samedi 3 novembre 2018

271 - Trentemoult et Chantenay (les navires de blé)


Un peu de sérieux dans ces lignes cette semaine : nous allons parler économie, histoire et statistiques. Rassurez vous notre objectif est toujours de vous faire découvrir la richesse du patrimoine oral et de vous donner envie de chanter. Mais vous avez sans doute remarqué que cette chanson a déjà fait l'objet d'une publication sur ce blog, sous une autre version (1). C'est pourquoi nous nous intéresserons d'abord au refrain, seule vraie nouveauté, avant d'ouvrir notre page économique.
pour écouter la chanson et lire la suite :


Trentemoult, Roche-Maurice et Chantenay, sont des quartiers, des villages situés des deux cotés de la Loire.Ils en ont vu passer de ces navires venant décharger leur précieuse marchandise. Les marins qui entraient dans le port y découvraient les premières belles maisons de la ville, ce qui peut expliquer ce refrain.
La chanson des navires chargés de blé est l'une des plus répandues dans la tradition. Que ce soit dans les collectes publiées ou enregistrées ainsi que dans les productions discographiques, elle arrive toujours dans le top 3 des « tubes » de la chanson traditionnelle. Seules l'histoire des trois canards chassés par le fils du roi et celle de la fille qui a tant d'amoureux (aux marches du palais...) peuvent se targuer d'un succès plus important en nombre de versions ou de publications. La raison de ce succès reste à expliquer. Le fait que chaque port de la cote atlantique possède sa propre version (ou même plusieurs) de ce récit suffit à en faire un sujet universel. La mélodie et le refrain peuvent changer, le fonds de l'histoire reste le même et a ainsi pu être adopté dans tout le répertoire francophone. Sans vouloir être chauvins (2), reconnaissons tout de même que le port de Nantes se retrouve dans plusieurs versions de cette chanson. Il doit bien y avoir une raison.
Tout au long des 17è et 18è siècle et jusqu'à la révolution, l'histoire est ponctuée de disettes, de famines parfois. Comment un pays au climat et aux terroirs favorables pouvait-il se trouver périodiquement en butte aux insuffisances de la production ? Les historiens ont bien noté l'influence de cette inorganisation sur le renversement de l'ancien régime.
L'importance du port de Nantes dans ce commerce de céréales s'explique par sa situation à l'embouchure de la Loire. Le blé n'arrivait pas uniquement de contrées étrangères et lointaines. Parfois c'est la production bretonne, intransportable par un réseau routier quasi inexistant à cette époque qui transitait par le port de Nantes. La Loire permettait alors de faire remonter les chargements sur des chalands. Nous avons déjà vu avec une chanson précédente les conséquences économiques mais aussi culturelles de ce trafic fluvial. Bien avant que la route ou le rail n'offrent de nouvelles facilités, la voie maritime et fluviale offrait alors la meilleure possibilité de transport des céréales en raison des tonnages concernés.
Tout ceci ne suffit sans doute pas à justifier la popularité de cette chanson. Mais les blés, le pain, les moulins et leurs occupants fournissent une quantité impressionnante de chansons dans le répertoire traditionnel. Sans vouloir échafauder de théorie on peut le constater. Ça mange pas de pain !

notes
1 – chanson n° 39 en janvier 2014
2 – une bonne fois pour toutes : c'est pas notre genre. Enfin, bon...juste un peu !

Interprète : Nicolas Pinel
source : version recueillie par Armand Guéraud en pays Nantais (milieu XIXè siècle)
catalogue P. Coirault : Les trois navires chargés de blé (N° 1315)
catalogue C. Laforte : Le bateau chargé de blé (1-F-21)

A Nantes à Nantes vient d’arriver (bis)
Trois beaux navires chargés de blé

REFRAIN
Et vive Roche-Maurice, Trent’moult et Chant’nay
Ne sont ils pas tous riches

Trois beaux navires chargés de blé (bis)
Trois dames s'en vont les marchander
Etc.

A Nantes à Nantes vient d’arriver
Trois beaux navires chargés de blé
Trois dames s'en vont les marchander
Marin, marchand, combien ton blé
Je le vends dix sous la pochée
C’est pas trop cher si c'est bon blé
V’nez dans ma barque et vous verrez
La belle avait le pied léger
Dedans la barque elle a sauté
Le marinier a démarré
Arrête, arrête, beau marinier
Car j'entends ma mère m'appeler
Et mes petits enfants pleurer
Taisez-vous, la belle, vous mentez
Jamais d'enfant n'avez porté
S'il plait à Dieu vous en aurez
Et ils seront beaux mariniers.


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