samedi 17 novembre 2018

273 - Sophie et Colin (les mères d'à présent)


Comme celle de la semaine dernière, notre chanson a pour accessoire principal un lit. Mais point besoin de berceuse pour les deux protagonistes. Nous avons totalement changé de registre avec cette fois un texte qui figure dans le répertoire des chansons coquines ou libertines. Probablement composée vers la fin du 18è siècle cette saynète grivoise est passée dans le répertoire populaire. C'est auprès d'un chanteur de tradition orale que Fernand Guériff l'a récupérée, dans les années 50.
pour écouter la chanson et lire la suite.


Il y a deux façons d'aborder cette chanson, ce qui justifie son double titre. Soit on la considère comme le récit des aventures de deux jeunes tourtereaux dont les prénoms sont mis en valeur. Soit on y voit le tracas donné aux mères par l'éducation de leurs filles et c'est l'autre titre qui domine. Il semble bien que ce soit les cas dans la plupart de versions connues de cette chanson. Elle est parfois baptisée « la chanson des mères » et a été plusieurs fois enregistrée sous le titre « les mères d'à présent ». C'est souvent l'incipit de la chanson. C'est à dire que ce qui est ici le dernier couplet vient habituellement en premier, passant ainsi du statut de morale de l'histoire à celui d'introduction du sujet.
Elle est donc sortie assez tôt de la tradition orale pour être enregistrée par des spécialistes du genre paillard sur des disques à diffusion plutôt confidentielle, dès les années 30. Parmi les artistes qui l'ont mise à leur répertoire on trouve des noms comme Stello, Gaston Tremolo, Eugénie Buffet, la Houppa...et plus près de nous, Colette Renard.
Malgré cette diffusion sur 78 ou 33 tours, « les mères d'à présent » est bien un chant traditionnel. Mais il appartient sans doute plus aux répertoires des casernes ou des salles de garde. Dans le tome 3 de ses collectes, Gueriff le qualifie de «  vieille romance du 18è siècle » qui lui a été « chantée par Jean Delalande, 83 ans en août 1955 ».
L'auteur de cette chanson nous est inconnu. Outre son style, un détail pourrait nous conforter dans cette estimation qui la situe vers la fin du 18ème siècle. C'est la présence dans certaines versions d'une prison bien connue dont la disparition est tout un symbole :
Elles briseraient fers et grilles,
Et s'échapperaient d' la Bastille.
Quand aux amoureux leurs prénoms sont variables : ici Sophie et Colin, ailleurs Pauline et Lucas, voire Coline et Colin. Ce qui ne varie pas c'est la situation et la façon « d'agir en conséquence » !

interprète : Nicolas Pinel
source : Fernand Gueriff – publié dans le volume 3 du « Trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande », page 167 (Dastum 44 et parc Naturel Régional de Brière - 2009)

Sophie disait à son amant
Qu'ell' l'aimait tant à la folie !
Lui donne un rendez-vous charmant
Pour satisfaire son envie :
- Tu viendras ce soir
Combler mon espoir,
Colin ne manque pas, je t'en prie. ( bis

Tiens, voilà mon passe-partout ;
J'y couche au quatrième étage.
Je te recommande surtout
De ne pas faire de tapage.
Tu connais l' secret
De mon cabinet.
Va, je ne t'en dis pas davantage ( bis

Colin ne demandait pas mieux,
Trouva le jour comme une année
Le rendez-vous des amoureux
Était à dix heures sonnées.
Frappe : pan, pan,
Entre doucement.
Ma chère Sophie, êtes-vous couchée ? ( bis

Ah ! Colin, enfin te voilà !
Que j'étais dans l'impatience !
De te serrer entre mes bras,
J'en avais perdu l'espérance.
Et puisque c'est toi,
Déshabille-toi,
Et nous agirons de conséquence ( bis

La mère qui avait un soupçon
Se lève la nuit tout en chemise.
Elle se doutait qu'un jeun' garçon
Était couché avec sa fille
Frappe : pan, pan, pan.
Entre doucement.
Colin dans les draps s'entortille ( bis

Maman, ne le découvrez pas !
Il fait plus froid qu'à l'habitude.
Laissez-le couché avec moi
Il pourrait attraper un rhume.
Si vous l' découvrez,
Maman vous aurez,
Le cœur aussi dur qu'une enclume ( bis

Ah ! que les mères d'à présent
Ont de la peine avec leurs filles.
Sitôt qu'elles attrapent quinze ans,
Elles sont amoureuses et gentilles.
Pour un amoureux
Jeune et vigoureux
Elles briseraient fers et grilles. ( bis


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