Nous
avons jusqu'ici fait peu de place aux chants à dizaine qui
constituent pourtant une part importante du répertoire traditionnel.
Ce sont essentiellement des airs à danser ou, comme celui ci,
utilisés pour mener la marche. Le principe en est simple : un
couplet unique qu'on décompte de dix à un (« C’est dans dix
ans… », « Y a 'core dix filles », etc). La
chanson énumérative à dizaine est fréquemment utilisée pour
accompagner la marche. Ce n'est pas tant qu'elle demande moins
d'efforts de mémoire qu'une chanson « à texte ». Mais
elle permet plus facilement à l'auditoire de répondre au meneur ;
et de passer le temps en diminuant la fatigue et la sensation de
longueur de la marche.
Pour
lire la suite et écouter la chanson :
Ne
vous faites surtout aucune illusion sur le sens de l'expression
« cueillir la violette ». Nous sommes en pleine métaphore
amoureuse, et au moment du passage à l'acte. D'ailleurs, l'amour est
un bouquet de violettes (1) et se conclut avec les pieds en bouquet
de violettes. Pour en être définitivement convaincus nous allons
explorer le répertoire des chansons bâties sur ce même thème.
Notre chanson de violettes a été recueillie à Sainte Anne sur
Brivet, tout près de Pontchâteau. Plusieurs variantes existent dans
un secteur proche. Déplaçons nous de quelques kilomètres vers la
Brière (Herbignac, la Chapelle des marais, Saint Joachim...). Voici
quelques exemples :
N’allez
pas, p’tites coquines, dans ces vallons
Cueillir
la violette sans votre amant
des
vallons nous passons aux marais :
N’allez
pas, p’tites coquines dans vos chalands
Pêcher
la grosse anguille sans vos amants
la
première phrase est toujours la même, la localisation se rapproche:
N’allez
pas, p’tites coquines dans les chalands
Pêcher
les grosses anguilles, avec les Briérons
et
devient même très précise :
N'allez
pas jeunes filles aux Fossés blancs (2)
Cueillir
la grosse anguille dans les chalands
Nous
sommes passés en douceur de la violette à l'anguille. Il faudrait
être bien innocent pour voir dans ces versions briéronnes un
conseil halieutique. Le seul conseil s'adresse au jeunes filles, plus
en qualité de pécheresses que de pêcheuses. Méfiez vous des
rapports avant le mariage semble-t-on nous dire. Encore que, dans ce
genre d'expression on ne sait jamais s'il s'agit d'une mise en garde
ou d'une incitation. Chanson « gaillarde » ou de
conscrits ? Difficile à déterminer car les interprètes vont
de MM Aoustin et Sébilot à Mmes Hervoche et Brétécher, entre
autres.
Toutes
ces dizaines étaient donc utilisées pour accompagner les
déplacements à pied. Si la tradition du chant à la marche est bien
implantée dans tout l'ouest de la France, elle n'est pas aussi
présente ailleurs, pour diverses raisons (distances, reliefs...).
Rappelons donc que l’expression « chant à la marche »
signifie que tel chant est utilisé, dans tel contexte, par tel
informateur ou tel groupe, à telle période, pour soutenir la
marche. Cela ne signifie pas du tout que le chant en question (texte
comme mélodie) soit par lui-même exclusivement et définitivement
destiné à cela. Nombreux sont les exemples de « ré-emploi »,
de changement de fonction d’une chanson. Ainsi, de nombreuses
chansons dites « à la marche » ont servi à une période
plus ancienne à mener la danse, soit en l’état, soit au prix
d’une adaptation rythmique et mélodique plus ou moins importante
(3).
Le
répertoire des chants à la marche a été mis en valeur par Dastum
44 dans le premier CD de la série « en Loire-Atlantique »
paru en 2002. Il en reste encore quelques exemplaires, avis aux
amateurs. Mais ce disque n'en présente qu'un échantillonnage. Ces
refrains se comptent par dizaines ou plus. Venez consulter nos
archives sonores ou connectez vous à la base Dastumedia.
De
dizaine en centaine il n'y a qu'un pas. Alors, à la semaine
prochaine !
Et
puisqu'on parle de chant à la marche une bonne occasion de tester ce
répertoire vous est offerte dimanche 14 mai à Besné (44) avec la
balade chantée organisée par les associations Le chant du lièvre
et Dastum 44. Toutes les précisions sont dans la rubrique
actualités. A bientôt
notes
1
– Luis Mariano, Francis Lopez..ah ! L'opérette. (allo
Perrette?)
2
– les Fossés blancs : lieu-dit sur la commune de la Chapelle
des marais
3
- extraits de l'introduction par Vincent Morel du CD chants à la
marche en Loire-Atlantique (Dastum 44 - 2002)
Interprète
: Dominique Juteau et les membres de l'atelier chant de Dastum 44 à
Blain
source :
enregistrement effectué à Sainte-Anne-sur-Brivet (Loire-Atlantique)
par Patrice Maillard
N’allez
pas, petites coquines
Il
est dix heures en ville
N’allez
pas, p’tites coquines
N’allez
pas, p’tites coquines, avant vingt ans
Cueillir
la violette sans votre amant
Il
est neuf heures en ville…
etc
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