Attention ! Cœurs sensibles et
oreilles délicates, éloignez vous. Nous renouons aujourd'hui avec
une tradition sanguinolente et vindicative : la complainte
criminelle. Nous avons déjà tout dit sur ces feuilles volantes qui
diffusaient dans le bon peuple des résumés d'affaires sur le thème
crime et châtiment. La radio puis la télévision on porté
un coup définitif à ce média populaire.
L'affaire qui nous occupe aujourd'hui
ne remonte qu'à 1929. Elle utilise un air connu, œuvre de M .
Eugène Feautrier à qui Théodore Botrel doit une grande partie de
son succès. Le timbre de la Paimpolaise a sans doute été le plus
utilisé au 20è siècle, comme l'air de Fualdès le fut au 19è.
Plus que sur la musique c'est sur certains détails troublants que
nous allons nous attarder, avant de donner aux amateurs de ces
complaintes une bonne adresse.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Ce petit meurtre en famille s'est
déroulé dans une villa du nom de « Ker Chéchette »,
située dans le quartier du Pont du Cens, au nord de l'agglomération
nantaise. C'est un secteur agréable et verdoyant, sans problèmes
particuliers, si ce n'est que le nombre de faits divers sanglants
commis dans un rayon de 2 km y bat tous les records. Souvenez vous :
En 2011 on découvre les corps de cinq
membres d'une même famille, mère et enfants, enterrés dans le
jardin d'une maison. Le père, M. Dupont de Ligonnès, lui aussi
disparu, n'a toujours pas été retrouvé. Cette affaire continue
d'alimenter périodiquement la presse locale.
En 2016 les quatre personnes de la
famille Troadec sont tués, dépecés et dispersés par un parent,
pour une sombre affaire d'héritage. Toutes les chaînes de télé
nationales ont suivi le drame. (1)
Tout cela, comme le crime de notre
chanson, se passe dans ce même environnement, traversé par un
charmant ruisseau, le Cens, qui se jette tout près de là, dans
l'Erdre. C'est d'ailleurs dans cette rivière que Louis Moreau,
l'auteur du crime, avoue avoir jeté la tête de son cousin Emile
Ordonneau dont le corps a été retrouvé dans un puits de la rue
Félix Vincent.
L'Erdre, jolie rivière qui rejoint la
Loire à Nantes, est aussi le lieu d'un autre fait divers que nous
avons chanté dans ce blog (chanson n°79 en novembre 2014). Là
encore le meurtrier et sa victime étaient cousins. On ne sort
toujours pas du cadre familial.
Si on veut pousser les investigations
un peu plus loin, on retrouve dans nos archives sonores plusieurs
versions de la complainte de l'infanticide dénoncée par sa
voisine où il est question de jeter l'enfant « dans la
rivière de l'Erdre ». Certes, il ne s'agit que de versions
locales d'une habitude hélas trop répandue jadis de se débarrasser
de nouveaux-nés non désirés en les noyant ; coutume qui
remonte au moins aux temps bibliques (2).
Bref, pour un quartier tranquille, le
Pont du Cens ne manque pas d'animation. Quand on pense que certains
d'entre nous, à Dastum 44, y ont vécu ou y habitent encore !
Ça fait froid dans le dos.
Justement, amateurs de frissons et de
complaintes criminelles, nous ne saurions trop vous conseiller
d'aller vous documenter sur le site Criminocorpus. « musée
d'histoire de la justice, des crimes et des peines ». Ce site
héberge le recensement des complaintes criminelles effectué par
« Maxou » Heintzein. Ce sont plusieurs centaines de
chansons sur feuilles volantes qui y sont répertoriées et
documentées avec textes et journaux d'époque.
Vous y retrouverez les complaintes que
nous avons déjà interprétées (3), et pour celle ci, les détails
du procès que les paroles de la chanson suivent plus ou moins
fidèlement.
A bientôt pour de nouvelles aventures.
notes
1 - une chanson sur ce sujet a été
récemment composée et chantée par Eva Guillorel, une spécialiste
de ces complaintes. Elle a été récompensée lors de la dernière
bogue d'or à Redon.
2 – Moïse ! Mais lui au moins
s'en est bien sorti.
3 – le crime de Bois vert (n°118 –
septembre 2015) ) le mystère de l'Erdre (n° 79 – novembre 2014)
interprète : Jean-Louis
Auneau
source : extrait de la
thèse de Vincent Morel sur les complaintes criminelles en
Haute-Bretagne (1995) – d'après une feuille volante imprimée en
1929 – auteur des paroles : Daran
Le mystère de l'homme sans tête
Les aveux de l'assassin
Complainte à ce
sujet
air : la paimpolaise
Titre de l'Ouest-Eclair - source: BnF / Gallica |
Approchez-vous Messieurs, Mesdames
Venez entendre le récit
D'un crime commis par un infâme
Un scélérat, un vil bandit
Qui a froidement
Tué son parent,
Et dans toute la région nantaise
Quand fut connue l'arrestation
Du coupable, l'on fut plus à l'aise
Et calma de suite l'opinion
Dans un village près de Nantes,
Parmi la verdure et les fleurs,
S'élèvent des villas charmantes
Et c'est dans ce site enchanteur
Baigné par le Cens
Qui coule lentement
Que l'on fit l'horrible découverte
Au fonds d'un puits abandonné
Croupissant dans l'eau toute verte
D'un cadavre décapité
L'on fit une rapide enquête
Qui, habilement dirigée,
Donna satisfaction complète.
L'assassin fut vite arrêté
Au grand soulagement
Des braves habitants
De cette contrée magnifique
Gens paisibles, sobres et travailleurs
Que le geste d'une brute alcoolique
Avait jetés dans la terreur
Ne pouvant nier l'évidence
Le meurtrier fit des aveux
En alléguant pour sa défense
Sachant que sa tête est en jeu
Qu'il fut assailli
Chez lui dans la nuit
Et que ce fut pour se défendre
Qu'il frappa sur son agresseur
Avec un marteau sans attendre
Ce que voulait ce visiteur
Au jour il vit que sa victime
N'était autre que son cousin
Jeune homme jouissant de l'estime
Considéré par ses voisins
Et le meurtrier
Fut épouvanté
Il ne songea qu'à se défaire
Du cadavre de son parent
Qui gisait maintenant à terre
Dans une large mare de sang.
Il eut une complice docile
Qui l'aida efficacement
Ce fut sa maîtresse, femme habile
Très attachée à son amant
Qui pour le sauver
Lui donna l'idée
De transporter de Ker Chéchette
Le cadavre par trop encombrant
Le puits serait sûre cachette
On le transporterait nuitamment
Imaginez l'étrange scène
Con,statez le calme étonnant
Avec lequel cette sirène
Découpa le corps pantelant
Frappant sur une faulx
A l'aide d'un marteau
Son amant la regardait faire
L’œil hagard et le corps tremblant
Puisse-tu exécrable sorcière
Subir un pareil châtiment
Et maintenant que la justice
Tient les coupables, soyons confiants
sans crainte attendons qu'on punisse
De pareils monstres car il est temps
Enfin d'arrêter
De pareils forfaits
Que ce couple de bourreaux infâmes
Connaisse le suprême châtiment
Sans pitié pour l'homme et la femme
Tous deux coupables également
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