Les tristes noces ou la
délaissée aux trois robes sont les titres les plus connus
pour les chansons de ce type. Eh oui ! Nous vous avions promis
un mois de mai sous le signe du mariage. Mais on n'avait pas garanti
que ça finirait toujours bien.
Dans ce texte issu des collectes de
Gustave Clétiez, la délaissée se contente de tomber morte, sans
plus de précision. Dans beaucoup d'autres versions la fin est plus
sanglante : pendaison, poignard, épée, double suicide ou
meurtres...Enfin de l'action dans ces lignes !. Voilà qui nous change
du gazouillis des rossignols et des amourettes bucoliques. On est en
plein drame.
Le début de la chanson ne laisse rien
prévoir. Cet incipit « qu'on selle et bride mon cheval »
ne se retrouve d'ailleurs que dans les versions les plus à l'ouest
(géographiquement) des tristes noces : Bretagne, Vendée. Car
l'histoire qui a pour point commun la ou les robes de la délaissée
invitée aux noces, est connue dans toute l'Europe sous de multiples
variantes.
écouter la chanson et lire la suite
Si cette chanson est encore aussi
connue, elle le doit peut être aux enregistrements de Malicorne ou
de Guy Béart. Mais avant d'être « endisquée » elle a
parcouru tous les chemins de la tradition orale.
Revenons en d'abord à cette histoire
de cheval qui tombe à genoux. Dans la version collectée fin 19ème
par Clétiez, musicien guérandais, et reprise par Fernand Guériff,
c'est sur un plant d'argentine ; fleur des bords de route aux
propriétés bien connues des herboristes (1), elle se prête moins
bien aux bouquets que les roses qu'on retrouve dans d'autres versions
notées par Guéraud, en Loire-Atlantique aussi (Viellevigne) ou
Bujeaud, en Vendée. Dans ces deux dernières la chanson débute par
« j'ai rêvé que ma mie était morte ». Ces épisodes
préliminaires n'ont finalement que peu d'intérêt pour la suite de
l'histoire. Celle ci peut se résumer en un titre de fait divers :
il quitte son amie pour une autre plus riche; elle se tue pendant les
noces. Le détail qui tue - lui aussi ! - c'est la façon de
s'habiller de la délaissée. Priée de venir aux noces sans se faire
remarquer, elle se pare de la plus belle robe, jusqu'à passer pour
la mariée.
Même si on la rencontre dans tous les
folklores, un grand nombre de versions de cette chanson collectées
en France vient d'une frange est-sud du pays : de la Bourgogne à
la méditerranée.
Parmi la quantité voici quelques
versions intéressantes :
- en Franche comté (2) l'amant porte la belle sur son lit et fait creuser une fosse pour trois corps: « celui de ma mie et le mien, celui d'l'enfant qu'elle porte » ; détail qui apparaît aussi dans d'autres versions, en Berry par exemple,
- la version popularisée par Malicorne, en partie canadienne, dérive vers un autre thème, celui de l'épine qui a tellement poussé qu'avec son bois on peut faire des navires.
- Une version du pays bigouden est chantée par Lisette Floc'h sur l 'enregistrement « Tradition familiale de chant en pays Bigouden » - Chanteurs et musiciens de Bretagne – Dastum n°4 (3)
- voyez aussi l'enregistrement de MmeVirginie Granouillet, dite « La Baracance », dentellière et chanteuse en Haute-Loire, sur le site de l'AMTA (voir rubrique liens).
- La « despartida », collectée à Forcalquier (Alpes de Haute Provence) figure sur l'anthologie des musiques traditionnelles publiée en 2009 (4). Elle doit à la fois aux traditions occitanes, provencales et italiennes...
- en Piémont, la belle tombe au premier tour de danse dans la chanson « danze e funerali » publiée par Costantino Nigra, et connue dans le nord de l'Italie .
etc, etc......pour les versions qui
peuvent être rattachées à la filière francophone. Mais le thème
dépasse largement cette zone.
En particulier, le cousinage est très
fort avec deux chansons type :- la première est connue en Ecosse, en Angleterre et alentour sous le titre « Lord Thomas and fair Annet (ou Ellinor, ou Eleanor...) » . Répertoriée dans les catalogues anglo-saxons sous les références Child 73 et Roud 4. Dans cette chanson l'abandon de la première fiancée doit beaucoup à l'influence de la mère du garçon, pour une question de dot, semble-t-il. Ce qui permet à Martin Carthy (5) de présenter la nouvelle mariée comme « nothing more than some nouveau riche arriviste ». En français dans le texte ! Le concept serait-il plus français qu'anglo-saxon ?
- La seconde nous entraîne beaucoup plus au nord. Il s'agit d'une balade médiévale titrée « Herr Peder og liten Kerstin ». Non seulement la délaissée s'y habille de la façon la plus voyante possible, mais elle pousse le vice jusqu'à servir à boire aux invités. Inutile de préciser que tout cela finit très mal.
Voilà
qui nous entraîne loin de Guérande et des fleurs d'argentine. Mais
d'une version à l'autre seuls les détails varient, la trame
dramatique restant la même.
Notes :
1 - l'argentine ou potentille
ansérine : famille des rosacées ; possède des propriétés
astringentes , anti-inflammatoires, calmantes (d'après plusieurs
sites spécialisés).
2 – dans les recueils de Garneret,
Buchon, Beaurepaire...
3 – enregistrement sur cassette
bradé, disponible à très bas prixe sur le site de Dastum
4 – enregistrements rassemblés par
Guillaume Veillet ; publiés par Frémeaux et associés (12 CD)
avec la collaboration de Dastum 44
5 – notes du CD de Martin Carthy &
Dave Swarbrick « Straws in the Wind » (2006).
Qu’on selle et bride mon cheval
Qu’on selle et bride mon cheval (bis)
Qu’on lui donne la selle (bis)
Mon cheval tombe à deux genoux… /
Sur un plant d’argentine…
J’en ai cueilli le plus beau brin…
/ Pour porter à ma mie…
Ma belle, je vais vous convier… /
Pour venir à mes noces…
Ma belle amie, vous y venez… / Ne
changez pas de robe…
La belle n’a pas entendu… / Elle a
changé de robe…
Il y en a une de satin gris… /
L’autre de satin jaune…
L’autre de damas violet… / La plus
belle de ses robes…
Tout le monde qui la voit venir… /
Dit : v’là la mariée…
La mariée, je ne suis pas… / Je suis
la méprisée…
La méprisée, vous n’êtes point…
/ Vous êtes la mariée…
Il la prend, fait trois tours autour…
/ La belle tomba morte…
Aucune information précise sur la
collecte par Gustave Clétiez – publiée par Fernand Guériff dans
le volume 1 du trésor des chansons populaires folkloriques
recueillies au pays de Guérande (page 161)
Interprétation : B. Nourry, J.-L.
Auneau, D. Lehuédé
chaque semaine j'attends avec impatience la nouvelle et je ne suis jamais déçue!
RépondreSupprimermerci beaucoup pour cette très jolie version
marie annick