Un peu de sérieux dans ces lignes
cette semaine : nous allons parler économie, histoire et
statistiques. Rassurez vous notre objectif est toujours de vous faire
découvrir la richesse du patrimoine oral et de vous donner envie de
chanter. Mais vous avez sans doute remarqué que cette chanson a déjà
fait l'objet d'une publication sur ce blog, sous une autre version
(1). C'est pourquoi nous nous intéresserons d'abord au refrain,
seule vraie nouveauté, avant d'ouvrir notre page économique.
pour écouter la chanson et lire la
suite :
Trentemoult, Roche-Maurice et
Chantenay, sont des quartiers, des villages situés des deux cotés
de la Loire.Ils en ont vu passer de ces navires venant décharger
leur précieuse marchandise. Les marins qui entraient dans le port y
découvraient les premières belles maisons de la ville, ce qui peut
expliquer ce refrain.
La chanson des navires chargés de blé
est l'une des plus répandues dans la tradition. Que ce soit dans les
collectes publiées ou enregistrées ainsi que dans les productions
discographiques, elle arrive toujours dans le top 3 des « tubes »
de la chanson traditionnelle. Seules l'histoire des trois canards
chassés par le fils du roi et celle de la fille qui a tant
d'amoureux (aux marches du palais...) peuvent se targuer d'un succès
plus important en nombre de versions ou de publications. La raison de
ce succès reste à expliquer. Le fait que chaque port de la cote
atlantique possède sa propre version (ou même plusieurs) de ce
récit suffit à en faire un sujet universel. La mélodie et le
refrain peuvent changer, le fonds de l'histoire reste le même et a
ainsi pu être adopté dans tout le répertoire francophone. Sans
vouloir être chauvins (2), reconnaissons tout de même que le port de
Nantes se retrouve dans plusieurs versions de cette chanson. Il doit
bien y avoir une raison.
Tout au long des 17è et 18è siècle
et jusqu'à la révolution, l'histoire est ponctuée de disettes, de
famines parfois. Comment un pays au climat et aux terroirs favorables
pouvait-il se trouver périodiquement en butte aux insuffisances de
la production ? Les historiens ont bien noté l'influence de
cette inorganisation sur le renversement de l'ancien régime.
L'importance du port de Nantes dans ce
commerce de céréales s'explique par sa situation à l'embouchure de
la Loire. Le blé n'arrivait pas uniquement de contrées étrangères
et lointaines. Parfois c'est la production bretonne, intransportable
par un réseau routier quasi inexistant à cette époque qui
transitait par le port de Nantes. La Loire permettait alors de faire
remonter les chargements sur des chalands. Nous avons déjà vu avec
une chanson précédente les conséquences économiques mais aussi
culturelles de ce trafic fluvial. Bien avant que la route ou le rail
n'offrent de nouvelles facilités, la voie maritime et fluviale
offrait alors la meilleure possibilité de transport des céréales
en raison des tonnages concernés.
Tout ceci ne suffit sans doute pas à
justifier la popularité de cette chanson. Mais les blés, le pain,
les moulins et leurs occupants fournissent une quantité
impressionnante de chansons dans le répertoire traditionnel. Sans
vouloir échafauder de théorie on peut le constater. Ça mange pas
de pain !
notes
1 – chanson n° 39 en janvier 2014
2 – une bonne fois pour toutes :
c'est pas notre genre. Enfin, bon...juste un peu !
Interprète : Nicolas Pinel
source : version recueillie
par Armand Guéraud en pays Nantais (milieu XIXè siècle)
catalogue P. Coirault :
Les trois navires chargés de blé (N° 1315)
catalogue C. Laforte : Le
bateau chargé de blé (1-F-21)
A Nantes à Nantes vient d’arriver
(bis)
Trois beaux navires chargés de blé
REFRAIN
Et vive Roche-Maurice, Trent’moult et
Chant’nay
Ne sont ils pas tous riches
Trois beaux navires chargés de blé
(bis)
Trois dames s'en vont les marchander
Etc.
A Nantes à Nantes vient d’arriver
Trois beaux navires chargés de blé
Trois dames s'en vont les marchander
Marin, marchand, combien ton blé
Je le vends dix sous la pochée
C’est pas trop cher si c'est bon blé
V’nez dans ma barque et vous verrez
La belle avait le pied léger
Dedans la barque elle a sauté
Le marinier a démarré
Arrête, arrête, beau marinier
Car j'entends ma mère m'appeler
Et mes petits enfants pleurer
Taisez-vous, la belle, vous mentez
Jamais d'enfant n'avez porté
S'il plait à Dieu vous en aurez
Et ils seront beaux mariniers.
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