De toutes les chansons traditionnelles
qui ont pour cadre la ville de Nantes, c'est sans doute la plus
connue. L'amour entre un prisonnier et la fille du geôlier, son
évasion spectaculaire et ses promesses pour l'avenir ont été
chantées sur tous les tons. Et pourtant il reste encore beaucoup à
découvrir de ce fait divers romancé.
Si cette chanson est si populaire en
France et au Canada, elle le doit aussi aux nombreux artistes de
variété qui n'ont pas hésité à l'enregistrer. Depuis Yvonne
Georges dans les années 1920 jusqu'à Nolwenn Leroy en 2010, sans
oublier Yvette Guilbert, Édith Piaf, Édith Butler, Louise
Forestier, Les Compagnons de la chanson, Nana Mouskouri, Colette
Renard et les Tri Yann. Nos « Trois Jean an Naoned » ont
marqué toute une génération avec une version acadienne des prisons
de Nantes (1). Peut être auraient-ils été mieux inspiré de
choisir une des nombreuses versions locales.
Il est probable qu'à l'origine de
toute chanson traditionnelle il y ait un fond de vérité. Il est
généralement impossible de le retrouver, nous en avons déjà fait
la démonstration avec de précédentes chansons. Ce qui n'empêche
pas plusieurs sites internet de soutenir que...
lire la suite et écouter la chanson
lire la suite et écouter la chanson
...cette chanson, apparue
au XVIIe siècle, s'inspirerait de l'évasion au château de Nantes
du cardinal de Retz, en 1654. Mais quand on regarde d'un peu plus
près ces différentes productions on s'aperçoit que le même texte
est reproduit mot à mot d'un site à l'autre. A force de reproduire
une hypothèse devient-elle forcément la vérité ? Nos
historiens du folklore, les Davenson, Doncieux, Tiersot... sont
restés plus prudents sur ce sujet. Ils se contentent de noter la
prédominance du texte dans les provinces de l'ouest et, par
conséquence, sa transposition au Canada.
Quoi qu'il en soit les prisons de
Nantes considérées du point de vue de la chanson traditionnelle
font figure de passoire. Plusieurs autres chansons (la fille habillée
en page, Les prisonniers sauvés par une chanson, Pierre et
Françoise...) font état d'évasions de cet établissement
carcéral ; avec à chaque fois une intervention féminine qui
prouve que l'amour donne des ailes.
La prison dont il est question n'a rien
à voir avec le centre pénitentiaire actuel. Le château en a fait
office, nous l'avons vu. Sous la révolution les lieux de détention
ont été multiples. Mais c'est sans doute la prison du Bouffay qui a
pu être le théâtre de cette évasion. Située à l'époque en
plein centre ville, au bord de la Loire tout comme le château
(c'était avant les comblements) elle a disparu au 19ème siècle. La
maison d'arrêt qui l'avait remplacée - et jouxtait les anciens
locaux de Dastum – a elle même fermé, pour être transférée en
périphérie nantaise.
Aujourd'hui la légende ne se vérifie
plus. La spectaculaire prise d'otages de Georges Courtois en décembre
1985 n'échappe pas à la règle. Non plus la tentative d'un détenu
en juin dernier avec barreaux sciés et draps de lit (un classique)
qui lui a valu huit mois de plus
Notre prisonnier de la semaine a été
chanté et collecté dans le pays de Retz. Ce texte est noté dans le
manuscrit « Poiraud » un recueil d'une centaine de
chansons compilé par un violoneux de la région de Pornic. Comme
beaucoup de versions elle présente les caractéristiques d'un chant
à danser. Il faudrait un ouvrage entier pour étudier toutes les
interprétations de cette chanson. Nous nous contenterons de vous
recommander deux autres versions remarquables en pays nantais : un
rond paludier chanté par Jean Rivallant dont pouvez entendre la
version originale sur deux disques (2) et une mélodie collectée en
pays de Chateaubriant vers 1900 par Abel Soreau (3). A noter que
cette dernière est la seule qui se risque à donner le nom du
prisonnier : il s'appellerait Antoine !
Ce qui est remarquable c'est la
quantité de refrains différents adaptés à ce texte. Au moins 70
dans l'ouest et plus de cent au Canada. La localisation change peu.
Nantes est parfois devenue Rennes (en Ille et Vilaine) Avranches (en
Normandie) ou encore Marmande (en vallée d'Ossau). En revanche la
traversée de l'Atlantique, pourtant due aux marins nantais, a été
fatale à la cité des Ducs de Bretagne. Les versions canadiennes qui
situent l'action dans les prisons de Londres sont les plus nombreuses
dans les interprétations maritimes, Nantes conservant son statut à
l'intérieur des terres (4) .
Pour en finir (provisoirement) avec ce
sujet vous trouverez à la suite des paroles de la chanson :
- une version « de montage »
récapitulant les différentes péripéties,
- puis un grand classique de la chanson paillarde qui débute de façon identique mais finit sans évasion bien que dans une certaine allégresse
- puis un grand classique de la chanson paillarde qui débute de façon identique mais finit sans évasion bien que dans une certaine allégresse
- et enfin le couplet inspiré à Georges
Brassens pour « la route au quatre chansons ».
