A
mi parcours entre la Saint Valentin - fête des fleuristes autant que
celle des amoureux – et la Sainte Aimée voici un texte tout à
fait d'actualité. Cette magnifique chanson d'amour au langage
printanier a été entendue souvent chez les chanteurs de tradition,
en Bretagne ou ailleurs.
Ce
dialogue entre un Monsieur et une fille du peuple s'inscrit dans la
lignée des bergeries qui ont fleuri (1) tout au long du
18ème siècle. Bergères, meunières, jardinières...rêvant au
prince charmant y sont courtisées par un Monsieur, noble ou
bourgeois, qui leur propose d'échapper à leur condition et de
trouver l'amour. Ces chansons sont fort nombreuses mais peu
atteignent l'intérêt poétique et mélodique de celle ci.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Les
échanges entre ces jeunes filles et leurs amoureux ne finissent pas
toujours aussi bien. Les fins heureuses (2) sont même minoritaires
tant est grande la propension des bergères à se payer la tête des
séducteurs. Pour sauver la morale elles préfèrent souvent leur
berger ou leur garçon jardinier, et renvoient l'importun...sur les
roses. Ici ce sont, œillets, jasmin et giroflée qui ponctuent le
dialogue. Une progression bien choisie car si l’œillet peut avoir
plusieurs sens dans le langage des fleurs, les deux autres
symbolisent la passion et la fidélité !
Mme
Bliguet, qui avait chanté cette chanson à Pierre Guillard, se
prénommait elle même Aimée. Elle ne nous parle que d'une « jeune
beauté ». Mais si le titre générique de la chanson peut
aujourd'hui surprendre en raison du sens péjoratif donné à
« catin », il n'est rien d'autre ici qu'un diminutif
affectueux de Catherine. Pour avoir recherché d'autres versions de
cette chanson nous avons pu constater que Catin n'est pas la seule à
en avoir les honneurs. Nous avons rencontré : Cadin, Cadette,
Badin, Eugénie, Louise, Olympe et Isabeau ; liste non
définitive.
Entré
chez la fleuriste pour acheter un bouquet, le prince charmant est
tombé amoureux des beaux yeux bleus de la vendeuse. Ce serait la
version modernisée de cette romance. Même si on aura sans doute du
mal à entendre aujourd'hui un :
vos
beaux yeux remplis de feu j'en deviens amoureux (3)
de
même que :
voudrais-tu
en ce jour y accomplir nos amours
qui
se chante parfois :
venir
dans ma cour pour y rester quelques jours
et
beaucoup plus si affinités. C'est donc logiquement par un mariage
que finira la chanson, l’héroïne plébéienne devenant :
dame
d’honneur... femme d’un grand seigneur
Que
de beaux sentiments amoureux !. Mais il nous faut maintenant
vous avertir : si vous souhaitez rester dans cette ambiance
idéale ne lisez pas le paragraphe suivant.
Bon, on vous aura prévenu. Force est de constater qu'un argument
imparable vient emporter la décision de la jardinière :
voilà
un diamant qui vaut mille francs
Le
dernier couplet n'est qu'un touchant adieu au jardin dont la valeur
sentimentale est loin atteindre celle du diamant. Pour preuve cette
version, unique certes, où la jeune fille résiste à son amoureux :
Car tous les amants et tous les serments durent peu de temps
celui
que je veux épouser sera mon jardinier
Il
est vrai que dans cette version franc-comtoise (4) le séducteur n'a
pas de diamant à offrir et se contente de promettre : donnes
moi ton cœur, je ferai ton bonheur.
Vous
trouvez cette conclusion un peu cynique ? Mais peut on reprocher
à la jardinière d'avoir la tête sur les épaules quand on voit les
conséquences de l'inconduite des belles de nos deux chansons
précédentes, prêtes à suivre le premier godelureau ou militaire de
passage ?
notes
1
– Facile le jeu de mots !
2
– « happy end » en langage hollywoodien
3
– texte de la version notée par Albert Poulain à Saint Just (35)
4
- publiée par Jean Garneret dans « chansons populaires
Comtoise, volume 3 » (1985)
interprètes :
Nolwenn Le Dissez et Hugo Aribart
source :
collectage
de Pierre Guillard chez Aimée
Bliguet, à Teillé (44), le 21 février 1986 - version complétée
par une version recueillie par Charles Quimbert auprès de Thérèse
Voland
catalogue
P. Coirault :
3918 la charmante Catin
Catalogue
C. Laforte :
III,A-4, la fille d'un jardinier
Charmante
Catin
Que
fais-tu là, jeune beauté, que fais-tu auprès de tes bouquets (bis)
J’ai
cueilli la fleur de mille couleurs pour mon serviteur
La
belle, voudrais-tu m’en donner, de tes fleurs, de tes bouquets
La
belle, de tes charmants œillets, voudrais-tu m’en faire un bouquet
(bis)
Entrez,
mon beau monsieur, vous en choisirez de beaux et de bien faits
Laquelle
est-elle, à vos yeux, la fleur qui vous plaira le mieux
Mais
ce n’est pas ton jasmin que j’admire dans ton jardin
Mais
ce n’est pas ta giroflée qui, ici, m’a l’mieux charmé
Ce
sont tes beaux yeux, couleurs des cieux, qui me plaisent le mieux
La
belle, voudrais-tu en ce jour y accomplir nos amours
Mais
oui, la belle, je t’épous’rai, là, si tu voulais m’aimer
(bis)
Tiens,
voilà un diamant qui vaut mille francs, je t’en fais le présent
Et
je te ferai dame d’honneur, la femme d’un grand seigneur
Auparavant
de tout quitter, mon jardin, je veux saluer (bis)
Adieu
jasmin, adieu romarin, je vous quitte enfin
Adieu
toutes les fleurs du printemps que je quitte pour suivre mon amant
(bis).
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