Avec la publication
de cette semaine nous abordons un genre spécifique de la chanson
traditionnelle auquel on prête habituellement moins d'intérêt.
Pourtant, plus efficace que potions et pilules, la berceuse
mériterait d'être remboursée par la sécu. Prend-on encore le
temps aujourd'hui de faciliter l'entrée des tous petits dans le
sommeil avec une chanson ? Parfois en leur lisant une histoire à
dormir debout extraite d'un illustré pour la jeunesse. Mais avec la
berceuse le texte compte moins que la façon de le fredonner.
Pour écouter la
chanson et lire la suite :
Il ne nous a pas
échappé que parmi les fidèles lecteurs de ce blog figurent un
nombre important de grands parents, souvent sollicités pour la garde
de leurs petits enfants et de fait confrontés au problème de leur
endormissement. Si l'écoute de cette chanson ne vous a pas entraîné
derechef dans les bras de Morphée, ouvrez les paupières pour lire
la suite.
La berceuse est peut
être le type de chanson le plus universellement répandu. On en
trouve sous toutes les latitudes, dans toutes les langues et dans
tous les pays. Dans son ouvrage sur les chants populaires du
Languedoc (1) Lambert donne une formule qui résume bien le genre :
« Les chants de cette série sont inépuisables, autant que
l'amour maternel qui les a inspirés ». En revanche, les
folkloristes semblent l'avoir dédaignée. Parmi les milliers de
pages consacrées au folklore de la France par A. Van Gennep (2), il
y en a moins de deux pour décrire cet instant de la journée. Bien
sur, des chercheurs organisent de savants colloques sur le thème du
folklore enfantin. Mais ils sont essentiellement tournés vers les
chansons des chères têtes blondes et s'intéressent rarement aux
couplets des adultes à leur intention. Enfin, il faut ajouter que
les berceuses spécifiques sont souvent remplacées par d'autres
chansons du répertoire. Là encore le texte importe moins que la
façon de chanter.
Pour ce qui est du
répertoire de nos régions les formes les plus courantes sont sur le
modèle
Dodo l'enfant do
L'enfant dormira
bien vite
ou encore :
Fais dodo, Colin
mon petit frère...
Dans les régions de
langue occitane, le type le plus fréquent débute par :
Som, som veni
veni
S'il existe des
formules toutes faites qui se sont transmises avec les générations,
le texte n'est donc pas l'élément le plus important et ce genre se
prête bien à des formes d'improvisation. Plus près de nous
quelques auteurs se sont risqués à l'écriture de chansons pour
enfants et donc de berceuses. Le texte que nous vous proposons paraît
à mi chemin entre la tradition et une nouvelle écriture.
Tout cela pour dire
– ou plutôt pour ne pas dire trop vite – que nous n'avons pas
réussi à identifier clairement l'origine de cette chanson. Elle
fait partie du répertoire familial du chanteur, mais ne semble pas
de facture très ancienne. Son timbre s'apparente à la grande
famille des « dodo l'enfant do ». Son texte pourrait être
contemporain des nombreuses compositions de Théodore Botrel (3). Le
thème du marin attendu par sa famille fait partie des sujets
récurrents chez le célèbre barde à papa.
Dernière
possibilité : que le texte soit une invention de M. Ruaud père
lui-même. Bref ; si vous avez repéré ailleurs la source de
cette jolie composition, n'hésitez pas à nous en faire part.
Notes
1 – Chants et
chansons populaires du Languedoc par Louis Lambert, Montpellier 1905
– tome 1 page 3
2 – Arnold Van
Gennep : le folklore français, tome 1, du berceau à la tombe,
page 146
3 - dont : le
grand Lustukru, la berceuse du violoneux, Dors mon gars, Berceuse
blanche, Berceuse noire, la cruelle berceuse, berceuse d'automne,
berceuse paimpolaise...
Interprète :
Jean Ruaud
source :
Joseph Ruaud, Le Dresny (44) enregistré en 1988 – original
consultable sur la base dastumedia
Dors
mon cher petit
Pendant
que maman te berce
Dors
mon cher petit
Pendant
tout le temps de la nuit
Depuis
ce matin
Ton
papa est à la pêche
Depuis
ce matin
Papa
est à la pêche au loin
Il
va revenir
avant
la nuit je l'espère
Il
va revenir
pour
t'embrasser et dormir
Il
va te piquer
Avec
sa barbe de père
Il
va te piquer
Et
te faire un peu bisquer
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