Ce n'est pas souvent qu'on vous propose
une chanson dont l'auteur est connu. Ce qui, au cas présent, ne veut
pas seulement dire identifié, mais également connu dans le monde de
la musique. Il s'agit de Paul Marinier (1), auteur de plus de 250
chansons dont les plus célèbres : la cabane bambou (Mayol)
ou bonsoir, madame la lune (Tino Rossi). Son passage au
Pouliguen a donné cette chansonnette qui n'a donc rien de
traditionnelle.
Nez en moins (2), elle peut figurer au
rayon des chansons folkloriques ou des folksongs car elle décrit des
événements d'une histoire locale et populaire. La tradition orale
ne se limite pas aux complaintes immémoriales et aux amourettes de
bergères. La vie citadine est aussi bien présente dans les fonds
récoltés, préservés et transmis...
Nous devons cette chanson à Marcel
Baudry, historien du Pouliguen, qui a compilé dans un ouvrage (3)
toutes les chansons inspirées par sa commune. Nous avons déjà mis
celle ci à l'honneur avec les filles du Pouliguen (4). Aujourd'hui,
ça gaze.
Lire la suite et écouter la chanson
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Le gaz d'éclairage a fait son
apparition dans les grandes villes d'Europe dès le milieu du 19ème
siècle. A Nantes, les premiers réverbères datent de 1841.
L'installation a été beaucoup plus tardive dans les localités
éloignées des grands centres urbains. C'est ce que souligne cette
chanson, le développement du tourisme balnéaire justifiant cet
apport de modernité dans les stations de la côte.
Les becs de gaz ont tenu bon dans
certains endroits malgré la généralisation de l'électricité. Les
gazomètres et leurs usines à gaz ont longtemps fait partie du
paysage urbain. Ces dernières continuent aujourd'hui à servir de
modèle d'organisation à certaines institutions. Mais c'est une
autre histoire !
Au Pouliguen, dès 1897 les édiles
locaux ont souhaité équiper leur station d'un éclairage à la
hauteur de son standing. De délibérations en tergiversations, après
avoir hésité pour l'électricité, c'est finalement le gaz qui
l'emporte. Les travaux se terminent par une inauguration le 8 août
1906. La chanson a été composée quelques jours plus tard. Paul
Marinier passait là ses vacances, en location, pendant une dizaine
d'années. Durant ses séjours, il a collaboré à la presse locale (5) dans laquelle furent publiées plusieurs chansons souvent
inspirées par l'actualité locale.
Si Paul Marinier est l'auteur des
paroles, la musique est un timbre beaucoup plus ancien. Elle est
empruntée à la chanson le petit chaperon rouge, de Charles
Delange et Charles Plantade. Ce dernier fut l'un des fondateurs de la
SACEM et son premier président (6). Vous pouvez écouter un extrait
de leur chanson sur le site « du temps des cerises aux feuillesmortes » véritable encyclopédie de la chanson française
d'avant guerre. Toutefois Plantade n'est pas le compositeur mais
seulement l'arrangeur de cette musique qui figurait déjà sous le
titre Bonjour mon ami Vincent au N° 63 dans la « clé
du caveau ».
notes
1 - auteur, compositeur, interprète,
monologuiste, chansonnier, chef d'orchestre et revuiste né à Rouen,
en 1866, décédé en 1953 à Lyons-la-forêt (Eure)
2 – et vous trouvez ça drôle ?!
3 – Florilège du Pouliguen par
Marcel Baudry – éd. Alizés 1999....à qui nous devons toutes ces informations
4 – numéro 48, semaine 13 en mars
dernier
5 – « La Mouette – journal du
Pouliguen et de la côte, paraissant le samedi, de juillet à
septembre ». depuis longtemps disparue.
6 – Charles Plantade est né en 1787
et mort en 1839, ce qui donne une idée de l'ancienneté de la
chanson :Le petit chaperon rouge ou les vrais amis sont les
gens impolis, paroles par Ch. Delange, accompagnement par Ch.
Plantade
collectage : Marcel Baudry,
publié dans « Florilège du Pouliguen » - P. 54
auteur : Paul Marinier
(timbre : Bonjour mon ami Vincent – clé du caveau 63 )
Interprète : Jean-Louis
Auneau
LE GAZ AU POULIGUEN
La ville du Pouliguen
Dit un jour à ses édiles
« La chandelle n’éclaire pas
bien
Même quand on la mouche, elle file
La bougie, c’est cher et ça coule
tout l’temps
On s’en colle partout, sur tous les
vêtements
La résine ça donne une lueur écarlate
Le pétrole ça graisse et l’essence
éclate
Ça n’peut pas durer, c’est à vous
d’trouver
Un moyen quelconque de nous
éclairer ! »
Le conseil se rassembla
Et dit : « N’en v’là
t’y d’une malchance
Comment donc nous tirer d’là
Ces gens sont d’une exigence !
