Les
semaines se suivent et ne se ressemblent pas, les avis sur le mariage
étant partagés. Le seul point commun entre ces deux premières
chansons du mois de mai c'est que nos deux belles ont chacune trois
amants. Ce qui dans un cas comme dans l'autre leur assure un avenir
radieux. Pour le reste l'attitude des parents varie considérablement
puisque cette fois ce sont eux qui freinent les ardeurs de la belle.
Les
chansons qui commencent par un vibrant appel au mariage ne manquent
pas dans le répertoire traditionnel. Les réticences des parents à
cet appel sont fréquentes et souvent motivées par la jeunesse de la
fille. « Espère encore un an » est une façon de
différer la réponse qui parie sur le revirement des sentiments. Il
faut dire qu'assez souvent la chanson nous permet de découvrir un
prétendant assez peu engageant. Hier les filles s'entichaient de
gardiens de vaches portés sur la boisson (1). Les jeunes filles
d'aujourd'hui ont plutôt tendance à présenter aux parents un
bassiste de rock porté sur la fumette.
Les
autres raisons invoqués dans les chansons tiennent surtout à...
Lire la suite et écouter la chanson
...la
situation financière des familles. « il est pourtant temps »
implore la fille ; « nous n'avons point d'argent »
répondent les parents. Autre motif souvent invoqué : la peur
de rester vieille fille, la beauté ayant tendance à se faner plus
rapidement que de nos jours.
Cette
chanson entendue au village paludier de Saillé se démarque donc
sensiblement de l'ensemble des textes qui accompagnent le thème de
la fille pressée de se marier. Ici l'héroïne n'hésite pas à
quitter le cocon familial pour vivre sa vie. Elle s'en va à la
fontaine ; autrement dit le lieu de rencontre par excellence,
les fontaines étant situées sur les places publiques ou la place du
marché avant que l'eau courante ne parvienne au robinet. C'est là
un symbole de l'émancipation de celle qui échappe au carcan du
système familial qui mariait les jeunes gens. « Abandonnée »
de ses pères et mères - c'est à dire qu'elle les abandonne - elle
choisit elle même ses relations avec trois capitaines. On est bien
loin de celle qui fait la morte pour son honneur garder. Ce qui fait
de cette chanson une curiosité dans un paysage traditionnaliste
autant que traditionnel.
Ajoutons
que Fernand Guériff la définit comme support d'une danse elle même
assez peu répandue : un bal à quatre sauts, qui est une
variante du bal paludier, où les danseurs frappent quatre fois du
pied vers le milieu du rond. Notons enfin que le refrain de cette
chanson a une certaine ressemblance avec une chanson collectée en
Lorraine «Mariez-moi ma mère, car voici la saison » qui
tourne aussi autour de la ritournelle « Don daine, Don don ».
Coincidence ?
Pour
finir nous faisons appel à vos connaissances pour préciser la
définition du bureau d'argent dont il est question. Faute de
certitude nous supposons que ce « bureau » désigne la
bourse contenant les pièces de monnaie. Bureau dériverait de bure
c'est à dire le tissu servant à fabriquer la bourse ? (2)
Chers
amis, à vous de confirmer ou de préciser cette définition...
Notes
1
– voir les énumérations de défauts dans les chansons « le
ruban bleu », dont la version « ma mère je le veux »,
bien connue en pays rennais, a même été enregistrée par Guy
Béart !
2
- Henriette Walter (le français dans tous les sens – Laffont 1988)
donne cette étymologie pour le bureau-mobilier.
Mon
père, mariez-moi donc
Mon
père mariez-moi donc (bis)
Bon
bon dondaine don
Mettez-moi
z’en ménage
Ma
fille, espère encore un an (bis)
Bon
bon dondaine don
Un
an ou davantage
Mais
lorsque l’année fut finie (bis)
Bon
bon dondaine don
La
belle faisait tapage
Elle
a pris son bureau d’argent (bis)
Bon
bon dondaine don
S’en
fut à la fontaine
En
son chemin a rencontré (bis)
Bon
bon dondaine don
Trois
jeunes capitaines
Que
faites-vous, où allez-vous (bis)
Bon
bon dondaine don
Fillette
abandonnée
Abandonnée,
je ne suis pas (bis)
Bon
bon dondaine don
Que
de mes père et mère
Fillette
qu’avez trois amants (bis)
Bon
bon dondaine don
N’est
pas abandonnée.
informateur :
Mme Legal, à Saillé en Guérande, d'après le répertoire d'une
demoiselle Braire de Clis (autre village guérandais) – page 58 du
tome 4 des chansons du pays guérandais, de Fernand Gueriff –
édition Dastum 44 / Parc Naturel régional de Brière (2013)
Interprète :
Janick Péniguel
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