Comment ?! Déjà 330 chansons
répertoriées dans ce blog et pas une seule fois celle des trois
canards ! LA chanson traditionnelle par excellence, la plus
interprétée, la plus collectée ici et ailleurs et probablement la
plus connue, sous tant de versions. Il était grand temps que nous
vous en proposions une. Le titre laisserait supposer qu'il s'agit de
la plus connue, celle qui a été popularisée via le chant scolaire
et enregistrée par de nombreux interprètes. Sans doute, mais au
moment où elle a été recueillie, ce n'était pas encore le cas.
Pour écouter la chanson et lire la
suite:
Il n'est pas question ici de faire une
analyse de ce texte énigmatique. D'autres s'y sont essayés, sans
trouver d'explications convaincantes. Quelle peut être l'origine de
cette chanson ? De quand date-t-elle ? Comment a-t-elle été
popularisée jusqu'à devenir cette rengaine universelle envahissant
tous les répertoires de la tradition orale ?
Toujours est-il que cette histoire
insignifiante, à première vue, est, de très loin, la plus présente
dans les collectes que ce soient celles lointaines des premiers
folkloristes ou, plus récentes, des chasseurs de sons parcourant les
campagnes armés de leurs enregistreurs à cassette. Pour vous donner
une idée de sa fréquence, sachez qu'en préparant notre premier CD
de la collection “en Loire-Atlantique”, consacré à la pratique
du chant à la marche (1), nous avions répertorié pas moins de 25
versions différentes sur notre territoire. Oui, 25 airs et refrains
différents pour des marches de noces, de conscrits ou tout
simplement pour accompagner les déplacements quotidiens. Sans parler
des chansons à danser et autres mélodies; un corpus qui s'est
encore enrichi depuis au fur et à mesure des fonds déposés. C'est
par centaines qu'il faut compter les variantes de ces canards dans
tout le répertoire francophone. Pour vous en convaincre, faites une
recherche dans la base dastumedia...et prévoyez un peu de temps si
vous voulez tout écouter.
Bref, il était temps que nous vous la
proposions, et pourquoi pas une des premières fois où elle a été
recueillie par un de ces érudits qui ont consacré tant de labeur à
sauvegarder, au 19è siècle, un patrimoine qu'ils jugeaient en
voie d'extinction ! De plus, c'est une des toutes premières chansons
notée par Abel Soreau, à Saint-Viaud, soit tout près de son lieu
de naissance.
Chanson à tout faire: de danse, de
marche, de travail...les trois canards ont été mis à toutes les
sauces. Le présent refrain sous entend une chanson de conscrits;
peut-être de celles entonnées pas les jeunes se rendant ou revenant
du conseil de révision, qui se déroulait le plus souvent au chef
lieu de canton et impliquait donc un déplacement. Ce tambour qui bat
est moins souvent associé au bon vent, qui souffle plus fréquemment
dans le sens du retour vers la bien aimée.
Ma mie m'appelle / ma mie m'attend
N'attendez pas plus de nous, justement,
dans le commentaire de ce texte avec lequel ont peut tout imaginer.
Au premier degré ce pourrait être une dénonciation de l'abus du
droit de chasse des puissants qui fut un des déclencheurs de la
révolution. Au second degré, on y trouvera certainement un symbole
d'abus sexuel de la part du fils du roi; ces gens là se croient tout
permis. Au troisième degré...et plus si affinités avec la
psychanalyse, tout est encore possible. Les interprétations ne
manquent pas pour cette aventure au déroulement quasi immuable, si
ce n'est des façons différentes d'utiliser l'or et l'argent selon
les derniers couplets. Par exemple, dans cette version le fils du roi
offre un bijou en dédommagement.
Le canard blanc peut se prêter à
toutes les interprétations (dans tous les sens du terme). Il
conviendra aussi bien à ceux qui cherchent le sens profond des
paroles qu'à ceux qui n'ont besoin que de couplets pour accompagner
la marche ou la danse. Il sera entonné aussi bien par les enfants de
l'école primaire que par leurs grands parents. Aussi bien par les
chasseurs que par les défenseurs des animaux. C'est un sujet
inépuisable et d'ailleurs nous ne nous priverons pas d'y puiser
encore notre inspiration. Si ce canard vous a laissé sur votre faim,
il reviendra bientôt au menu.
Note
1 – toujours disponible; il suffit de
demander (voir rubrique nos éditions)
interprète: Janig Juteau,
réponses: Barberine Blaise
source: Vieilles chansons du
pays nantais, recueillies et transcrites par Abel Soreau – 4ème
fascicule (1904) , chanson n° 40 – chantée à Saint Viaud (44)
par Pierre Loirat, le 8 mai 1864.
catalogue P. Coirault: Le canard
blanc (lyriques - 00102)
catalogue C. Laforte: Trois
beaux canards (I, B-7)
Refrain:
V'là l'bon vent, v'là l'joli vent!
V'là l'bon vent, le tambour m'appelle;
V'là l'bon vent, v'là l'joli vent!
Pour partir au régiment!
Derrière chez nous y'a-t-un étang
(bis)
Il est plus profond qu'il n'est grand
Trois beaux canards s'y vont baignant;
N'y en a deux noirs, n'y en a un blanc
Le fils du roy, par là chassant,
Avait son beau fusil d'argent
Visa le noir, tua le blanc;
Le fils du roy est bien méchant!
Il a tué mon canard blanc,
Qui nageait là, dessus l'étang
Par les oreilles il sort du sang,
Et par les yeux des diamants.
Toutes les plumes s'envolent au
vent;
Les gens s'en vont les ramassant.
J'n'ai plus meshui mon canard blanc
J'n'ai plus que les deux noirs à
présent
Le fils du roy lui dit en riant:
Ne pleurez pas ma belle enfant.
En place de votre beau canard blanc
Recevez ce collier d'argent !
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