Il leur faudrait p’t’être
l’électricité »
« L’électricité, messieurs,
écoutez
Parait qu’c’est une chose très
facile à faire
On n’a qu’à frotter d’la laine
sur du verre »
Ils s’mirent à frotter pendant
plusieurs jours
Mais on n’y voyait pas plus qu’dans
un four
Les conseillers étaient las
Et leur détresse était grande
Quand, voyant leur embarras
La bonne ville de Guérande
Leur dit : « J’ai du gaz
bien plus qu’il n’m’en faut
J’m’en vais vous céder tout c’que
j’ai en trop
C’que j’en fais, c’est pour
obliger, sans doute
Seul’ment j’vous l’vendrai deux
fois l’prix qu’il m’coûte
Il faut s’entraider, ça fait que le
mien
Par ce moyen là, n’me coût’ra
plus rien
Le conseil se réunit
Et dit : « Nous v’là
tirés d’peine
Mais pour que l’gaz vienne ici
Encore faut-il qu’on l’amène
Je sais bien qu’on fait l’télégraphe
sans fil
J’ignore si le gaz est aussi subtil
On peut essayer, commençons par faire
Poser dans la ville quelques réverbères
P’t’être que voyant ça, d’là-bas
d’un bon œil
Le gaz de Guérande y viendra tout seul
Mais on dut faire des travaux
Car on reconnut, j’suppose
Que pour le gaz, des tuyaux
C’est encore la meilleure chose
Et voilà comment, heureux comme des
fous
Les Pouliguennais ont l’gaz à sept
sous
C’est p’t’être un peu cher, mais
tout l’monde assure
Que le gaz baiss’ra dans une bonne
mesure
Même un ingénieur m’a dit tout
confus
Qu’il baisserait tellement… qu’il
n’éclair’rait plus.
Et pour la bonne bouche....
Le petit Chaperon rouge
Charles Delange-Charles Plantade
(1782-1839)
sur l'air de : Bonjour, mon ami Vincent
Un pâtissier, demeurant
Dans la plaine de Montrouge,
Avait une charmante enfant
App'lé le p'tit Chap'ron Rouge !
C'est, me direz-vous, un nom singulier,
Je n' l'ai jamais vu dans l' calendrier
:
Pourquoi l'appelait-on le p'tit
Chaperon Rouge?
Je vas fair' cesser votre étonnement :
Ça v'nait tout bonn'ment de c' que ses
parents
Quand elle était p'tit', l'avaient
vouée au blanc !
L' pâtissier lui dit : hélas !
J'ai là, d'puis l'année dernière,
Deux pâtés qui n' se vendent pas.
Tiens, porte les à ta grand'mère :
Elle a constamment des maux d'estomac,
Et l' médecin y a dit qu'il fallait
pour ça
Prendre un' nourriture extrêmement
légère,
Ça lui fera du bien, ou je m'trompe
beaucoup
V'là l'enfant qui prend ses jambes à
son cou,
Manière de courir pas commode du tout.
Sur sa route elle rencontra
Un loup qui lui dit : Mam'selle,
Au moins, pour courir comme ça,
Portez-vous de la flanelle?
— Non, j' port' des pâtés, lui
répond l'enfant,
Qu' mon papa envoie à ma bonne maman.
— Fort bien, dit le loup, où
demeure-t-elle ?
— Au moulin, là-bas, répond
l'innocent :
— Voyons, dit le loup, lequel en
courant
Sera, de nous deux, au moulin-avant.
Le loup part comme un coup d' vent.
Il frappe à la maisonnette :
— Qui qu'est là ? dit la mère
grand,
S' dorlotant dans sa couchette.
Le loup prend la voix du petit
Chaperon,
Et dit : — J' vous apport' du nanan
bien bon !
La mèr' grand répond : — Tir' la
chevillette
Et la bobinette, aussitôt, cherra.
L' scélérat entra, la mangea, croqua,
Si bien qu' son bonnet fut tout c' qui
resta.
Non content d' mettre le bonnet,
Les lunettes de sa victime,
Croiriez-vous qu'il eut l' toupet
D' faire des jeux d' mots sur son crime
.
— Je n' vois pas, dit-il, de quoi
elle s' plaindrait.
Au lieu d' son moulin, j' lui donne mon
palais
Et puis, en poussant un rire unamime,
Il s' coucha dans l' lit, du côté du
mur.
En disant : J' quitterais mon boucher,
bien sûr,
S'il m' vendait jamais un bifteck si
dur !
Le p'tit Chaperon qui s'était
Arrêté à la Civette,
(Quoiqu' son pèr' lui défendait)
Pour acheter un' cigarette.
Arrive au moulin et s' met à cogner;
le loup crie alors, en parlant du nez :
— C'est toi, mon enfant, tir' la
chevillette
Et viens, dans mon lit, t' coucher avec
moi.
Car je n' fais pas d' feu, quoiqu'il
fasse bien froid,
Parc' que mon poèle fume et que j'n'ai
pas d'bois.
Le p'tit Chaperon dit : — Mère
grand,
Qu' vous avez une drôle de balle !
Le loup répond : — Mon enfant,
J'aime cette remarque filiale.
— Grand mèr', vos deux yeux brillent
comme des lampions ;
— Enfant, c'est l'effet d' ma
satisfaction.
— Vous ouvrez la bouche aussi grand'
qu'un' malle !
Vous pourriez serrer tout plein d'
choses là-d'dans.
Le loup prend l'enfant, l'avale en
disant :
— Tu trouves ma bouche malle, et moi
j'te mets d'dans
Moralité.
Ecoutez, grands, moyens, p'tits,
La moral' de cette histoire :
Faut s' défier des gens polis ;
Ils ont souvent l'Ame très noire.
Et ceux qui vous disent : comment ça
va-t-il ?
Ont souvent pour but d' manger votre
rôti;
Ce rôti, pour eux, n'est que
provisoire,
C'est en attendant qu'ils vous croquent
aussi :
C'est pourquoi je dis qu' les gens
impolis
Doivent être regardés comme les vrais
amis.
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