Puisque
nous avons cette belle jardinière en magasin vous allez pouvoir en
profiter. La chanson n'est pas particulière au pays nantais, même
si l'action y est située. Cette version est originaire du
Morbihan(1). Elle figure dans les archives de Dastum grâce à
Bernard de Parades, un collecteur qui a beaucoup travaillé sur le
pays nantais et Nantes en particulier. Il a recensé toutes les
versions de chansons qui se rapportent à Nantes, prouvant que cette
ville était la plus citée dans les chansons traditionnelles.
Après
B. de Parades, c'est Georges Doncieux (2) que nous laisserons
commenter cette marchande d'oranges: « vu l'abondance des
versions normandes, bretonnes, poitevines...cette marchande semble
originaire de la France du nord-ouest ; elle ne saurait, par
l'évidente modernité de la langue remonter plus haut que le 18ème
siècle.Cette spirituelle petite ronde est faite sur la même donnée
que la Fille aux oranges, mais pour aboutir à une conclusion tout à
fait contraire : là une pauvre innocente se fait enlever par un
polisson d'avocat ses oranges et le reste ; ici c'est un prince
étourdi qui laisse envoler l'imprudente mais subtile oiselle (sic).
D'où il s'ensuit parfois que les fils de roi n'ont pas tant d'esprit
que les fils d'avocat ».
Si
le texte publié par Doncieux situe l'action à Paris, les autres...
pour écouter la chanson et lire la suite
... les autres sont moins précis, excepté les versions bretonnes qui la placent à
Nantes. Guéraud en cite une version du pays nantais qui commence par
« M'en revenant de Lille en Flandres » ! Voilà qui
nous renvoie à une semaine précédente.
Plusieurs
chansons sont associées au refrain « l'herbe est courte, on la
coupe, on la fène » bien connue dans le Morbihan mais aussi
dans le Poitou et en Berry. Comme souvent les chiffres varient avec
les chanteurs. Ici le prix évolue entre cinq sous les trente et
quarante francs la douzaine. Le plus souvent ce sont des pommes que
la belle cherche à vendre (derrière chez nous il y a une ente...).
La consommation régulière d'oranges dans nos pays est relativement
récente. Avant le début du 20ème siècle la lenteur des transports
ne permettait pas d'en faire une consommation de masse et c'était
donc un produit de luxe, offert en cadeau aux enfants à Noël, par
exemple.
Dans
le domaine de la chanson, cette marchande d'oranges fiévreuse a été
supplantée par la fille aux oranges, dont l'histoire commence
invariablement par « derrière de chez mon père un oranger il
y a". Les versions en sont si nombreuses qu'on pourrait lui consacrer
un blog entier.
Pour en finir avec notre jardinière de Nantes, elle se satisfait d'avoir pu vendre ses fruits au maréchal de France. Mais, comme le souligne Doncieux, sa ruse lui permet d'échapper au fils du roi en chantant « l'oiseau parti ne se laisse plus prendre » ou plus crûment « tant qu'on tient les filles faut les prendre »(3). Cette fin range la chanson dans le cycle des occasions manquées. On la retrouve fréquemment dans d'autres chansons ce qui laisse entrevoir une contamination entre différents textes. C'est un des grands intérêts de l'interprétation des chansons traditionnelles.
Pour en finir avec notre jardinière de Nantes, elle se satisfait d'avoir pu vendre ses fruits au maréchal de France. Mais, comme le souligne Doncieux, sa ruse lui permet d'échapper au fils du roi en chantant « l'oiseau parti ne se laisse plus prendre » ou plus crûment « tant qu'on tient les filles faut les prendre »(3). Cette fin range la chanson dans le cycle des occasions manquées. On la retrouve fréquemment dans d'autres chansons ce qui laisse entrevoir une contamination entre différents textes. C'est un des grands intérêts de l'interprétation des chansons traditionnelles.
notes :
1
– citée dans le tome 1 du recueil de chansons populaires d'Eugène
Rolland en 1883
2-
le « romancero populaire de la France » a été publié
en 1903 (Georges Doncieux / Julien Tiersot).Tout ça ne nous rajeunit
pas !
3
– versions notées entre autres par Bujeaud (Poitou) ou Barbillat
(Berry)
C’était
une jardinière de Nantes, la tira lira, lira lon la
Qu’avait
de belles oranges à vendre
La
tira lira lira lon la tira, la tira lira lira lon lire
Qu’avait
de belles oranges à vendre, la tira lira, lira lon la
Le
fils du roi les lui marchande
La
tira lira lira lon la tira…
… Combien
vendez-vous vos oranges…
J’en
ai de vingt, j’en ai de trente
Mais
les plus belles sont de quarante
Montez-les,
belle, dedans ma chambre
Tout
en montant la belle tremble
Qu’avez-vous,
belle, qui vous tourmente
Je
sens la fièvre qui va me prendre
Ah,
descendez, belle, de ma chambre
En
descendant, la belle chante
Qu’avez-vous,
belle, d’être si contente
Car
j’ai vendu toutes mes oranges
Au
fils du roi, l’maréchal de France.
source :
archives Dastum 44 (fonds Bernard De Parades)
interprète
: Bruno
Nourry
catalogue
Coirault :La marchande d'oranges fiévreuse 01906
catalogue
Laforte : La marchande d'oranges 1-H-02
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