dimanche 28 octobre 2018

270 - Le contre navire


Le titre de cette chanson semble annoncer un texte du répertoire maritime. Pourtant la mer n'y est pas l'élément essentiel. L'argument principal tient dans l'ultime confession du marin qui se défend d'avoir embrassé des filles contre leur volonté. Seule sa bien aimée Jeannette occupe ses pensées. Quand aux circonstances de sa blessure elles reprennent mot pour mot une autre chanson ancienne (16è siècle) qui raconte la mort du prince d'Orange dans un combat avec les anglais.
Pas très répandu dans la tradition orale ce thème est cependant bien présent dans plusieurs collectes réalisées dans nos régions.
Pour écouter la chanson et lire la suite


Cette version de la chanson vient de l’île de Noirmoutier ; plus précisément du répertoire de Joséphine Fradet, de l'Epine. Est ce son caractère insulaire(1) qui a fait retenir un combat naval comme source de la blessure du mourant ? De l'autre coté de la baie de Bourgneuf, à Pornic, une version recueillie au 19è siècle et publiée par Armand Guéraud n'y fait aucune allusion. Le soldat dit revenir d'Angleterre où :
Je n'y ai rien gagné
Rien que trois coups de lance
Qu'un anglais m'a donné
Les blessures sont les mêmes, à la tête et au coté, mais la source paraît plus ancienne. Il n'y est pas question d'arme à feu. Pas plus dans une autre notée en Ille et Vilaine (2) où on apprend que Jeannette est enceinte et que :
Si c'est un fils qu'elle porte / Il sera grenadier
Il portera les armes / que son père il portait
Pas rancunier le garçon ! En revanche, celui que chante Lucie Rastel à Saint Lyphard (3) proclame dès le début :
Je n'irai plus à la guerre
Car je n'ai jamais gagné
J'ai reçu trois coups de lance...
Le reste de la chanson est identique avec la confession inutile du garçon qui prétend n'avoir jamais péché.
L'originalité de cette belle mélodie noirmoutrine réside donc dans les trois premiers couplets où la mort du marin est assimilée à un sommeil définitif.
Bien que nous cherchions avant tout à valoriser le répertoire entendu en Loire-Atlantique nous avons choisi cette version de Noirmoutier d'abord pour sa mélodie. De toutes façons la chanson traditionnelle se moque des limites administratives. Noirmoutier est bien rattachée au département de la Vendée, mais quand on réside sur la rive de la baie de Bourgneuf, l’île fait partie du paysage. Un dicton y affirme que quand on voit trop bien les côtes de Noirmoutier c'est que le temps va se mettre à la pluie. Aucun dicton ne l'affirme, mais quand on ne voit plus ses côtes...c'est qu'il pleut déjà.
A bientôt pour de nouvelles considérations météorologico-folkloriques !

notes
1 – reliée au continent par un pont et accessible deux fois par jour à pied sec par le passage du Gois, Noirmoutier reste une île. Les noirmoutrins y tiennent.
2 – cahier de chansons populaires recueillies en Ille et Vilaine par Louis Esquieu (1907)
3 – collectage de Raphael Garcia, à découvrir sur Dastumedia

Interprète : Jeannette Lebastard
Source : d'après le chant de Françoise Bichon lors d'une veillée à Arthon en Retz en 2004 - version de Joséphine Fradet publiée dans La chanson maritime (L'Harmattan – 2013) , page 205
Catalogue P. Coirault : 06606 le soldat qui n'a embrassé que celles qui le voulaient
Catalogue C. Laforte : apparenté à I, C-02 (le prince d'Orange)


C'était un contre-navire (bis)
Qui s'en va flottant sur l'eau (bis)

Mais le marin qui l'emmène
Ah je crois bien qu'il s'endort

Ah comment m'endormirais-je
Moi qui suis à demi-mort

J'ai reçu trois coups de balles
Que les Anglais m'ont donné

J'en ai une dedans la tête
Et l' autres dans le côté
C'est la plus appréhendée

Faut aller chercher le prêtre
Le prêtre pour t'y confesser

Je n'ai pas chéri les filles
Malgré leur volonté

N'y a que ma mie Jeannette
Celle qu'mon cœur a tant aimé

Tant aimé que j'l'aime encore
Je l'aimerai tant que' j'vivrais

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