Quelle histoire ! Le garçon et la
fille sont allés au bois. Ce qui laisse sous entendre un peu plus
qu'on ne veut bien nous dire. La fille s'est blessée avec une
« épine noire » et s'en est rendue malade. Voilà de la
métaphore de première classe. Le galant est allé cherché sa mère.
Pour soigner la fille ? Mais de quel mal étrange ? Quand
il revient sa mie est morte et, de chagrin, il va se faire lui même
un sort. Mais c'était pour de rire ! Même pas mal !
Heureusement parce que la feinte n'était juste que pour vérifier
les sentiments du garçon.
Quelle histoire ! Qu'est ce qui
justifie l'intervention de la mère ? Et quel est le rôle du
rossignol dans cette aventure ?
C'est ce que nous allons voir.
pour écouter la chanson et lire la suite
Reprenons : cette version de
l'épine noire, notée par Soreau dans le sud du département, près
de Clisson, est un concentré de poésie populaire. Mais pour
découvrir tous les détails qui nous échappent nous allons devoir
la comparer avec d'autres versions. Il n'en manque pas ; cette
chanson est même citée dans le roman de George Sand « les
maîtres sonneurs »
Vous pouvez déjà en entendre une très
belle interprétation sur le CD des 10 ans de la fête du chant de
Bovel (1), par les sœurs Réminiac, chanteuses traditionnelles de
Quelnoeuc (56). Elle comprend un dialogue entre le gars et la fille
dont les relations avec sa mère ne semblent pas au mieux. Peut être
faut-il en chercher la raison dans la situation du jeune couple car,
vous l'aviez compris, les soucis de la fille sont causés par une
grossesse hors mariage, situation peu enviable à l'époque où cette
chanson a du être composée. Nos compères Coirault et Laforte l'ont
d'ailleurs baptisée « la belle qui accouche au bois » ou
« l'amant qui voit accoucher sa mie ».
Les versions poitevines éditées par
Bujeaud (2) sont très explicites : la belle est en mal
d'enfant. Si le garçon est parti chercher sa mère c'est pour aider
à l'accouchement. C'est le rossignol, ou l'alouette, qui annoncent
au galant de retour au bois que sa mie est morte. Cet oiseau de
mauvais augure pourrait précipiter une fin tragique si le dénouement
heureux ne nous apprenait que la belle voulait seulement tester la
sincérité du garçon. Pourtant, une version collectée en Ile et
Vilaine (3) n'échappe pas au drame, malgré la naissance de « deux
petits enfants qui bougeaient sous les robes ». Le héros de
cette aventure y est décrit comme le fils du roi d'Espagne qui a
voulu enlever une noble dame. Heureusement ce dénouement tragique
reste un cas isolé. La formule « c'était pour savoir si tes
amours étaient fortes » est la conclusion habituelle de ce
texte ancien.
notes
1 – double CD publié en 2005 par
l'Epille et Dastum – la fête du chant à Bovel c'est bientôt.
2 - Jérôme Bujeaud dans chansons
populaires des provinces de l'ouest (1895) 2 versions dont une
reprise par Armand Guéraud dans ses « chants populaires du
comté nantais et du bas Poitou. Celle notée par Léon Pineau dans
« le foolklore du Poitou (1892) parle d'une épine blanche.
3 – Lucien Decombe – chants
populaires d'Ille et Vilaine (1881)
source : M. Grégoire, à
Gétigné, le 12 septembre 1896 – collectes d'Abel Soreau, publiées
sous le titre « vieilles chansons du Pays Nantais ».
interprètes : Bruno
Nourry, Jean-Louis Auneau et Daniel Lehuédé
catalogue Coirault : La belle qui
accouche au bois - 1527
catalogue Laforte : L'amant qui
voit sa mie accoucher - 2-C-50
Là-bas, y’a un petit bois
Là-bas, y’a t’un p’tit bois,
j’entends le rossignolet
Là-bas, y’a t’un p’tit bois où
y’a t’une épine noire
Où ma mie et pis moi nous allions à
l’ombrage, j’entends le rossignolet
Où ma mie et pis moi nous allions à
l’ombrage
A l’épine du bois, j’entends le
rossignolet
A l’épine du bois, elle s’est
blessée, ma mie
Ma mie si tu l’voulais, j’irais
chercher ta mère, j’entends le rossignolet
Ma mie si tu l’voulais, j’irais
chercher ta mère
S’en va comme le vent, j’entends le
rossignolet
S’en va comme le vent, revient comme
arondelle
Oh maman, venez donc, ma mie elle est
malade, j’entends le rossignolet
Oh maman, venez donc, ma mie elle est
malade
Quand il revient au bois, j’entends
le rossignolet
Quand il revient du bois, la mie elle
était morte
Il empoigne son couteau dans le cœur
il s’le donne, j’entends le rossignolet
Il empoigne son couteau, dans le cœur
il s’le donne
Douc’ment, douc’ment l’ami,
j’entends le rossignolet
Douc’ment, douc’ment, l’ami, je
n’suis encore pas morte
C’était pour assavoir si tes amours
‘taient fortes, j’entends le rossignolet
C’était pour à savoir si tes amours
‘taient fortes
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