vendredi 9 mai 2014

54 - Mon père, mariez-moi donc

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas, les avis sur le mariage étant partagés. Le seul point commun entre ces deux premières chansons du mois de mai c'est que nos deux belles ont chacune trois amants. Ce qui dans un cas comme dans l'autre leur assure un avenir radieux. Pour le reste l'attitude des parents varie considérablement puisque cette fois ce sont eux qui freinent les ardeurs de la belle.
Les chansons qui commencent par un vibrant appel au mariage ne manquent pas dans le répertoire traditionnel. Les réticences des parents à cet appel sont fréquentes et souvent motivées par la jeunesse de la fille. « Espère encore un an » est une façon de différer la réponse qui parie sur le revirement des sentiments. Il faut dire qu'assez souvent la chanson nous permet de découvrir un prétendant assez peu engageant. Hier les filles s'entichaient de gardiens de vaches portés sur la boisson (1). Les jeunes filles d'aujourd'hui ont plutôt tendance à présenter aux parents un bassiste de rock porté sur la fumette.
Les autres raisons invoqués dans les chansons tiennent surtout à...
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...la situation financière des familles. « il est pourtant temps » implore la fille ; « nous n'avons point d'argent » répondent les parents. Autre motif souvent invoqué : la peur de rester vieille fille, la beauté ayant tendance à se faner plus rapidement que de nos jours.

Cette chanson entendue au village paludier de Saillé se démarque donc sensiblement de l'ensemble des textes qui accompagnent le thème de la fille pressée de se marier. Ici l'héroïne n'hésite pas à quitter le cocon familial pour vivre sa vie. Elle s'en va à la fontaine ; autrement dit le lieu de rencontre par excellence, les fontaines étant situées sur les places publiques ou la place du marché avant que l'eau courante ne parvienne au robinet. C'est là un symbole de l'émancipation de celle qui échappe au carcan du système familial qui mariait les jeunes gens. « Abandonnée » de ses pères et mères - c'est à dire qu'elle les abandonne - elle choisit elle même ses relations avec trois capitaines. On est bien loin de celle qui fait la morte pour son honneur garder. Ce qui fait de cette chanson une curiosité dans un paysage traditionnaliste autant que traditionnel.
Ajoutons que Fernand Guériff la définit comme support d'une danse elle même assez peu répandue : un bal à quatre sauts, qui est une variante du bal paludier, où les danseurs frappent quatre fois du pied vers le milieu du rond. Notons enfin que le refrain de cette chanson a une certaine ressemblance avec une chanson collectée en Lorraine «Mariez-moi ma mère, car voici la saison » qui tourne aussi autour de la ritournelle « Don daine, Don don ». Coincidence ?
Pour finir nous faisons appel à vos connaissances pour préciser la définition du bureau d'argent dont il est question. Faute de certitude nous supposons que ce « bureau » désigne la bourse contenant les pièces de monnaie. Bureau dériverait de bure c'est à dire le tissu servant à fabriquer la bourse ? (2)
Chers amis, à vous de confirmer ou de préciser cette définition...

Notes
1 – voir les énumérations de défauts dans les chansons « le ruban bleu », dont la version «  ma mère je le veux », bien connue en pays rennais, a même été enregistrée par Guy Béart !
2 - Henriette Walter (le français dans tous les sens – Laffont 1988) donne cette étymologie pour le bureau-mobilier.

Mon père, mariez-moi donc

Mon père mariez-moi donc (bis)
Bon bon dondaine don
Mettez-moi z’en ménage

Ma fille, espère encore un an (bis)
Bon bon dondaine don
Un an ou davantage

Mais lorsque l’année fut finie (bis)
Bon bon dondaine don
La belle faisait tapage

Elle a pris son bureau d’argent (bis)
Bon bon dondaine don
S’en fut à la fontaine

En son chemin a rencontré (bis)
Bon bon dondaine don
Trois jeunes capitaines

Que faites-vous, où allez-vous (bis)
Bon bon dondaine don
Fillette abandonnée

Abandonnée, je ne suis pas (bis)
Bon bon dondaine don
Que de mes père et mère

Fillette qu’avez trois amants (bis)
Bon bon dondaine don
N’est pas abandonnée.


informateur : Mme Legal, à Saillé en Guérande, d'après le répertoire d'une demoiselle Braire de Clis (autre village guérandais) – page 58 du tome 4 des chansons du pays guérandais, de Fernand Gueriff – édition Dastum 44 / Parc Naturel régional de Brière (2013)

Interprète : Janick Péniguel

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