lundi 4 juillet 2016

159 - Rossignolet sauvage

Du temps ou la Poste était encore un service public, elle avait choisi comme emblème un oiseau bleu, symbole de son rôle de messager (1). Son logo apparaissait sur tous les véhicules conduits par les préposés à l'acheminement du courrier. Si certains ont cru voir une hirondelle dans cet oiseau stylisé, la tradition a plutôt choisi d'autres volatiles pour la transmission des messages. Les chansons célèbrent essentiellement le rôle de l'alouette et du rossignol. Nous avons déjà plumé la première ; intéressons nous aujourd'hui au rôle du second. L'avantage avec l'oiseau des chansons c'est que la réponse du ou de la destinataire est immédiate, quoique pas toujours plaisante.
Pour écouter la chanson et lire la suite: 


Le garçon qui confie un message ou une commission au rossignol n'obtient que rarement une réponse satisfaisante. Malgré tous les talents musicaux du messager, la destinataire se montre rarement enthousiaste. Ce qui nous donne des répliques du genre :
J'en ai oublié bien d'autres
J'oublierai bien celui là
ou encore, lui reproche-t-elle de ne pas être venu lui même.
Et quand la belle veut bien avouer qu'elle pense à son amant c'est souvent pour douter de ses sentiments ou, comme ici, de son attitude. Sa fidélité est directement mise en cause et on lui reproche d'être un amuseur, un débaucheur ou un mépriseur de filles :
un débauché, un chercheur de querelle,
la nuit et le jour tu me laisserais en peine...
selon une version poitevine. Il faut dire que, dans certaines versions, l'ex-amant annonce bien fièrement :
je viens vous dire la belle que je suis marié
Et là, retournement de situation, c'est au tour du garçon de dire ses quatre vérités. La plus constante d'une chanson à l'autre c'est que les filles sont bien changeantes. Un jour elles vous aiment et le lendemain – parfois le soir même - il n'en est plus rien. La comparaison avec le moulin qui suit le sens du vent est une constante de toutes les chansons de ce type. Image forte du temps passé elle est parfois carrément remplacée par :
comme les girouettes qui sont sur les clochers,
dans des versions collectées en Saintonge. Bref, c'était censé être une chanson d'amour et ça se termine avec des arguments qui volent bas !
C'est parfois le rossignol lui même qui, dans son latin, exprime une opinion sur les filles qui ne valent rien. Comme tout messager doit rester neutre il s'empresse souvent d'ajouter que
les garçons encore biens moins.
La morale de cette histoire, si c'en est une, nous ramène encore une fois au cabaret où l'amoureux boit pour oublier que sa copine l'a laissé tomber...parce qu'il passait son temps à boire.

notes
1 – créé en 1960, il est encore présent aujourd'hui. Avant cette date le logo rappelait seulement l'existence des Pététés.

interprète : Annick Mousset
source : Le trésor des chansons populaires du pays de Guérande, volume II, de Fernand Guériff (p. 224) collectage : Fernand Guériff informateur : Georges Le Quimener, à Quimiac, le 5 août 1952
Catalogue P. Coirault : Le message de l’amuseur de filles (Messages – N° 00408)
Catalogue C. Laforte : Le message de l’amuseur de filles (II, N-08)


Rossignolet sauvage, oiseau du vert bocage
Voudrais-tu bien me porter une lettre
A ma maîtresse, celle que mon cœur aime

L’oiseau il prit la lettre, chez la belle il s’en va
Réveillez vous, si vous dormez, la belle
Pensez-vous à votre amant fidèle ?

J’ne dors ni ne sommeille, je pense à mon amant
J’l’ai toujours su, toujours entendu dire
Que vous n’étiez qu’un mépriseur de filles

Un mépriseur de filles, non, non, je ne suis pas
Si je rigole, je cause avec plaisir-e
C’est pour savoir la volonté des filles

La volonté des filles est bien mal à savoir
Allez le soir, elles diront qu’elles vous aiment
Le lendemain, c’est déjà plus de même

La volonté des filles est un moulin à vent
Là, quand il veut, le moulin tourne vite
Voilà comme est la volonté des filles

Allons, chers camarades, allons au cabaret
Là, nous trinqu’rons et nous boirons chopine
Et nous saurons la volonté des filles.


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