« Pourquoi
chantez vous toujours des chansons tristes, qui font pleurer les
gens ? » demandait un jour un interviewer à la chanteuse
anglaise June Tabor (1) qui répondit : « parce qu'après
avoir bien pleuré ils se sentiront mieux ». Alors avant que
vous n'écoutiez le chanson de cette semaine prenez la précaution de
vous munir de quelques mouchoirs. On n'est pas là pour rigoler.
Cette
belle complainte a été recueillie au moins deux fois dans notre
région. Par Abel Soreau à qui nous empruntons cette version et par
Armand Guéraud, tous les deux à la fin du 19ème siècle. Dans les
commentaires des textes recueillis par Guéraud, Joseph Le Floch
précise « Le texte est rare : une seule référence
mentionnée au fichier Coirault » deux textes incomplets en
fait publiés par Achille Millien dans le premier tome des chansons
populaires du Nivernais et du Morvan. « Millien et Pénnavaire
remarquent avec raison que la musique n'est qu'une altération de
l'air connu ah vous dirai je maman » (2)
Plus
près de nous elle a été enregistrée par Jean-François Dutertre
sur son album Ballades françaises, vol. 2 édité chez Buda musique
en 1998. Et outre Atlantique, Monique Jutras (3) a chanté la
courtisane brûlée dans son CD de complaintes médiévales en 1999 .
pour écouter la chanson et lire la suite
D'une
version à l'autre les chanteurs ne s'accordent pas sur le dénouement
de l'histoire. Ici vous entendez le fils du roi se faire hara kiri; ailleurs il tire son épée et de son père « lui trancha la
tête en bas ».
Si
cet épisode dramatique a pour origine un fait réel où son
interprétation romancée, il est bien difficile aujourd'hui de
savoir lequel. L'histoire de France regorge de ces règlements de
comptes sanglants entre membres de la cour, prétendants, intrigantes
et autres membres de la famille. Encore à cette époque, les princes
et les rois pouvaient ils se permettre de prendre maîtresse sans
risquer de se retrouver portraiturés par des paparrazzi, rentrant au
château avec un heaume sur la tête !
notes
1
– June Tabor, l'une des plus belles voix du folk anglais n'a pas
chanté que des chansons tristes en anglais. Elle a aussi enregistré
des complaintes en français dont une magnifique interprétation du
« roi Renaud ».
2
– tiens donc ! Encore la Mantovana. (voir chanson n° 7 de
ce blog)
3
- Suite à la publication de son mémoire de maîtrise en ethnologie
sur la chanson folklorique française en 1999 (Vision d’une société
par les chansons de tradition orale à caractère épique et
tragique, en collaboration avec Conrad Laforte, Presses de
l’Université Laval 1999), elle produit, à partir de l’anthologie
de cet ouvrage, l’album-concept Complaintes médiévales
(Distribution Interdisc 1999) – commentaires sur le site de Monique
Jutras
Plus
blanche que la fleur d’été
Sire
le Roy la fait mander
Sire
le Roy, que me veut-il
Voudrait-il
me donner son fils
C’n’est
ni pour coudre ni pour filer
Ce
n’est pas pour vous marier
Le
cocher qui là l’emmenait
Le
long du grand chemin pleurait
La
belle, elle lui a demandé
Cocher,
qu’avez-vous à pleurer
Quand
elle fut à Malaisé
Elle
vit un grand feu allumé
La
belle, elle lui a demandé
Pourquoi
faire si grand feu, cocher
Plus
blanche que la fleur d’été
On
dit que c’est pour vous brûler
Il
la prit, la déshabillit
Et
dans le grand feu la jetit
La
belle a fait un si grand cri
Que
le fils du roy l’entendit
Sellez,
bridez-moi mon cheval
Que
dans la cité je m’en vas
Dans
son chemin a rencontré
Le
messager de la cité
Beau
messager, beau messager
Quelles
nouvelles de la cité
Plus
blanche que la fleur d’été
Sire
le Roy l’a fait brûler
Bonjour
mon père, bonjour mon fils
Mon
père, qu’avez-vous fait d’ma mie
Ah,
pour ta mie, elle est brûlée
Et
la cendre au vent enlevée
Il
attira son épée là
Dedans
son cœur il la plongea
Vous
avez eu la mort d’ma mie
Et
vous aurez la mienne aussi.
source :
Gabrielle Praud, la Nicollière
en Machecoul, en 1895 – noté par Abel Soreau
interprète
: Nolwenn
Le Dissez
catalogue
Coirault :
L'amante du dauphin 1401
catalogue
Laforte :
la courtisane brulée 2-A-73 (en partie)
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