vendredi 1 décembre 2017

226 – Le crime du Pont du Cens

Attention ! Cœurs sensibles et oreilles délicates, éloignez vous. Nous renouons aujourd'hui avec une tradition sanguinolente et vindicative : la complainte criminelle. Nous avons déjà tout dit sur ces feuilles volantes qui diffusaient dans le bon peuple des résumés d'affaires sur le thème crime et châtiment. La radio puis la télévision on porté un coup définitif à ce média populaire.
L'affaire qui nous occupe aujourd'hui ne remonte qu'à 1929. Elle utilise un air connu, œuvre de M . Eugène Feautrier à qui Théodore Botrel doit une grande partie de son succès. Le timbre de la Paimpolaise a sans doute été le plus utilisé au 20è siècle, comme l'air de Fualdès le fut au 19è. Plus que sur la musique c'est sur certains détails troublants que nous allons nous attarder, avant de donner aux amateurs de ces complaintes une bonne adresse.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Ce petit meurtre en famille s'est déroulé dans une villa du nom de « Ker Chéchette », située dans le quartier du Pont du Cens, au nord de l'agglomération nantaise. C'est un secteur agréable et verdoyant, sans problèmes particuliers, si ce n'est que le nombre de faits divers sanglants commis dans un rayon de 2 km y bat tous les records. Souvenez vous :
En 2011 on découvre les corps de cinq membres d'une même famille, mère et enfants, enterrés dans le jardin d'une maison. Le père, M. Dupont de Ligonnès, lui aussi disparu, n'a toujours pas été retrouvé. Cette affaire continue d'alimenter périodiquement la presse locale.
En 2016 les quatre personnes de la famille Troadec sont tués, dépecés et dispersés par un parent, pour une sombre affaire d'héritage. Toutes les chaînes de télé nationales ont suivi le drame. (1)
Tout cela, comme le crime de notre chanson, se passe dans ce même environnement, traversé par un charmant ruisseau, le Cens, qui se jette tout près de là, dans l'Erdre. C'est d'ailleurs dans cette rivière que Louis Moreau, l'auteur du crime, avoue avoir jeté la tête de son cousin Emile Ordonneau dont le corps a été retrouvé dans un puits de la rue Félix Vincent.
L'Erdre, jolie rivière qui rejoint la Loire à Nantes, est aussi le lieu d'un autre fait divers que nous avons chanté dans ce blog (chanson n°79 en novembre 2014). Là encore le meurtrier et sa victime étaient cousins. On ne sort toujours pas du cadre familial.
Si on veut pousser les investigations un peu plus loin, on retrouve dans nos archives sonores plusieurs versions de la complainte de l'infanticide dénoncée par sa voisine où il est question de jeter l'enfant « dans la rivière de l'Erdre ». Certes, il ne s'agit que de versions locales d'une habitude hélas trop répandue jadis de se débarrasser de nouveaux-nés non désirés en les noyant ; coutume qui remonte au moins aux temps bibliques (2).
Bref, pour un quartier tranquille, le Pont du Cens ne manque pas d'animation. Quand on pense que certains d'entre nous, à Dastum 44, y ont vécu ou y habitent encore ! Ça fait froid dans le dos.
Justement, amateurs de frissons et de complaintes criminelles, nous ne saurions trop vous conseiller d'aller vous documenter sur le site Criminocorpus. « musée d'histoire de la justice, des crimes et des peines ». Ce site héberge le recensement des complaintes criminelles effectué par « Maxou » Heintzein. Ce sont plusieurs centaines de chansons sur feuilles volantes qui y sont répertoriées et documentées avec textes et journaux d'époque.
Vous y retrouverez les complaintes que nous avons déjà interprétées (3), et pour celle ci, les détails du procès que les paroles de la chanson suivent plus ou moins fidèlement.
A bientôt pour de nouvelles aventures.

notes
1 - une chanson sur ce sujet a été récemment composée et chantée par Eva Guillorel, une spécialiste de ces complaintes. Elle a été récompensée lors de la dernière bogue d'or à Redon.
2 – Moïse ! Mais lui au moins s'en est bien sorti.
3 – le crime de Bois vert (n°118 – septembre 2015) ) le mystère de l'Erdre (n° 79 – novembre 2014)

interprète : Jean-Louis Auneau
source : extrait de la thèse de Vincent Morel sur les complaintes criminelles en Haute-Bretagne (1995) – d'après une feuille volante imprimée en 1929 – auteur des paroles : Daran

Le mystère de l'homme sans tête
Les aveux de l'assassin
Complainte à ce sujet
air : la paimpolaise
Titre de l'Ouest-Eclair - source: BnF / Gallica

Approchez-vous Messieurs, Mesdames
Venez entendre le récit
D'un crime commis par un infâme
Un scélérat, un vil bandit
Qui a froidement
Tué son parent,
Et dans toute la région nantaise
Quand fut connue l'arrestation
Du coupable, l'on fut plus à l'aise
Et calma de suite l'opinion

Dans un village près de Nantes,
Parmi la verdure et les fleurs,
S'élèvent des villas charmantes
Et c'est dans ce site enchanteur
Baigné par le Cens
Qui coule lentement
Que l'on fit l'horrible découverte
Au fonds d'un puits abandonné
Croupissant dans l'eau toute verte
D'un cadavre décapité

L'on fit une rapide enquête
Qui, habilement dirigée,
Donna satisfaction complète.
L'assassin fut vite arrêté
Au grand soulagement
Des braves habitants
De cette contrée magnifique
Gens paisibles, sobres et travailleurs
Que le geste d'une brute alcoolique
Avait jetés dans la terreur

Ne pouvant nier l'évidence
Le meurtrier fit des aveux
En alléguant pour sa défense
Sachant que sa tête est en jeu
Qu'il fut assailli
Chez lui dans la nuit
Et que ce fut pour se défendre
Qu'il frappa sur son agresseur
Avec un marteau sans attendre
Ce que voulait ce visiteur

Au jour il vit que sa victime
N'était autre que son cousin
Jeune homme jouissant de l'estime
Considéré par ses voisins
Et le meurtrier
Fut épouvanté
Il ne songea qu'à se défaire
Du cadavre de son parent
Qui gisait maintenant à terre
Dans une large mare de sang.

Il eut une complice docile
Qui l'aida efficacement
Ce fut sa maîtresse, femme habile
Très attachée à son amant
Qui pour le sauver
Lui donna l'idée
De transporter de Ker Chéchette
Le cadavre par trop encombrant
Le puits serait sûre cachette
On le transporterait nuitamment

Imaginez l'étrange scène
Con,statez le calme étonnant
Avec lequel cette sirène
Découpa le corps pantelant
Frappant sur une faulx
A l'aide d'un marteau
Son amant la regardait faire
L’œil hagard et le corps tremblant
Puisse-tu exécrable sorcière
Subir un pareil châtiment

Et maintenant que la justice
Tient les coupables, soyons confiants
sans crainte attendons qu'on punisse
De pareils monstres car il est temps
Enfin d'arrêter
De pareils forfaits
Que ce couple de bourreaux infâmes
Connaisse le suprême châtiment
Sans pitié pour l'homme et la femme
Tous deux coupables également



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