Pour faire un beau mariage, il faut
trouver un beau parti. L'amant qui passe l'alliance au doigt de la
jeune fille a tous les atouts pour lui : la richesse d'un grand
seigneur... et la beauté du diable. Si seulement elle avait écouté
les conseils de son père, elle aurait tout de suite reconnu son
prétendant. Au lieu de cela, le bal de noces vire à la tragédie.
La morale de cette chanson est-elle
qu'il ne faut pas chercher à s'élever plus haut que son rang ?
Sans doute plus que l'habituelle mise en garde contre la danse qui
conduit à la débauche, glissée dans le second couplet. Ne pas
chercher à plaire aux hommes, respecter sa condition sociale et sa
condition de femme, voilà une morale qui nous paraît totalement
surannée, mais qui est souvent présente dans les chansons
anciennes.
Celle ci nous permet de reprendre
contact avec un personnage que nous avions un peu boudé ces derniers
temps, mais qui trouve toujours moyen de s'immiscer dans la vie et
les activités humaines.
écouter la chanson et lire la suite
Hélas, il y a toujours un prix à payer en
échange de ses services ou de son amitié. Si bien des chansons et
des contes populaires sont l'occasion de lui jouer des tours, le
mariage est malgré tout trop risqué.
Nos compères habituels Coirault et
Laforte (1) donnent peu d'exemples de cette variante de la fille
emportée par le démon. Toutes font référence à la danse et à
l'enlèvement au milieu du bal de noces ; le trait dominant
étant la morale finale.
Avec cette chanson nous nous écartons
un peu de notre thème du mois de mai. Mais c'est quand même
diablement intéressant. La chanteuse qui l'a communiquée à Fernand
Guériff était originaire de la Brière, au village du Cruttier en
Saint Lyphard. Fernand Guériff, né en 1914, aurait eu cent ans en
ce début d'année. C'est donc avec plaisir que nous puisons dans son
immense répertoire collecté, pour lui rendre hommage.
Notes
1 - Contrairement à Roux et
Combaluzier ou Chaffoteaux et Maury, Coirault et Laforte n'ont jamais
travaillé ensemble. Leurs catalogues sont des œuvres séparées ;
comme les Trois Suisses et la Redoute, mais avec chacun leur logique.
La fille emportée par le Diable
Oyez la vraie histoire d’une jeune
fille très sévère (bis)
D’une jeune fille très sévère,
d’une grande fierté
Qui n’aimait dans le monde rien que
la vanité
Oyez la vraie histoire d’une jeune
fille très sévère (bis)
Oui, comme une effrontée, toutes les
nuits au bal
C’est dans les assemblées qu’on
apprend tout le mal
Oh, croyez-vous ma fille, lui dit son
père sage
Eprouver un amant dedans votre bas âge
Soyez un peu honnête, retenue en tout
lieu
Vous aurez votre rang par la grâce de
Dieu
Oh, laissez-moi, vieux fou, car je sais
m’y conduire
Ne me raisonnez plus, je ferais encore
pire
Je veux passer mon temps au jeu et à
la danse
Pour avoir un amant, voilà ma
préférence
En sortant du château en dépit du
bonhomme
Satan, maligne esprit, s’est mis en
forme d’homme
Lui dit : ma jeune fille, fort
bien je t’y connais
Au même instant lui passe un anneau
d’or au doué
Lui dit : ma douce amie je vais
faire un festin (bis)
Tenez-moi compagnie, donnez-moi votre
main
Ecoutez mes conseils, je suis un grand
seigneur
Oui, je vois bien monsieur que vous
êtes honnête homme
Tout ce qui m’appartient, à vous je
l’abandonne
J’ai toujours eu l’idée, oui,
toujours dans mon cœur
J’ai toujours eu l’idée d’épouser
un seigneur
Mais au milieu du bal devant toute
l’assistance (bis)
Il changea de figure et devint si
affreux
Emporte la créature à brûler dans le
feu
On entendit une voix s’écrier dans
les air(e)s
A vous, filles d’à présent, je vous
sers d’exemplaire
Faut point tant plaire aux hommes, ici,
dans ces bas lieux
Faut point tant plaire aux hommes, faut
plutôt plaire à Dieu.
source : Fernand Guériff –
chansons de Brière, de Saint Nazaire et de la presqu'ile guérandaise
- tome 3 page 152 - informateur : Angèle Marsac (Le
Cruttier) – 1976
interprète : Bruno Nourry
catalogue P. Coirault : La fille
libertine emportée par le démon II (Edifiantes – N° 8404)
catalogue C. Laforte : La danseuse
et le Diable (2-B-43)
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