Les aventures de la vieille qui danse
avec des jeunes gens est répandue dans toute la France et jusqu'en
Italie ou en Catalogne. Plus de neuf fois sur dix, c'est à Paris que
le bal ou la noce ont lieu, quels que soient l'air et le refrain. Il
faut donc admettre que Férel est une commune bien importante pour
détrôner la capitale dans cette chanson !
Bien sur, vous pourrez nous faire
remarquer que dans un blog consacré à la chanson traditionnelle en
Loire-Atlantique, il est incongru de trouver une telle chanson
collectée et vantant une commune du Morbihan. Oui, mais en cette
période de réformes territoriales, souvenons nous que Férel,
située au sud de la Vilaine et autrefois rattachée à l’évêché
de Nantes, ne doit son appartenance au département voisin qu'aux
échanges de territoires qui ont donné les découpages des
départements à la période révolutionnaire (1).
Bref, cette jolie chanson, interprétée
ici en rond paludier, a été collectée sur place par Hervé Dréan
(2). Son originalité qui situe l'action à Férel mérite bien qu'on
s'y attarde un peu.
pour écouter la chanson et lire la suite
Non seulement la vieille qui se marie
ne danse habituellement qu'à Paris, mais toutes les versions sont
unanimes pour lui donner l'âge de quatre vingt dix ans. Ses
particularités physiques sont toujours détaillées, avec en premier
lieu cette dentition en ruine. Mais elle a pour elle d'autres
arguments. Ce sera un mariage d'argent.
Malheureusement pour le galant de Férel
sa fortune ne compte guère plus de cinq à six mille francs. Une
misère si on compare avec les sommes annoncées ailleurs :
quatre vingt mille francs dans les Alpes, cent mille ailleurs en
Morbihan, en Provence ou en Gascogne, cinq cent mille dans les
Ardennes, six cent mille en Mayenne, un monceau d'or et d'écus
blancs en Languedoc...qui dit mieux ? adjugé...mariée.
Pour six mille francs le Férelais
devra patienter pour en avoir une de vingt ans. En attendant l'aieule
danse et se croit toujours jeune. Le refrain le plus courant de ce
type de chanson annonce :
- Oh la vieille la drôle de vieille croyait-elle avoir quinze ans
D'autres refrains ont trait soit à la
danse :
- Branli branlan allons la vieille
- Tir lir sautons, sautons la vieille (3)
- tire li boum boum brandons la vieille
soit encore assez souvent à ses
sentiments :
- Tant amoureuse, tant amoureusement
- son cœur lui vole – l'amour l'emmène
- Les amours vont doucement (c'est notre version locale)
ainsi que des formules comme :
- requinquez vous vieille, requinquez vous bien
Pour être tout à fait honnête,
signalons que Férel n'est pas la seule commune à éclipser Paris
dans cette chanson. Nous avons trouvé une version de l'Agenais qui
cite la ville de Marmande. Et là en fait de richesse, la vieille
promet cent vaches, cent chevaux, brebis, setiers de blé, etc
Peut être en connaissez vous d'autres
versions remarquables ?
notes
1 - Sous l'Ancien Régime, Férel était
une trève dépendant de la paroisse d'Herbignac et, de ce fait,
rattachée au diocèse de Nantes. La commune a été créée en 1790,
rattachée au canton de Camoël, district de la Roche-Bernard
jusqu'en 1797, puis en 1801 à l'arrondissement de Vannes et en 1802
au canton de La Roche-Bernard (source wikipédia)
2 – publiée dans « Instants de
mémoire » vol. 1 – tradition orale populaire autour de la
Roche-Bernard en Haute Bretagne, par Hervé Dréan – éditions
musique sauvage
3 – Non mais qu'allez vous imaginer ?
source : Angélique Eonnet,
de Kerabin en Férel, collectée en 1975 par Hervé Dréan – publié
dans « Instants de mémoire » vol. 1
interprètes : Séverine
Bourdeau – Janick Péniguel
catalogue P. Coirault : Le
mariage de la vieille (Mariage : vieilles – N° 5007)
catalogue C. Laforte : La
vieille à la bourse d’argent (1-M-12)
A Férel y'a une noce ou
Les amours vont doucement
(la ligne en italique n'est pas reprise
par les chanteuses)
A Férel y’a t’une noce
Une noce de jeunes gens (bis)
La plus vieille de la noce, elle a
quatre-vingt-dix ans
Les amours vont doux, doux, doux
Les amours vont doucement
La plus vieille de la noce
Elle a quatre-vingt-dix ans…
Elle demande à danser avec un jeune
homme de vingt ans
Les amours vont doux, doux, doux…
Elle lui dit tout à l’oreille :
aime-moi bien doucement
J’ai tout là-haut dans ma chambre
cinq à six milliers de francs
Si tu voulais m’épouser j’te
donn’rais tout mon argent
il l’emmena épouser chez les
sœurs de saint vincent
Il regarde dans sa bouche, elle n’avait
plus que trois dents
Il lui dit : ma pauvre vieille, tu
n’me mordras pas longtemps
Avec ton argent, la vieille, j’en
aurai une de vingt ans.
Merci Jean-Louis pour tout ce travail ! J'ai beaucoup aimé les comparaisons des dots : très instructif tout ça !
RépondreSupprimerJe comprends bien que, faute de place, tu n'aies pas voulu mordre sur le problème délicat de la symbolique de la dent dans la chanson populaire, mais peut-être sera-ce pour une prochaine publication ? Re-Grand merci en tout cas !