Les
hommes préfèrent les blondes. Le roi d'Espagne n'échappe pas à la
règle.
Cette
chanson date d'une époque où la teinture n'était pas si courante.
Pour y remédier on fait appel à un métier qui n'a, à priori, rien
à voir avec la capilliculture. Le doreur (ou dorurier, ou doratier)
pratiquait au pinceau ou à la feuille sur des métaux ou du bois,
les encadrements par exemple. Une autre chanson évoque ce métier :
celle où l'amant se fiance à la fille d'un dorurier de Nantes
quelque peu magicienne (1). Il est vrai que cette profession
utilisait des ingrédients inhabituels, comme le mercure.
Quand
au roi d'Espagne, et à ses filles, sa popularité remonte à
l'époque des grandes découvertes, de la renaissance et du siècle
d'or ibérique. Par delà les démêlées entre les deux pays, l'idée
de la richesse espagnole est restée dans les chansons. Cela ne nous
permet pas pour autant de dater celle ci. Elle est assez rare et
plutôt localisée dans l'ouest.
Notre
version vient des collectes de Claude Pavec publiées en 1884 sous le
titre de « chants populaires de Haute Bretagne recueillis par
un guérandais de 1809, habitant Savenay depuis 50 ans ». Elle
a été reprise par Fernand Guériff dans son premier ouvrage (2).
pour écouter la chanson et lire la suite
Deux
autres versions connues de ce texte viennent aussi de la région.
Celle notée dans l'ouvrage d'Armand Guéraud, recueillie à Pornic,
dans le Pays de Retz. Une autre du pays de Redon, citée par Simone
Morand dans son « anthologie de la chanson de Haute-Bretagne »
. Encore que cette version reprenne mot pour mot celle notée un
siècle plus tôt en Basse Normandie (3). Et c'est à peu près tout.
Ces
trois versions débutent de la même façon, jusqu'à ce que la belle
confie ses cheveux au doreur (Pavec) au dorurier (Guéraud) ou au
dorotier (Morand). A partir de là, comme le souligne Guériff, les
histoires diffèrent. La chanson guérandaise se termine sur une note
humoristique avec des cheveux qui tintent de manière diabolique.
Celle du pays de Retz finit par des baisers etnous rappelle la morale
de la belle fille de Parthenay (4) : prenez en un prenez en
deux.... Celle du pays de Redon n'aboutit qu'à un échec de la
transaction, la blonde refusant de se laisser embrasser. Nous avons
noté les derniers vers de ces deux autres versions après le texte chanté ici.
Remarquons
que si ces deux textes ont des assonances en « é » celui
de Guérande, passé le premier couplet, utilise des rimes en « on »
Cette
chanson étant publiée sans la musique c'est un air nouvellement et
librement arrangé qui lui sert de support. Il est dans l'esprit des
ronds de la presqu’île guérandaise auxquels il a pu se prêter.
Notes
1 –
connue en pays de Guérande avec l'incipit « ah dis moi donc
beau messager...quelles nouvelles y a dans Nantes... » -
référence Coirault N° 3408 – la magicienne
2 –
déjà abondamment cité dans ce blog : page 93, tome 1 du
« trésor des chansons populaires folkloriques recueillies au
pays de Guérande ».
3 –
notée à Vire (Calvados) en 1891 par Joseph Couraye du Parc, qui
cite dans ses notes la version de Pavec !
4 –
voir à ce sujet la chanson « les filles du Loroux » - n°
66 de ce blog en août 2014
texte
extrait du tome 1 du Trésor des chansons populaires folkloriques du
pays de Guérande, de Fernand Guériff - Répertoire Claude Pavec
(P20) (Ronde)
Claude
Pavec chants populaires de Haute Bretagne recueillis par un
guérandais de 1809, habitant Savenay depuis 50 ans, 1884, air n° 22
page 34
musique :
Janig Juteau
interprètes :
Janig Juteau, Martine Lehuédé
catalogue
Coirault : 1827 - la belle chez le doratier
Le
roi d’Espagne a-t’ordonné
Le roi
d’Espagne a-t’ordonné ( bis)
Que
toutes les filles à marier
Refrain :
Liron
bon bon, bonbirolé
Laissons
là les moin’s chanter
Bonbirolé,
bon bon.
Que
toutes les filles à marier
Auraient
les cheveux dorés
Une
belle s’en va chez un doreur
Doreur,
dorez-moi donc mon front
Entrez
Mam’zelle, nous vous l’ dor’rons
À
chaque cheveu nous y mettrons
Une
clochette et un bourdon
Quand
la belle fut au sermon
Ses
ch’veux, son front font carillon
Que
diable est-c’ donc, ce carillon ?
C’
n’est point un diable, c’est mon front
Qui
vous demand’ l’absolution.
Version Guéraud
…..
Chaque
cheveu qu'il lui dorait
Un
doux baiser lui demandait
Prenez
en deux et vous hâtez
Car si
mon père il le savait
Oh !
pour sur il me battrait
version Morand
…..
Combien
prends tu beau dorotier ?
Pour
chaque cheveu un sou marqué
Pour
le chignon un doux baiser
Oh !
C'est trop cher, beau dorotier
Je
renonce à me marier
Plutôt
qu' d'embrasser l'dorotier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire