vendredi 27 mars 2015

98 - A Férel y'a une noce

Les aventures de la vieille qui danse avec des jeunes gens est répandue dans toute la France et jusqu'en Italie ou en Catalogne. Plus de neuf fois sur dix, c'est à Paris que le bal ou la noce ont lieu, quels que soient l'air et le refrain. Il faut donc admettre que Férel est une commune bien importante pour détrôner la capitale dans cette chanson !
Bien sur, vous pourrez nous faire remarquer que dans un blog consacré à la chanson traditionnelle en Loire-Atlantique, il est incongru de trouver une telle chanson collectée et vantant une commune du Morbihan. Oui, mais en cette période de réformes territoriales, souvenons nous que Férel, située au sud de la Vilaine et autrefois rattachée à l’évêché de Nantes, ne doit son appartenance au département voisin qu'aux échanges de territoires qui ont donné les découpages des départements à la période révolutionnaire (1).
Bref, cette jolie chanson, interprétée ici en rond paludier, a été collectée sur place par Hervé Dréan (2). Son originalité qui situe l'action à Férel mérite bien qu'on s'y attarde un peu.
pour écouter la chanson et lire la suite


Non seulement la vieille qui se marie ne danse habituellement qu'à Paris, mais toutes les versions sont unanimes pour lui donner l'âge de quatre vingt dix ans. Ses particularités physiques sont toujours détaillées, avec en premier lieu cette dentition en ruine. Mais elle a pour elle d'autres arguments. Ce sera un mariage d'argent.
Malheureusement pour le galant de Férel sa fortune ne compte guère plus de cinq à six mille francs. Une misère si on compare avec les sommes annoncées ailleurs : quatre vingt mille francs dans les Alpes, cent mille ailleurs en Morbihan, en Provence ou en Gascogne, cinq cent mille dans les Ardennes, six cent mille en Mayenne, un monceau d'or et d'écus blancs en Languedoc...qui dit mieux ? adjugé...mariée.
Pour six mille francs le Férelais devra patienter pour en avoir une de vingt ans. En attendant l'aieule danse et se croit toujours jeune. Le refrain le plus courant de ce type de chanson annonce :
  • Oh la vieille la drôle de vieille croyait-elle avoir quinze ans
D'autres refrains ont trait soit à la danse :
  • Branli branlan allons la vieille
  • Tir lir sautons, sautons la vieille (3)
  • tire li boum boum brandons la vieille
soit encore assez souvent à ses sentiments :
  • Tant amoureuse, tant amoureusement
  • son cœur lui vole – l'amour l'emmène
  • Les amours vont doucement (c'est notre version locale)
ainsi que des formules comme :
  • requinquez vous vieille, requinquez vous bien
Pour être tout à fait honnête, signalons que Férel n'est pas la seule commune à éclipser Paris dans cette chanson. Nous avons trouvé une version de l'Agenais qui cite la ville de Marmande. Et là en fait de richesse, la vieille promet cent vaches, cent chevaux, brebis, setiers de blé, etc
Peut être en connaissez vous d'autres versions remarquables ?

notes
1 - Sous l'Ancien Régime, Férel était une trève dépendant de la paroisse d'Herbignac et, de ce fait, rattachée au diocèse de Nantes. La commune a été créée en 1790, rattachée au canton de Camoël, district de la Roche-Bernard jusqu'en 1797, puis en 1801 à l'arrondissement de Vannes et en 1802 au canton de La Roche-Bernard (source wikipédia)
2 – publiée dans « Instants de mémoire » vol. 1 – tradition orale populaire autour de la Roche-Bernard en Haute Bretagne, par Hervé Dréan – éditions musique sauvage 
3 – Non mais qu'allez vous imaginer ?

source : Angélique Eonnet, de Kerabin en Férel, collectée en 1975 par Hervé Dréan – publié dans « Instants de mémoire » vol. 1
interprètes : Séverine Bourdeau – Janick Péniguel
catalogue P. Coirault : Le mariage de la vieille (Mariage : vieilles – N° 5007)
catalogue C. Laforte : La vieille à la bourse d’argent (1-M-12)

A Férel y'a une noce ou Les amours vont doucement
(la ligne en italique n'est pas reprise par les chanteuses)

A Férel y’a t’une noce
Une noce de jeunes gens (bis)
La plus vieille de la noce, elle a quatre-vingt-dix ans
Les amours vont doux, doux, doux
Les amours vont doucement

La plus vieille de la noce
Elle a quatre-vingt-dix ans…
Elle demande à danser avec un jeune homme de vingt ans
Les amours vont doux, doux, doux…

Elle lui dit tout à l’oreille : aime-moi bien doucement

J’ai tout là-haut dans ma chambre cinq à six milliers de francs

Si tu voulais m’épouser j’te donn’rais tout mon argent

il l’emmena épouser chez les sœurs de saint vincent

Il regarde dans sa bouche, elle n’avait plus que trois dents

Il lui dit : ma pauvre vieille, tu n’me mordras pas longtemps

Avec ton argent, la vieille, j’en aurai une de vingt ans.  

1 commentaire:

  1. Merci Jean-Louis pour tout ce travail ! J'ai beaucoup aimé les comparaisons des dots : très instructif tout ça !
    Je comprends bien que, faute de place, tu n'aies pas voulu mordre sur le problème délicat de la symbolique de la dent dans la chanson populaire, mais peut-être sera-ce pour une prochaine publication ? Re-Grand merci en tout cas !

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