Ne prenez point de femme dans le mois
de mai, dit une chanson de malmarié. Pour passer outre à cette
consigne nous consacrerons les prochaines semaines aux différentes
façons d'aborder cette union. Après tout : en mai, fais ce qui
te plais.
Commençons par le rôle des parents
qui, dans notre chanson de la semaine, cherchent manifestement à se
débarrasser de leur rejeton. Dans les chansons les plus proches de
celle ci, père et mère mettent leur unique héritière à l'école,
où le maître se laisse séduire ou cherche à la séduire. Toutes
ces chansons se raccrochent au thème commun connu sous le titre et
avec le refrain « la destinée, la rose au boués ».
Heureusement nous échappons ici au coté moralisateur et rétrograde
de la plupart des versions qui confinent la jeune fille au rôle de
bonne ménagère.
L'originalité de notre version réside
d'abord...
pour lire la suite et écouter la chanson
...dans la récitation du texte à la première personne. C'est
la jeune fille qui s'oppose à ses parents. Selon l'habitude ce sont
trois amants - chiffre magique - qui se la disputent ; Et pas
n'importe qui !. Mais le choix se porte sur un prof. La belle
s'est laissée séduire par un intello qui sait bien tourner ses
lettres. Une bonne raison de poursuivre ses études !
Cette chanson type est tellement
répandue qu'il serait fastidieux de comparer toutes les versions. En
Normandie et en Vendée on voit le tailleur qui coupe la robe faire
sa déclaration. En Berry, Nivernais, Poitou...la fille repousse le
maître d'école, même s'il est joli garçon, parce qu'elle préfère
embrasser son mignon. Et bien trop souvent les derniers couplets
moralisateurs se terminent par des garçons qui tournent les talons
parce que la maison est sale. On devine bien que la maison est une
façon symbolique de faire la morale aux filles sur leur manière de
se soigner et de s'atiffer. Pour attirer les galants tenez votre maison propre était la morale contenue dans cette chanson. « C'est pas l'affaire des filles d'embrasser les garçons – c'est le de voir des filles de balayer les maisons ».
Une autre particularité de la chanson
notée près de l'estuaire de la Vilaine, c'est cette succession de
rimes en « oi ». Quasiment tous les
autres textes sont basés sur des rimes en « on » ce qui
permet de mettre en regard les garçons et les leçons, de baptiser
le père Simon, la fille Nanon ou Suzon et de l'envoyer à l'école à
Tournon, Luçon, Argenton, quand ce n'est pas tout simplement... à
deux pas de la maison.
Quand à la musique, elle se démarque
aussi des autres versions, même si le timbre utilisé n'a rien
d'original. La rose aux boués semble collée à un seul thème
musical quelles que soient les régions de collecte. Alors que les
versions du maître d'école amoureux collectées en centre France,
qui n'utilisent pas ce refrain, ont une construction musicale
identique variant seulement du sol mineur au sol majeur (1).
Merci à l'instit d'Assérac qui a eu
la bonne idée de récolter cette chanson. Cette version réussit à
sauver un thème qui, par sa ringardise, donnait envie de jeter la
destinée et la rose au boués aux oubliettes.
note
1 – cf. Bujeaud, Millien,
Barbillat...
C’est mon père et ma mère
C’est mon père et ma mère (bis)
D’enfant n’avaient que moi, maluron
lurette
D’enfant n’avaient que moi, maluron
luré
Tous les jours ils me disent (bis)
Mon enfant, marie-toi…
Mon père aussi ma mère / Etes-vous
lassés de moi…
Si vous êtes lassés / Ma foi,
dites-le moi…
Y’a trois garçons en ville / Sont
amoureux de moi…
L’y a le fils d’un prince / L’autre
le fils du roi
Et l’autre est maître d’école /
Celui-là s’ra pour moi
Il m’écrira des lettres / Je les
signerai, moi
A chaque mot de lettre / Mignonne,
embrassez-moi.
Interprète : Bruno Nourry
source : Fernand Gueriff
chansons du pays guérandais Volume 4, page 60 – musique notée par
Gustave Clétiez – texte recueilli par Eugène Chiron, instituteur
à Assérac en 1897
catalogues –
Coirault : 00713 - le maitre d'école amoureux – Laforte :
1 M 06 - la destinée la rose au boué
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