Les semaines se
suivent et ne se ressemblent pas ; Les chansons et les filles
non plus. Nous passons de celle qui était pressée de se marier à
celle qui le regrette. Il faut dire que nous avons là le résultat
d'un de ces mariages arrangés dans l'intérêt des parents plutôt
que dans celui de la fille. Mariage d'argent ou mariage d'amour ?
La chanson permet de se moquer de situations sans doute trop
fréquentes en revalorisant les sentiments par rapport à la
richesse.
Cette chanson, pas
si courante dans la tradition, fait partie des petits trésors
découverts par Jean Tricoire dans le pays de Chateaubriant.
L'original, enregistré dans les années 60, n'étant pas de
suffisamment bonne qualité pour être inclus dans le CD en
préparation (1), nous avons choisi de le réinterpréter pour vous.
Pour écouter la
chanson et lire la suite :
Parmi le grand
nombre de chansons de maumariées (mal mariées) il en existe
une ribambelle qui se plaignent de la trop grande différence d'âge.
Dans une société où l'espérance de vie était bien inférieure à
la nôtre, le terme vieillard ne désigne pas forcément un élément
du troisième âge. Du point de vue de la jeune fille, cette
vieillesse se compare surtout aux jeunes amoureux auxquels elle
aurait pu prétendre. D'ailleurs, loin de se résigner, la maumariée
s'ingénie souvent à faire cocu son vieux mari. Celle ci quitte
carrément le domicile conjugal pour aller s'offrir à son amant.
Le point de départ
de toute l'affaire c'est que l'argent n'est pas un remède au mal
d'amour. Si la chanteuse croit bon de préciser que le vieux bonhomme
n'est pas à son gré, l'argument principal de cette chanson c'est
qu'il n'entend pas le jeu d'aimer. C'est ainsi que débutent
souvent les doléances dans les autres versions connues. Car si nous
avons à faire à un texte peu courant, d'autres collectages ont
permis de retrouver des détails qui précisent un peu la situation.
Nous compléterons donc cette histoire avec les textes notés en pays
guérandais par Guériff, ainsi qu'en d'autres régions (2).
Il dort, il ronfle
et la réveille au point du jour. Dans la chanson notée à Guérande
la belle répond :
Comment voulez
vous que je m'y lève
Je suis pucelle
auprès de vous
Elle le quitte donc
pour retrouver son jeune amant du temps passé à qui elle offre son
cœur (cœur volage ou pucelage) après un simulacre d'enchères
inversées dont le montant descend très rapidement. Cette
transaction est plus facile à comprendre dans l'une des versions
notées par Achille Millien :
J'en ai refusé
cinq cent mille
A vous je le
laisse pour cinq sous
Ce n'est donc pas,
comme ici, l'amant qui marchande mais bien la fille qui rejette la
richesse du vieux mari pour les sentiments de celui qui connaît
bien le jeu d'aimer.
Moins prude que la
version castelbriantaise, l'une de ces chansons nivernaises ajoute ce
couplet qui fait intervenir directement l'amant :
Moi qui étais
garçon bon drôle
oh je la prends
je la renverse
et l'embrasse
cinq ou six coups
Embrassons nous
encore un coup
voilà le jeu
d'amour
Et le mot de la fin
est pour la chanteuse collectée par François Redhon dans le nord de
la Mayenne (3) :
Ton cher époux
serait jaloux
S'il est jaloux
il sera coucou et moi je m'en fous
Notes
1 – dans la
collection « Bretagne des pays » éditée par Dastum –
sortie prévue mi septembre 2017
2 – Fernand
Guériff, T.1 page 154, collecte de Gustave Clétiez – pour le
Nivernais : Millien T.3 page 240 – pour l'Anjou et la Mayenne,
collectes de F. Simon et F. Redhon
3 – Ecoutez gens
de la Mayenne – édition Mayenne culture / Aedam musicae 2016 –
page 181, chanson de Mme Duval, de Champéon
interprète :
Janig Juteau
source:
Mélanie Létang de Soudan (44) enregistrée le 4 février 1964 par
Jean Tricoire
catalogue P.
Coirault : L’épouse du vieillard qui offre son pucelage à
son ami (Maumariées aux vieillards – N° 05720)
Mon père n’avait
que moi de fille
Mon père n’avait
que moi de fille
Encore veut-il m’y
marier
Avec un vieillard
bonhomme
Qui n’est point du
tout à mon gré
C’est bien la
vérité
Toutes les nuits il
dort, il ronfle
Et moi je ne fais
que pleurer
Encore vient-il me
dire
Belle, levez-vous,
car il est jour
Voici le point du
jour
La belle fit tous
ses bagages
Et chez son père,
elle s’en alla
Dans son chemin
rencontre
Son bel amant du
temps passé
Qu’son cœur avait
tant aimé
Où allez-vous ma
jeune dame
Où allez-vous avant
le jour ?
Je vas,
répondit-elle
Mon cœur à vendre,
mon bel amant, le voulez-vous
Me
l’achèteriez-vous ?
A une autre j’en
donn’rais cinq cent mille
Mais à vous j’n’en
donn’rais pas cinq sous
Car ça n’est pas
grand-chose
De cinq à quatre,
de quatre à trois, de trois à deux, de deux à un
De un à rien du
tout.
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