vendredi 5 mai 2017

199 – Il est dix heures en ville (Petites coquines)

Nous avons jusqu'ici fait peu de place aux chants à dizaine qui constituent pourtant une part importante du répertoire traditionnel. Ce sont essentiellement des airs à danser ou, comme celui ci, utilisés pour mener la marche. Le principe en est simple : un couplet unique qu'on décompte de dix à un (« C’est dans dix ans… », « Y a 'core dix filles », etc). La chanson énumérative à dizaine est fréquemment utilisée pour accompagner la marche. Ce n'est pas tant qu'elle demande moins d'efforts de mémoire qu'une chanson « à texte ». Mais elle permet plus facilement à l'auditoire de répondre au meneur ; et de passer le temps en diminuant la fatigue et la sensation de longueur de la marche.
Pour lire la suite et écouter la chanson :


Ne vous faites surtout aucune illusion sur le sens de l'expression « cueillir la violette ». Nous sommes en pleine métaphore amoureuse, et au moment du passage à l'acte. D'ailleurs, l'amour est un bouquet de violettes (1) et se conclut avec les pieds en bouquet de violettes. Pour en être définitivement convaincus nous allons explorer le répertoire des chansons bâties sur ce même thème. Notre chanson de violettes a été recueillie à Sainte Anne sur Brivet, tout près de Pontchâteau. Plusieurs variantes existent dans un secteur proche. Déplaçons nous de quelques kilomètres vers la Brière (Herbignac, la Chapelle des marais, Saint Joachim...). Voici quelques exemples :
N’allez pas, p’tites coquines, dans ces vallons
Cueillir la violette sans votre amant
des vallons nous passons aux marais :
N’allez pas, p’tites coquines dans vos chalands
Pêcher la grosse anguille sans vos amants
la première phrase est toujours la même, la localisation se rapproche:
N’allez pas, p’tites coquines dans les chalands
Pêcher les grosses anguilles, avec les Briérons
et devient même très précise :
N'allez pas jeunes filles aux Fossés blancs (2)
Cueillir la grosse anguille dans les chalands
Nous sommes passés en douceur de la violette à l'anguille. Il faudrait être bien innocent pour voir dans ces versions briéronnes un conseil halieutique. Le seul conseil s'adresse au jeunes filles, plus en qualité de pécheresses que de pêcheuses. Méfiez vous des rapports avant le mariage semble-t-on nous dire. Encore que, dans ce genre d'expression on ne sait jamais s'il s'agit d'une mise en garde ou d'une incitation. Chanson « gaillarde » ou de conscrits ? Difficile à déterminer car les interprètes vont de MM Aoustin et Sébilot à Mmes Hervoche et Brétécher, entre autres.
Toutes ces dizaines étaient donc utilisées pour accompagner les déplacements à pied. Si la tradition du chant à la marche est bien implantée dans tout l'ouest de la France, elle n'est pas aussi présente ailleurs, pour diverses raisons (distances, reliefs...). Rappelons donc que l’expression « chant à la marche » signifie que tel chant est utilisé, dans tel contexte, par tel informateur ou tel groupe, à telle période, pour soutenir la marche. Cela ne signifie pas du tout que le chant en question (texte comme mélodie) soit par lui-même exclusivement et définitivement destiné à cela. Nombreux sont les exemples de « ré-emploi », de changement de fonction d’une chanson. Ainsi, de nombreuses chansons dites « à la marche » ont servi à une période plus ancienne à mener la danse, soit en l’état, soit au prix d’une adaptation rythmique et mélodique plus ou moins importante (3).
Le répertoire des chants à la marche a été mis en valeur par Dastum 44 dans le premier CD de la série « en Loire-Atlantique » paru en 2002. Il en reste encore quelques exemplaires, avis aux amateurs. Mais ce disque n'en présente qu'un échantillonnage. Ces refrains se comptent par dizaines ou plus. Venez consulter nos archives sonores ou connectez vous à la base Dastumedia.
De dizaine en centaine il n'y a qu'un pas. Alors, à la semaine prochaine !

Et puisqu'on parle de chant à la marche une bonne occasion de tester ce répertoire vous est offerte dimanche 14 mai à Besné (44) avec la balade chantée organisée par les associations Le chant du lièvre et Dastum 44. Toutes les précisions sont dans la rubrique actualités. A bientôt

notes
1 – Luis Mariano, Francis Lopez..ah ! L'opérette. (allo Perrette?)
2 – les Fossés blancs : lieu-dit sur la commune de la Chapelle des marais
3 - extraits de l'introduction par Vincent Morel du CD chants à la marche en Loire-Atlantique (Dastum 44 - 2002)

Interprète : Dominique Juteau et les membres de l'atelier chant de Dastum 44 à Blain
source : enregistrement effectué à Sainte-Anne-sur-Brivet (Loire-Atlantique) par Patrice Maillard

N’allez pas, petites coquines

Il est dix heures en ville
N’allez pas, p’tites coquines
N’allez pas, p’tites coquines, avant vingt ans
Cueillir la violette sans votre amant

Il est neuf heures en ville…

etc


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