Le personnel féminin en charge du
cheptel ovin (1) est omniprésent dans la chanson traditionnelle. Ce
goût pour les bergères a atteint son paroxysme au 18ème siècle où
la vogue des bergères, bergerettes, bergeries et pastourelles...a
donné naissance à tout un répertoire. Il existe toute une série
de chanson dialoguées entre une bergère et un « monsieur ».
La nuance a son importance car il ne s'agit pas du dialogue entre
deux amoureux mais bien d'un prétendant d'une condition et d'un âge
supérieurs qui tente de séduire une petite jeunette exerçant une
occupation du bas de l'échelle sociale (2). Garder les animaux aux
champs ne requiert aucune compétence particulière. On y envoyait
souvent les enfants et les jeunes filles malgré les dangers
inhérents à cet isolement. De nombreuses chansons populaires nous
décrivent les risques encourus.
pour écouter la chanson et lire la suite
La plus connue, dès l'enfance, dépasse
le simple avertissement météorologique :
Il pleut, il pleut bergère
Ça se termine plutôt bien.
Le risque animalier est symbolisé par un carnassier :
Le risque animalier est symbolisé par un carnassier :
Prend garde au loup, petiote
Mais le loup peut prendre des formes
diverses :
Ah dis moi donc bergère n'as tu pas
peur du loup
Eh par ma foi monsieur, pas plus du
loup que de vous
L'art et la manière d'envoyer promener
l'importun est bien détaillé dans tous ces textes. Dans la joute
oratoire, la bergère sans éducation est souvent plus adroite que le
citadin. Avec les arguments développés ici, on ne l'envoie pas
dire. Tout est dans la franchise directe et l'ironie mordante. Un
texte, hélas non attesté en Loire-Atlantique, conseille même au
monsieur d'aller se tremper dans l'eau froide pour refroidir ses
ardeurs. Enfin, d'autres chansons utilisent des arguments de dernier
recours : casse toi ou je lâche les chiens...
D'après les sources citées dans le
catalogue Coirault, la version chantée ici semble localisée dans
l'ouest. Une histoire similaire a été notée dans le Choletais par
François Simon (3) ; elle se termine par le même conseil
d'aller voir dans l'autre monde.
Bien que cette chanson n'ait aucun
rapport avec celle de la semaine dernière, on peut imaginer que ce
dialogue aurait pu éviter les désagréments du vieux mari dont on
cherche à se débarrasser à tout prix.
Interpréter des chansons en forme de
dialogue nécessite une bonne complicité entre les chanteurs. C'est
un exercice souvent difficile mais toujours très apprécié. Nous
essaierons de vous en proposer d'autres.
Notes
1 – Langue de bois ou langue des
bois ?
2 - contrairement à celle de couvreur
qui est généralement en haut de l'échelle (!) - Si vous trouvez
que ce blog manque de sérieux, n'hésitez pas à nous le faire
savoir.
3 - chansons populaires de l'Anjou –
François Simon – p. 301
source : chanson apprise
par J. Juteau et J. Peniguel en 1997 de Mme Rinfray, de Soulvache (44) qui la tenait
d'une grand-mère originaire de Ruffigné
interprètes : Janig Juteau et
Dominique Juteau
catalogue P. Coirault : La
bergère qui aime mieux la jeunesse (Bergères et monsieurs… - N°
04222)
Bonjour, belle bergère
Bonjour, belle bergère, seulette en
ces vallons
Aimable bocagère en gardant tes
moutons
Je voudrais bien t’y dire un mot, t’y
parler d’amourette
Dans un second désir puissant je
t’aimerai, la belle
Vieux vieillard que vous êtes, vous
qui êtes tout cassé
Vous parlez d’amourette, d’où vous
vient cette pensée
Vous m’avez l’air d’avoir cent
ans, vieux vieillard, vieille rosse
Et m’y parler, d’faire le galant
sur le bord de la fosse
Tu n’as point dans ton village un
homme aussi joyeux
Je suis fort et loquace et je suis
amoureux
Je suis fort gai, fort beau galant,
j’aime les demoiselles
Une jeune fille de quinze ans serait
bien satisfaite
Pourriez-vous, sans béquilles,
monsieur, marcher tout seul
Votre corps est de bille et vous n’avez
qu’un œil
Vous avez la roupie au nez, plus de
dents dans la bouche
Vous m’avez bien l’air d’accomplir
un animal farouche
Si je n’suis pas si drôle que ces
jeunes amoureux
J’ai encore autre chose, il faut
ouvrir les yeux
J’ai de l’argent en quantité,
belle, que je t’apporte
Avec une aussi jolie clé, j’croyais
ouvrir ta porte
Je m’soucis d’vos richesses tout
comme de vos trésors
J’aime mieux la jeunesse, on est bien
plus d’accord
J’aime bien mieux mon content’ment
que l’or de votre bourse
Retire-t’en, mon vieux galant, il n’y
plus d’ressource
Faut-il que je m’éloigne, hélas, de
si beaux yeux
Sans pouvoir, ma mignonne, être ton
amoureux
Je te dis adieux pour longtemps,
mignonne, p’tite ivresse
Puisque je ne puis rien gagner, adieu,
je t’abandonne
Adieu, donc, vieille vrille, vieux
morveux, vieux grogneux
Vieux rêve de basilique, vous qui êtes
jasieux (?)
Je t’y dis adieu pour longtemps, que
l’amour t’y confonde
Puisque tu veux faire le galant,
va-t’en dans l’autre monde.
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