Le
titre de cette chanson semble annoncer un texte du répertoire
maritime. Pourtant la mer n'y est pas l'élément essentiel.
L'argument principal tient dans l'ultime confession du marin qui se
défend d'avoir embrassé des filles contre leur volonté. Seule sa
bien aimée Jeannette occupe ses pensées. Quand aux circonstances de
sa blessure elles reprennent mot pour mot une autre chanson ancienne
(16è siècle) qui raconte la mort du prince d'Orange dans un combat
avec les anglais.
Pas
très répandu dans la tradition orale ce thème est cependant bien
présent dans plusieurs collectes réalisées dans nos régions.
Pour
écouter la chanson et lire la suite
Cette
version de la chanson vient de l’île de Noirmoutier ; plus
précisément du répertoire de Joséphine Fradet, de l'Epine. Est ce
son caractère insulaire(1) qui a fait retenir un combat naval comme
source de la blessure du mourant ? De l'autre coté de la baie
de Bourgneuf, à Pornic, une version recueillie au 19è siècle et
publiée par Armand Guéraud n'y fait aucune allusion. Le soldat dit
revenir d'Angleterre où :
Je
n'y ai rien gagné
Rien
que trois coups de lance
Qu'un
anglais m'a donné
Les
blessures sont les mêmes, à la tête et au coté, mais la source
paraît plus ancienne. Il n'y est pas question d'arme à feu. Pas
plus dans une autre notée en Ille et Vilaine (2) où on apprend que
Jeannette est enceinte et que :
Si
c'est un fils qu'elle porte / Il sera grenadier
Il
portera les armes / que son père il portait
Pas
rancunier le garçon ! En revanche, celui que chante Lucie
Rastel à Saint Lyphard (3) proclame dès le début :
Je
n'irai plus à la guerre
Car
je n'ai jamais gagné
J'ai
reçu trois coups de lance...
Le
reste de la chanson est identique avec la confession inutile du
garçon qui prétend n'avoir jamais péché.
L'originalité
de cette belle mélodie noirmoutrine réside donc dans les trois
premiers couplets où la mort du marin est assimilée à un sommeil
définitif.
Bien
que nous cherchions avant tout à valoriser le répertoire entendu en
Loire-Atlantique nous avons choisi cette version de Noirmoutier
d'abord pour sa mélodie. De toutes façons la chanson traditionnelle
se moque des limites administratives. Noirmoutier est bien rattachée
au département de la Vendée, mais quand on réside sur la rive de
la baie de Bourgneuf, l’île fait partie du paysage. Un dicton y
affirme que quand on voit trop bien les côtes de Noirmoutier c'est
que le temps va se mettre à la pluie. Aucun dicton ne l'affirme,
mais quand on ne voit plus ses côtes...c'est qu'il pleut déjà.
A
bientôt pour de nouvelles considérations
météorologico-folkloriques !
notes
1
– reliée au continent par un pont et accessible deux fois par jour
à pied sec par le passage du Gois, Noirmoutier reste une île. Les
noirmoutrins y tiennent.
2
– cahier de chansons populaires recueillies en Ille et Vilaine par
Louis Esquieu (1907)
3
– collectage de Raphael Garcia, à découvrir sur Dastumedia
Interprète :
Jeannette Lebastard
Source
: d'après le chant de Françoise Bichon lors d'une veillée à
Arthon en Retz en 2004 - version de Joséphine Fradet publiée dans
La chanson maritime (L'Harmattan – 2013) , page 205
Catalogue
P. Coirault : 06606 le soldat qui n'a embrassé que celles
qui le voulaient
Catalogue
C. Laforte : apparenté à I, C-02 (le prince d'Orange)
C'était
un contre-navire (bis)
Qui
s'en va flottant sur l'eau (bis)
Mais
le marin qui l'emmène
Ah
je crois bien qu'il s'endort
Ah
comment m'endormirais-je
Moi
qui suis à demi-mort
J'ai
reçu trois coups de balles
Que
les Anglais m'ont donné
J'en
ai une dedans la tête
Et
l' autres dans le côté
C'est
la plus appréhendée
Faut
aller chercher le prêtre
Le
prêtre pour t'y confesser
Je
n'ai pas chéri les filles
Malgré
leur volonté
N'y
a que ma mie Jeannette
Celle
qu'mon cœur a tant aimé
Tant
aimé que j'l'aime encore
Je
l'aimerai tant que' j'vivrais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire