Avec
une entrée en matière qui nous annonce l'arrivée d'un navire dans
le port de Méan, on s'attend à ce qu'il soit chargé de blé et que
des dames aillent le marchander. Pas du tout ! C'est une toute
autre histoire qui débute ainsi. Une histoire d'amour doublée d'un
suspense insoutenable : les amoureux seront-ils enfin réunis ?
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
La
publication des bans, c'est à dire la publicité préalable au
mariage, avant d'être un acte civil était déjà imposée par
l’Église comme moyen d'éviter les mariages forcés et trop
rapides ou entre parents trop proches. C'est, par exemple, le thème
du « Barbier de Séville » de Beaumarchais. Dans notre
chanson, c'est bien de cela qu'il s'agit : la fille est en passe
d'être mariée contre son gré.
Dans
cette version recueillie au 19è siècle par Gustave Clétiez en pays
guérandais, la raison du mariage forcé est traitée un peu trop
rapidement. Habituellement, le texte de l'empêchement des bans
comporte un épisode supplémentaire. Le galant rencontre sa bien
aimée qui lui explique que si elle a été fiancée c'est contre son
gré
Fille
fiancée que je suis, ma mère en est la cause (1)
ou même
Fiancée
je la suis, j'n'en sais pas davantage
ce
qui montre bien que les parents ne lui ont pas demandé son avis.
C'est elle qui demande au garçon d'y mettre empêchement. Il arrive
que celui ci fasse durer le suspense :
Si
c'est rendu à ce point là, empêchement n'y mettrais pas
Les
mariages forcés ou arrangés étaient-ils plus fréquents chez les
gens riches ? C'est probable en raison des intérêts financiers
en jeu. La chanson nous décrit souvent un riche galant allant
voir sa mie à cheval et avec l'épée au coté.
Pourquoi
la chanson est elle localisée à Méan, zone portuaire de Saint
Nazaire ? Fernand Guériff, qui l'a publiée dans le premier
tome de ses chansons du pays de Guérande, précise : « le
nom de ville est interchangeable. On peut dire à Lorient ou à
Dinan... ». Parmi toutes les versions qui situent l'action dans
un endroit particulier beaucoup semblent dériver d'une forme
ancienne populaire au milieu du 18è siècle, selon P. Coirault :
En
revenant de St Germain passant par la Rochelle
Toujours
est-il que La Rochelle revient fréquemment, mais aussi Bordeaux,
Lyon, Saint Quentin, Saint Denis, etc. Mais elle débute aussi
régulièrement par des formules du style :
Par
un matin me suis levé plus matin que ma tante, (ou que la lune, ou
que de coutume...)
L'incipit
de cette chanson est pourtant bien moins intéressant que sa
conclusion qui aboutit toujours à une sentence justifiant
l'empêchement. Le curé se plaint d'être importuné par un insolent
ou bien demande s'il est de ses parents avant de découvrir qu'il est
le véritable amant de la fille.
S'il
y a sept ans que vous fréquentez il est bien temps de vous marier
D'ailleurs
il serait plus que temps de régulariser la situation si ces amours
durent, comme ici, depuis quinze ans. La chanson se termine avec
l'offre d'éléments symboliques : anneaux, rubans... Le ruban
blanc est un symbole d'engagement et de fidélité (2).
Un
commentaire pour finir ? Cela ne vous aura pas échappé :
pour une fois nous avons une chanson d'amour qui finit bien !
NB :
cette chanson a aussi été enregistrée sur notre CD « Saint
Nazaire en chansons » dont quelques exemplaires sont encore
disponibles pour une somme on ne peut plus modique (Pourquoi s'en
priver ? Voir page « nos éditions »). Elle y est
chantée par Marc Clérivet.
Notes
1
– dans: Angelina Duplessix, chansons et contes de Haute-Bretagne
(Dastum, La Boueze, PUR – 2015). Le père est aussi souvent mis en
cause. Il lui arrive même de dialoguer avec le garçon. Les autres
extraits cités proviennent des collectes de Barbillat, Guéraud ,
Garneret, Coirault...et de chansons disponibles sur la base
Dastumedia.
2
- Aujourd'hui porter un ruban blanc est associé à d'autres causes
notamment la défense contre les violences faites aux femmes
interprète :
Jeannette Lebastard
source :
répertoire recueilli par G. Clétiez – publié par Fernand Gueriff
dans le volume 1 du « Trésor des chants populaires
folkloriques du pays de Guérande », page 128 (1983)
Catalogue
P. Coirault : L’empêchement des bans (Traverses - N°
1432)
Catalogue
C. Laforte : Les bans (2-B-62)
A
Méan il vient d’arriver un fort joli navire (bis)
Les
nouvelles y sont apportées
La,
la, la, la, la, la, la, la, la
Les
nouvelles y sont apportées
Que
ma mie vient d’se fiancer
Se
fiancer, assurément, malheureuse journée (bis)
Ce
s’ra dimanche, le premier ban
La,
la, la, la, la, la, la, la, la
Je
vais y mettre empêchement
Voici
le dimanche arrivé, le curé monte en chaire (bis)
Ecoutez
bien, petits et grands…
Je
vais vous annoncer les bans
Et
son amant qui était là s’approche de la chaire (bis)
Ah,
ne publiez pas les bans…
Je
viens y mettre empêchement
Il
y a quinze ans que je l’aimais et que je l’aime encore (bis)
Il
y a quinze ans que vous l’aimez…
Il
est juste que vous l’ayez
Ce
s’ra demain foire à Méan, que donnerai-je à ma mie (bis)
J’apporterai
un ruban blanc…
Nos
cœurs seront unis dedans
Que
ferez-vous de ce ruban, ma très chère maîtresse (bis)
Il
ornera mes blonds cheveux…
Quand
nous serons unis tous deux.
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