vendredi 3 avril 2015

99 - Le roi d’Espagne a-t’ordonné

Les hommes préfèrent les blondes. Le roi d'Espagne n'échappe pas à la règle.
Cette chanson date d'une époque où la teinture n'était pas si courante. Pour y remédier on fait appel à un métier qui n'a, à priori, rien à voir avec la capilliculture. Le doreur (ou dorurier, ou doratier) pratiquait au pinceau ou à la feuille sur des métaux ou du bois, les encadrements par exemple. Une autre chanson évoque ce métier : celle où l'amant se fiance à la fille d'un dorurier de Nantes quelque peu magicienne (1). Il est vrai que cette profession utilisait des ingrédients inhabituels, comme le mercure.
Quand au roi d'Espagne, et à ses filles, sa popularité remonte à l'époque des grandes découvertes, de la renaissance et du siècle d'or ibérique. Par delà les démêlées entre les deux pays, l'idée de la richesse espagnole est restée dans les chansons. Cela ne nous permet pas pour autant de dater celle ci. Elle est assez rare et plutôt localisée dans l'ouest.
Notre version vient des collectes de Claude Pavec publiées en 1884 sous le titre de «  chants populaires de Haute Bretagne recueillis par un guérandais de 1809, habitant Savenay depuis 50 ans ». Elle a été reprise par Fernand Guériff dans son premier ouvrage (2).
pour écouter la chanson et lire la suite


Deux autres versions connues de ce texte viennent aussi de la région. Celle notée dans l'ouvrage d'Armand Guéraud, recueillie à Pornic, dans le Pays de Retz. Une autre du pays de Redon, citée par Simone Morand dans son « anthologie de la chanson de Haute-Bretagne » . Encore que cette version reprenne mot pour mot celle notée un siècle plus tôt en Basse Normandie (3). Et c'est à peu près tout.
Ces trois versions débutent de la même façon, jusqu'à ce que la belle confie ses cheveux au doreur (Pavec) au dorurier (Guéraud) ou au dorotier (Morand). A partir de là, comme le souligne Guériff, les histoires diffèrent. La chanson guérandaise se termine sur une note humoristique avec des cheveux qui tintent de manière diabolique. Celle du pays de Retz finit par des baisers etnous rappelle la morale de la belle fille de Parthenay (4) : prenez en un prenez en deux.... Celle du pays de Redon n'aboutit qu'à un échec de la transaction, la blonde refusant de se laisser embrasser. Nous avons noté les derniers vers de ces deux autres versions après le texte chanté ici.
Remarquons que si ces deux textes ont des assonances en « é » celui de Guérande, passé le premier couplet, utilise des rimes en « on »
Cette chanson étant publiée sans la musique c'est un air nouvellement et librement arrangé qui lui sert de support. Il est dans l'esprit des ronds de la presqu’île guérandaise auxquels il a pu se prêter.

Notes
1 – connue en pays de Guérande avec l'incipit « ah dis moi donc beau messager...quelles nouvelles y a dans Nantes... » - référence Coirault N° 3408 – la magicienne
2 – déjà abondamment cité dans ce blog : page 93, tome 1 du « trésor des chansons populaires folkloriques recueillies au pays de Guérande ».
3 – notée à Vire (Calvados) en 1891 par Joseph Couraye du Parc, qui cite dans ses notes la version de Pavec !
4 – voir à ce sujet la chanson « les filles du Loroux » - n° 66 de ce blog en août 2014

texte extrait du tome 1 du Trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande, de Fernand Guériff - Répertoire Claude Pavec (P20) (Ronde)
Claude Pavec chants populaires de Haute Bretagne recueillis par un guérandais de 1809, habitant Savenay depuis 50 ans, 1884, air n° 22 page 34
musique : Janig Juteau
interprètes : Janig Juteau, Martine Lehuédé
catalogue Coirault : 1827 - la belle chez le doratier

Le roi d’Espagne a-t’ordonné

Le roi d’Espagne a-t’ordonné ( bis)
Que toutes les filles à marier
Refrain :
Liron bon bon, bonbirolé
Laissons là les moin’s chanter
Bonbirolé, bon bon.

Que toutes les filles à marier
Auraient les cheveux dorés
Une belle s’en va chez un doreur
Doreur, dorez-moi donc mon front
Entrez Mam’zelle, nous vous l’ dor’rons
À chaque cheveu nous y mettrons
Une clochette et un bourdon
Quand la belle fut au sermon
Ses ch’veux, son front font carillon
Que diable est-c’ donc, ce carillon ?
C’ n’est point un diable, c’est mon front
Qui vous demand’ l’absolution.

Version Guéraud
…..
Chaque cheveu qu'il lui dorait
Un doux baiser lui demandait
Prenez en deux et vous hâtez
Car si mon père il le savait
Oh ! pour sur il me battrait

version Morand
…..
Combien prends tu beau dorotier ?
Pour chaque cheveu un sou marqué
Pour le chignon un doux baiser
Oh ! C'est trop cher, beau dorotier
Je renonce à me marier
Plutôt qu' d'embrasser l'dorotier


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