L'avant-deux
de travers, est interprété par le Père Jean (Jean Debeix) sonneur
d'accordéon. Dastum a consacré un CD à ce musicien, charnière
entre la musique de tradition et le renouveau du « folk »
(voir la page éditions). Mais quel rapport peut il y avoir entre la
ville de Mantoue, chantée la semaine dernière, et cette danse
emblématique du pays nantais ? Tout simplement plusieurs siècles
d'un voyage musical qui mérite quelques explications.
La
«Mantovana», autrement dit «Il Ballo di Mantova» (la danse de
Mantoue) , est apparue au début du 17ème siècle à la cour des
Gonzaga de Mantoue, où elle est jouée aux noces de Francesco
Gonzaga et Marguerite de Savoie. Elle est immédiatement devenue le
symbole musical de cette ville. Son origine est sans doute à
rechercher dans les quartiers populaires de Mantoue. Très rapidement
ce thème s'est répandu dans toute l'Europe. Les événements
survenus dans cette partie de l'Italie (voir chanson 6 - la prise de
Mantoue) ont dû favoriser cette émigration culturelle. Notée dans
le recueil de mélodies lombardes de Gasparo Zanetti en 1645, elle
est déjà publiée à Londres dans la première édition du Playford
dancing master en 1657 sous le titre « an italian rant ».
A cette époque la musique italienne influence toutes les musiques
savantes ou populaires.
En France, Louis-Claude Daquin en tire un célèbre Noël. Mais c'est surtout...
de Mantoue jusqu'à Nantes (suite)
Mais c'est surtout la chanson « A vous dirai-je maman (ce qui cause mon
tourment...) » qui va contribuer à sa diffusion, à partir de
1760. Version en mode majeur de l'air original, cette chanson
pourrait être cantonnée au répertoire enfantin : « moi
je dis que les bonbons valent mieux que les leçons ». Mais au
milieu du 17ème des versions moins prudes circulent, sous titrées
« la confidence ». Cela va de la galante « peut on
vivre sans amant... » jusqu'à l'évocation à peine voilée
des amours innocentes où le cousin Eugène « sort je ne sais
d'où un petit animal très doux » et tout ce qui s'ensuit !
C'est de cette chanson que Mozart (Wolfgang Amadeus pour les intimes)
a tiré 12 variations, en 1785 (K. 265) qui ont fait croire à une
origine savante de cet air.
En Angleterre le « branle de Mantoue » suit à peu près la même évolution. Deux chansons pour enfants reprennent la mélodie : « Twinkle, twinkle little star » et « Ba ba black sheep ». Du Royaume Uni à l'Amérique, il n'y a qu'un océan à traverser, ce qu'ont fait tant de musiques. Voilà pourquoi on retrouve aujourd'hui des versions old time, bluegrass ou western swing au banjo – Arthur Smith – ou au violon – Benny Thomasson, Richard Greene, Byron Berline, etc - le plus souvent en tonalité de sol majeur.
En Angleterre le « branle de Mantoue » suit à peu près la même évolution. Deux chansons pour enfants reprennent la mélodie : « Twinkle, twinkle little star » et « Ba ba black sheep ». Du Royaume Uni à l'Amérique, il n'y a qu'un océan à traverser, ce qu'ont fait tant de musiques. Voilà pourquoi on retrouve aujourd'hui des versions old time, bluegrass ou western swing au banjo – Arthur Smith – ou au violon – Benny Thomasson, Richard Greene, Byron Berline, etc - le plus souvent en tonalité de sol majeur.
Énumérer
tous les avatars de la Mantovana serait long, fastidieux et
prétentieux. Alors juste quelques exemples : « Virgen de
la cueva » en Espagne, « Kateryna Kucheryava » en
Ukraine, « Pod Krakowem » chant yiddish en Pologne, «
Carul cu boi » en Roumanie et Moldavie, « Tüzed, Uram
Jézus » en Hongrie ou un cantique populaire en France.
Quand
aux versions les plus marquantes elles sont aussi très variées :- la chanson italienne « Fuggi, fuggi » qui a été très tôt adaptée de l'air original
- la mélodie suédoise « Ack Varmeland du sköna », plus romantique, a inspiré le jazzman Stan Getz qui en a tiré son « Dear old Stockholm »
- Une version populaire moldave a inspiré à Smetana un mouvement de « la Moldau »
- La même mélodie, arrangée par Samuel Cohen, est devenue « Hatikva », l'hymne national israélien en 1948.
Cet arrangement n'est pas le dernier en date. Compositeurs classiques, de jazz, de variétés on su tirer partie de ce tube intemporel. Écoutez la chanson « j'aurais voulu » de Daniel Lavoie pour en être convaincus.
Ce résumé laisse de coté d'autres perles de la musique traditionnelle parmi la centaine de versions qui dérivent de notre danse italienne née dans les quartiers de Mantoue.
Et
Nantes dans tout cela ? Si vous fréquentez bal breton ou fest
noz, vous avez forcément entendu cette musique, la plus fréquemment
associée à l'avant deux de travers, forme de danse particulière au
pays nantais.
Avouez
que vous l'écouterez différemment la prochaine fois ! Un petit
goût d'Italie dans le muscadet ça se remarque.
Notre extrait de la semaine ouvre le CD publié par Dastum « le père Jean – sonneur d'accordéon des pays de Redon et de la Mée ». Jean Debeix, sonneur de tradition a connu une seconde carrière dans les années 70, d'abord avec les groupes folkloriques puis sur les scènes des bals bretons. Il a largement contribué à populariser cette mélodie reprise depuis par quantité de groupes folk ou revivalistes.