Où se trouve l'ile de Constantine ?
Voilà une question à laquelle les plus calés en géographie auront
peut être du mal à répondre. Plutôt que parcourir les atlas,
c'est du coté de la carte du tendre qu'il faut chercher la réponse
à ce qui ressemble à une métaphore (de France)(1) . Le départ
pour les îles est probablement une manière imagée de présenter
l'aventure amoureuse hors des normes et des conventions. Hors
mariage, donc.
Après les mineurs de chemin de fer ce
sont les mariniers qui illustrent cette vie « libertine ».
Nombre de chansons mettent en situation une belle embarquée par
force ou par ruse. Celle ci a bien pris son temps avant de chanter
« arrête, arrête beau marinier ». Malgré l'évocation
du mal du pays et des tempêtes elle a tenu sept ans.
écouter la chanson et lire la suite
D'autres versions de cette chanson nous
laissent supposer que la situation n'avait rien de dramatique. Les
couplets notés dans le Berry par Barbillat et Touraine (2) sont on
ne peut plus explicites : « Beau marinier m'a bien fait
oublier, mon père, ma mère, tout ce qui m'est familier ».
Notre version, encore une fois empruntée à Fernand Guériff, laisse
pudiquement de coté cet épisode pour se concentrer sur la morale
« pour un instant de plaisir dans la vie, depuis sept ans je
m'en suis repentie ».
Voici donc encore une chanson qui vient
étayer l'idée développée par Guériff d'une circulation des
textes traditionnels tout au long de la Loire, sa vallée et ses
affluents. Outre les versions recueillies près de la Châtre, il y
en eut aussi dans le Nivernais, avec une mélodie très proche de la
version nazairienne. En revanche, Hervé Dréan (3) en a recueilli
une autre très différente à Herbignac, de l'autre coté de la
Brière. Vous pouvez en avoir un aperçu en écoutant les archives de
Dastum :
notes
1 – « métaphore de France » :
le plus mauvais jeu de mot depuis l'inauguration de ce blog il y a un
an (dans un an t'y es !).
2 – autour de la Châtre et dans la
région de l'Anglin. Voir les couplets cités plus loin.
3 - Hervé Dréan, instants de mémoire
vol 2, p 37 – chanté par M. Pédron à Herbignac
source : « chansons
de Brière, de Saint Nazaire et de la presqu'ile guérandaise»
recueillis par Fernand Gueriff et Gaston Le Floc'h – volume 3 page
360
interprète : Bruno Nourry
catalogue P. Coirault : Le
charmant matelot qui revenait des îles (Rapts – N° 1314)
catalogue C. Laforte :
L’embarquement de la belle et le marinier (2-K-01)
M’y promenant le long de ces verts
prés (le marinier et la belle)
M’y promenant le long de ces verts
prés
J’ai entendu un marinier chanter
Un marinier revenant de ces îles
Qui m’a prié d’entrer dans son
navire
Je le regarde et l’ai trouvé si beau
Qu’tout aussitôt, j’entrai dans
son vaisseau
La pluie, le vent, la tempête et
l’orage
Nous a r’culés dans ces îles, hors
de France
En m’y voyant si éloignée sur l’eau
J’ai mis mon âme tout au pied du
tombeau
Je crie, je pleure et je me désespère
C’est de m’y voir si éloignée de
terre
Le marinier qui m’entendait pleurer
Me dit : la belle, je vous prie de
cesser
Vos cris, vos pleurs, tout cela m’est
contraire
En peu de temps nous reviendrons à
terre
Dieu, que vont dire les filles de mon
pays
Depuis sept ans que j’en suis partie
Tu leur diras que t’étais libertine
Depuis sept ans dans l’île de
Constantine
C’est entre vous, jeunes filles à
marier
Ne prenez pas d’ces garçons
mariniers
Pour un instant de plaisir dans la vie
Depuis sept ans je m’en suis
repentie.
BONUS
Barbillat & Touraine – version
recueillie dans la région d'entre Anglin et Benaize – volume 5, p.
154 - couplets 3 et 4
Marin, marin, arrête ton vaisseau
Il est trop tard pour voyager sur l'eau
Pour s'en aller sur cette triste mer
Adieu tous mes parents adieu ma tendre
mère
Beau marinier m'a bien fait oublier
Mon père, ma mère, tout ce qui m'est
familier
Après sept ans de course vagabonde
Je ne veux plus voyager sur cette mer
profonde
toujours super
RépondreSupprimerMarie annick
Balzac, en 1846, dans son roman La cousine Bette, fait explicitement référence à cette chanson.
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