Après la fille qui s'amuse avec trois
mineurs, celle qui s'embarque avec un marinier, voici maintenant
celle qui se laisse convaincre par son ami de le suivre habillée en
dragon. Mais si « toute fille qui part à la guerre n'est pas
sure de s'en revenir », sa plus grande inquiétude est de
perdre « son honneur ».
Il ne manque pas de chansons
traditionnelles pour décrire les aventures de filles soldats (1).
Parties pour suivre leur bien-aimé avec - comme ici- ou sans leur
consentement, leur sort se joue à l'occasion d'une rencontre où
leur féminité est enfin reconnue. Le plus souvent c'est la blessure
qui révèle ce qu'elle voulait cacher. Cette fois c'est l'aubergiste
qui n'est pas dupe et entraîne la fille dans des explications dont
elle a bien du mal à se sortir.
Pour comprendre le titre de cette
chanson il faut se souvenir que jadis dans les familles nobles le
droit d’aînesse laissait au premier fils le domaine familial,
obligeant le cadet à chercher fortune ailleurs. Souvent le cadet
était voué à la carrière militaire. Nous y voici.
pour lire la suite et écouter la chanson
Ces chansons de filles soldat sont
tombées en désuétude avec la conscription obligatoire...et le
conseil de révision. Elles sont donc des souvenirs de temps anciens
et leur histoire est parfois fragmentaire. Celle ci, collectée par
Clétiez à la fin du 19ème siècle et reprise par Fernand Guériff
n'en a que plus de valeur car son texte est relativement complet.
Cette version est pourtant assez rare à l'intérieur de ce thème et
la comparaison avec d'autres collectes est intéressante.
Guériff en signale une autre notée à
Marsac, entre Saint Nazaire et la Brière. Mais c'est grâce à nos
célèbres berrichons Barbillat et Touraine (2) que nous trouvons
matière à enrichir nos informations. Les versions qu'ils ont notées
vers Châteauroux et ailleurs dans l'Indre ont leurs trois premiers
couplets quasiment identiques ; la fin de la chanson voit aussi
la fille se défendre d'être cadet de noblesse ayant quitté père
et mère pour aller au régiment. Mais entre les deux figure un
couplet qui n'existe pas dans la version guérandaise :
Quand elle fut là haut (ou là bas)
sur le pont de Nantes
Adieu père et adieu mère, adieu
parents et amis.
Tiens donc !...sur le pont de
Nantes ! Comme on se retrouve en pays de connaissance. Si vous
avez suivi nos chansons des dernières semaines, vous pouvez
constater avec nous cette constante du voyage à Nantes dans les
chansons traditionnelles tout au long de la Loire. Ceci dit sans
chauvinisme aucun, bien sur (3).
Quand à l'honneur dont il était
question plus haut, la chanson laisse planer le doute sur les mœurs
de cette fille qui s'est enhardie. Ce ne sont sans doute pas les
dénégations du dernier couplet qui suffiront à convaincre
l'aubergiste.
Notes
1 – 18 chansons types identifiées
par Coirault pour le folklore de langue française.
2 – chansons populaires dans le
Bas-Berry. Celles qui nous intéressent se trouvent dans le volume 4,
page 51 à 53
3 – tu parles !
C’est un jeune cadet
C’est un jeune cadet qui s’en va
t’à la guerre
Qui va dire à sa maîtresse :
veux-tu venir avec moi
Je te jure sur mon âme que tu n’auras
d’amant que moi
De partir avec toi, mon cher cadet, je
n’ose
De quitter ma chère mère, ça me met
la mort au cœur
Toute fille qui va en guerre risque de
perdre son honneur
L’honneur, ne perdras point, ma
petite brunette
Je te donn’rai ma casaque, ma
ceinture à trois boutons
Mon joli chapeau à plume, et tu seras
comme un dragon
A ma première campagne, je s’rai pas
trop hardie
A la seconde campagne, je s’rai
beaucoup plus hardie
J’embrass’rai toutes les dames, les
dames, les filles à mon plaisir
Quand ils furent rendus à la première
auberge
L’hôtesse la voit, la regarde et
d’un air tout souriant
Etes-vous fille de chambre ou bien
bergère dans les champs
Bergère, je ne suis point, chère dame
l’hôtesse
Je suis cadet de noblesse, enfant de
bonne maison
J’ai quitté ma chère mère pour
m’en aller au régiment
Si vous êtes cadet, enfant, comme vous
dites
Vous aimez donc la bamboche et vous
buvez le bon vin
Et, le pistolet en poche, les filles en
votre dessein
Dans mon dessein, j’n’ai point ces
gentes demoiselles
J’aimerais mieux, ma compagne, être
au service du roi
Et non pas ces demoiselles, pour les
emmener avec moi.
collecté par Gustave Clétiez –
publié par Fernand Guériff dans le volume 1 du Trésor des chansons
populaires folkloriques recueillies au Pays de Guérande (page 169)
Interprétation : Janick
Péniguel
catalogue Coirault : la
fille qui se dit cadet de noblesse – 6705
catalogue Laforte : la
fille soldat à l'hotel - 2-M-5
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