Notes
1 – version acadienne recueillie en
1958 auprès d'Albert Morneault et publiée sur un 33 tours intitulé
Acadie et Québec (renseignement donné par Robert Bouthiller)
2 – sur : chants et veuze en
presqu'ile guérandaise (Dastum – 1994) épuisé, et Chants dans la
ronde (L'Epille / Dastum - 2007)
3 – sur Nantes en chanson (Dastum –
1998) épuisé ; désolés on vous met l'eau à la bouche avec
des documents qui ne sont plus dans le commerce mais sans doute
encore dans bien des médiathèques. La dernière plage de ce CD
enchaîne sept versions différentes interprétées par Roland Brou,
Sylvain Girault, Robert Bouthiller, Charles Quimbert, Mathieu Hamon
et Gael Rolland.
4 – D'après Ernest Gagnon « chansons
populaires du Canada »
Le prisonnier de Nantes
Dans les prisons de Nantes et
roupioupiou déritra la la (bis)
Dans les prisons de Nantes il y a un
prisonnier
Il y a un prisonnier, gué, gué, il y
a un prisonnier (bis)
Personne ne va le voir et roupioupiou
déritra la la (bis)
Personne ne va le voir que la fille du
geôlier
Que la fille du geôlier, gué, gué…
Et qui lui porte à boire / A boire et
à manger
Et aussi des chemises / Des chemises
brodées
Un jour il lui demande / Quelles
nouvelles apportez
La nouvelle que j’apporte / Vos beaux
yeux vont pleurer
La nouvelle est en ville / Que demain
vous mourrez
Ah, si demain, je meurs / Les pieds me
déliez
La fille était légère / Les pieds a
détachés
Le garçon tout alerte / Dans la Loire
s’est jeté
Quand il fut dans la Loire / Il s’est
mis à chanter
Que dieu bénisse les filles / Les
filles à marier
Il y en a surtout une / C’est la
fille du geôlier
Si je reviens à Nantes / Oui, je
l’épouserai
Je lui f’rai porter robe / Robe de
satin brodé
A chaque point d’aiguille / L’amour
y s’ra gravé.
interprète : Jean-Louis
Auneau
source : cahier de chanson
de M. Poiraud, violoneux du pays de Retz
catalogues : Coirault
(01427) le prisonnier de Nantes et la fille du geolier – Laforte
(1-B-17) le prisonnier de Nantes
Le prisonnier de Nantes :
version de montage
Dans les prisons de Nantes - Il y a
t'un prisonnier
Personne ne vient le voire - que la
fille du geôlier
Elle lui porte à boire – A boire et
à manger
Et des chemises fraiches - Quand il
faut en changer
Un jour il lui demande - Belle que dit
on de moi
Les nouvelles que j'apporte – vos
beaux yeux vont pleurer
Le bruit court par la ville - Que
demain vous mourrez
Si c'est demain que j'meure - Déliez
moi les pieds
La fille compatissante - Les pieds lui
a délié
Le prisonnier alerte - Dans la Loire a
sauté
Les bourgeoises de Nantes – sont à
le voir nager
Elles lui ont dit Antoine – vous
allez vous noyer
Ne craignez rien mesdames – c'est
pour ma vie sauver
A la première plonge - A manqué de se
noyer
A la deuxième plonge - la mer a
traversé
A la troisième plonge - à terre il a
monté
Quand il fut sur la rive - Il se prit
à chanter
Je me fous de ces juges - de ces
bonnets carrés
Que Dieu bénisse les filles - Surtout
celle du geôlier
Car moi j'en connais une - Une fille à
marier
Si je reviens à Nantes - Ce sera pour
l'épouser
Je lui ferai porter robe - Robe de
satin doré
A chaque point d'aiguille - L'amour y
sera gravé
Toutes les cloches de Nantes - se
mirent à sonner
Vivent les filles de Nantes - et
vivent les prisonniers
Version paillarde...et sans évasion
Dans la prison de Nantes,
Y a des morpions qui m'emmerdent la
nuit, sans bruit.
Dans la prison de Nantes,
Y avait un prisonnier, y avait un
prisonnier
Y avait un prisonnier la bite au cul,
les couilles pendantes,
Y avait un prisonnier la bite au cul
bien enfoncée, ohé ohé ohé ohéééé.
Il ne voyait personne Que la fille du
geôlier,
Un jour il lui demande, Les clefs pour
aller chier,
La fille était jeunette, Les clefs lui
a donné,
Arrivé sur le trône, Il y avait plus
d'papier,
En attendant qu'ça sèche, Il se mit à
chanter,
J'emmerde les gendarmes Et la
maréchaussée,
La route au quatre chansons
(Georges Brassens) extrait
Je me suis fait fair' prisonnier
Dans les vieilles prisons de Nantes
Pour voir la fille du geôlier
Qui, paraît-il, est avenante
Quand je lui'ai d'mandé que dit-on
Des affaires courantes
Dans la ville de Nantes
La mignonne m'a répondu
On dit que vous serez pendu
Aux matines sonnantes
Et j'en suis bien contente
Les geôlières n'ont plus de cœur
Aux prisons de Nantes et d'ailleurs
La geôlière de la chanson
Avait de plus nobles façons...
oui, je l'aime, très romantique
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