Notre
chanson de la semaine, a été collectée à Machecoul (44) à la fin
du 19ème par Soreau (encore lui !). Pour la plupart d'entre nous
cette chanson des trente voleurs de Bazoges évoque immédiatement la
complainte de Mandrin. Celle ci bénéficie d'une popularité qui
doit beaucoup à la quantité d'enregistrements qui en ont été
fait : Yves Montand, Guy Béart pour les plus connus, sans
oublier Marc Ogeret ou les Ménétriers et une bonne vingtaine
d'autres moins médiatisés.
Le
brigand Louis Mandrin, né en 1724 en Dauphiné, est mort roué vif le
26 mai 1755 (vers cinq heures de l'après midi). La complainte aussitôt composée a
repris un timbre tiré d'un opéra de Rameau, Hyppolite et Aricie.
Et
alors ? Pourquoi tant de précisions historiques ? Laissons
la réponse à Jérôme Bujeaud dans son tome 2 des chansons
populaires des provinces de l'ouest : « le jeudi 3 février
1583, M. Rapin, vice sénéchal de Fontenay le Comte, accompagné de
ses soldats...tuèrent à Réaumur 40 ou 50 voleurs qui pillaient,
rançonnaient les pauvres du plat pays et violaient les femmes. L'un
des dits voleurs qui était sergent fut pendu à Fontenay. »
Voilà donc l'origine de...
Pour écouter la chanson et lire la suite:
Les trente voleurs by Dastumla
Les trente voleurs by Dastumla
...Voilà donc l'origine de notre complainte dont l'action se situe à
Bazoges en Pareds, toutes ces communes se situant dans le département
de Vendée. Bujeaud ajoute « qu'elle offre une grande
ressemblance avec la chanson nouvelle sur les regrets d'un voleur
nommé Caplanbou » exécuté à Toulouse la même année.
Le
texte consacré à Mandrin reprend donc parfois mot à mot celui
composé pour le sergent de Bazoges. De là à dire que notre chanson
de la semaine serait une version originale ! Ce serait faire
preuve d'un chauvinisme présomptueux. On retrouve cependant la même
construction qui fait dire au héros ses regrets sur le chemin de
l'échafaud. La ballade anglaise « Newlyn town » reprend
ce même thème : brigandage, arrestation et repentir.
Cette
histoire semble aussi très enjolivée. Rien de bien nouveau :
de Mandrin à Mesrine il y a toujours une tendance à voir dans le
truand un héros populaire victime de ses agissements contre les
possédants. Mais les exactions des soldats perdus des guerres de
cent ans et les crimes des grandes compagnies qui ruinaient les
campagnes ne se sont pas contentés de viser des rois, des reines ou
des "bonnets carrés"
Il
faut bien reconnaître que la médiatisation de la complainte de
Mandrin, depuis le 18ème siècle jusqu'à la variété contemporaine, a tenu
dans l'oubli cette complainte populaire de l'ouest. La seule version enregistrée des trente voleurs de Bazoges figure sur un 33 tours de Patrick Couton, (Iris WM30- 1977), disque aujourd'hui introuvable.
Les
trente voleurs
J’étions
assemblés trente
Trente
voleurs ensemble
Tous
habillés de blanc
Pour
voler les marchands
La
première des vol’ries
Qu’j’ont
fait dans notre vie
Mes
camarades et moi
J’avons
volé le roi
J’avons
été à Rennes
Pour
y voler la reine
La
reine y était pas
Avons
volé le roi
J’ont
enfoncé les portes
Les
gardes étions point fortes
Les
coffres à secrets
Je
les avons trouvés
J’ont
défoncé les coffres
Pour
y voler les robes
Des
robes, aussi de l’or
Le
sujet de nos morts
Nous
y fûmes à Nantes
A
Nantes au marché vendre
Vendre
à bien bon marché
C’qui
nous a rien coûté
Les
jurés de Bazoges
Avec
leurs grandes robes
Et
leurs bonnets carrés
Nous
ont bien mal jugés
Nous
ont jugés à pendre
Lundi,
sans plus attendre
Mardi
sans plus tarder
A
pendre ou à brûler
Si
j’avais cru ma femme
Ma
jeune, ma bonne femme
Mes
trois petits enfants
Je
s’rais riche marchand
Si
j’avais cru mon père
Mon
père aussi ma mère
Je
n’serais point ici
Dans
ce cachot maudit.
source
/ collecte :
Abel Soreau, à Machecoul, le 17 septembre 1894, auprès de Joseph
Orieux
interprète
: Bruno Nourry
catalogues :
Le voleur pendu [LAF 2 A 61] ; Nous étions vingt ou trente [COI]