne pas en rajouter
(1).
Pour
ce qui est de la version que nous vous proposons, elle se situe dans
la moyenne de ce qu'on peut entendre ici et là. C'est à dire une
chanson présente depuis fort longtemps dans la transmission
populaire mais qui doit probablement autant à la tradition qu'à la
diffusion littéraire. En effet, si on trouve de nombreuses variantes
du texte, la musique est souvent identique. La responsabilité en
revient à Gérard de Nerval qui fut le premier à en publier le
texte en 1842, ou plutôt à Armand Gouzien, musicien qui en proposa
immédiatement une harmonisation. Le succès de cette complainte
diffusée sur feuille volante explique cette similitude entre les
versions de toutes régions. C'est aussi Gouzien qui a transformé en
refrain des deux premiers vers collectés par Nerval
Il
était trois petits enfants,
Qui
s'en allaient glaner aux champs.
Voilà
encore une fois comment l'écrit a transformé l'oral, en retour. Car
cette légende ne date pas d'hier. Nos chercheurs (voir plus haut) la
situent au 17è siècle dans sa forme actuelle. Mais bien avant on en
trouverait déjà trace dans un mystère moyenâgeux du 13è siècle.
Le miracle est représenté dans plusieurs édifices religieux, par
exemple sur un vitrail de la Cathédrale de Bourges. Puis il est
imprimé dans « la grande bible des Noëls » publiée par
Hernault à Angers en 1582 et ensuite dans la « grande bible
des Noëls vieux et nouveaux de Nantes » éditée par Querro, à
une date inconnue (2):
Saint
Nicolas, vray escolier
qui
des clercs avait quatre-vingts,
Trois
il y en a de ses clergeons
qui
sont frères et compagnons...
Quelle
que soit son ancienneté, on peut encore chanter cette chanson aux
enfants d'aujourd'hui ; il y a des textes comme celui là qui
sont intemporels ; et puis si ça peut leur montrer qu'il n'y a
pas que le père Noël des grandes surfaces qui s'intéresse à eux !
notes
1
– voyez, entre autres, cette analyse publiée sur Gallica, le site
de la BnF
2
- cité par Martine David et Anne-Marie Delrieu : Aux sources
des chansons populaires (Belin – 1984)
interprète :Jean
Ruaud
source :
chanson du répertoire de son père, Joseph Ruaud, du Dresny (44)
Catalogue
P. Coirault : 8306 – St Nicolas et les enfants au saloir
Catalogue
C. Laforte : II, B-16 – St Nicolas et ses trois clercs
Refrain
Il
était trois petits enfants,
Qui
s'en allaient glaner aux champs.
Tant
sont allés tant sont venus
Que
sur le soir se sont perdus
S'en
sont allés chez un boucher :
« Boucher,
voudrais-tu nous loger ? »
« Allez
vous-en les garnements,
Nous
avons trop d'empêchement. »
Mais
sa femme qu'était derrière lui,
Bien
vitement le gourmandit
«Assurément ils
ont de l'argent,
Nous
en serons riches d'autant.
Entrez,
entrez, mes beaux enfants !
Y
a de la place assurément
Ils
n'étaient pas sitôt entrés,
Que
le boucher les a tués,
Les
a coupés en petits morceaux,
Mis
au saloir comme pourceaux.
Saint
Nicolas au bout de sept ans,
Vint
à passer dedans ce champ.
Alla
frapper chez le boucher :
« Boucher,
voudrais-tu me loger ? »
« Entrez,
entrez, Saint Nicolas !
Il
y a de la place, il n'en manque pas. »
Il
n'était pas sitôt entré,
Qu'il
a commandé à souper.
« Voulez
vous une tranche de jambon ? »
« Je
n'en veux point, il n'est point bon. »
« Voulez-vous
mieux une tranche de veau ? »
« Je
n'en veux point, il n'est point beau. »
« Du
petit salé je veux avoir,
Qu'y
a sept ans qu'est dans le saloir. »
Quand
le boucher entendit ça,
Hors
de sa porte il s'enfuya.
« Boucher,
boucher, ne t'enfuis pas !
Repens-toi,
Dieu te pardonnera. »
Et
le grand saint alla s'asseoir
Dessus
le bord de ce saloir.
Et
le saint étendit trois doigts
Les
petits se lèvent tous les trois
Le
premier dit : « J'ai bien dormi ! »
Le
second dit : « Et moi aussi ! »
Et
le troisième, le plus petit :
« Je
croyais être au paradis ! »
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