La chanson que nous vous proposons
cette semaine a été publiée dans le tome 4 des ouvrages de Fernand
Guériff, consacré en partie à la danse (1). Ce bal paludier a été
recueilli par Guériff auprès du cercle celtique des paludiers, à
Saillé. Pourtant, ce n'est pas vraiment une chanson traditionnelle.
Dans ce cas, nous direz vous, c'est
rudement bien imité. Nous avons là, en une dizaine de vers, un
véritable catalogue de la tradition francophone regroupant un
certain nombre d'images, voir de clichés présents dans plusieurs
chansons types. Cette simple coïncidence est déjà une indication
de la facture récente de ce texte. Le refrain inédit en est une
autre. Mais voyons tout cela en détail :
Si le début de la chanson pourrait
faire penser au navire merveilleux, la suite nous renvoie à l'histoire du petit navire : sept ans sans voir la terre.
Le troisième couplet est plus équivoque. Qu'entendez vous par :
mouillé son ancre ? Les dames de la côte ont adopté le
comportement de celles qui marchandent le blé, mais la transaction
ressemble plus à un épisode du petit mercelot : que vendez
vous...diamanteries. Enfin, c'est un oiseau familier des chansons
traditionnelles qui assure la fin de l'histoire. Il n'est pas dans
son rôle de messager des amoureux mais adopte une métaphore
sexuelle on ne peut plus claire.
Bref tous les ingrédients d'une bonne
chanson de tradition sont là, rassemblés par un connaisseur
talentueux. Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps.
Dans les temps où Guériff collectait
cette chanson, son auteur, Yvon Guilcher, la publiait dans un ouvrage
intitulé le livre des chansons à danser (2).Il y a compilé
130 chansons à répondre pour danser un grand nombre de rondes, de
la carole moyenâgeuse aux ronds de Saint Vincent ou d'Argenton en
passant par les bals ronds du pays de Guérande. Certaines sont issues de la tradition; d'autres sans plus de précisions, sont des arrangements ou des compositions.
Avant cette publication, la chanson
avait été enregistrée sur le 33 tours « Pré-folk – la
préhistoire du folk – chansons à répondre » rassemblant
Jean-François Dutertre avec Naïk Raviart, Mône Dufour et Yvon
Guilcher (3). Le répertoire est le même : des chansons à
danser dans la ronde interprétées à capella. Si la pochette est
assez avare d'information sur les sources, il suffit de consulter le
disque lui même pour constater que quatre des chansons sont dues au
fils de l'illustre ethno-musicologue Jean-Michel Guilcher. Celui ci a
d'ailleurs signé les commentaires de présentation où il explique,
à propos des compositions : « ...S'ils reproduisent des
versions reçues, il leur arrive aussi de transposer des textes
traditionnels sur des airs nouveaux...Ils ont si bien assimilé les
clichés de l'ancienne poésie populaire qu'ils en composent à
l'occasion des pièces entièrement nouvelles. Et cela avec assez de
bonheur pour que certaines, communiquées oralement, passent pour
déjà locales et anciennes dans les groupes qui les ont récemment
accueillies sans en connaître l'origine ».
Cette conclusion s'adapte fort bien à
l'adoption de notre chanson par le cercle des paludiers de Saillé.
La chanson est de qualité et présente beaucoup de similitudes avec
un texte traditionnel. On peut s'y laisser prendre. Y. Guilcher
explique lui même que certaines personnes chantant ses compositions
lui ont affirmé mordicus les tenir de la tradition orale et qu'il a
eu beaucoup de mal à les en faire démordre. Il n'a d'ailleurs
jamais cherché à en revendiquer la paternité et s'amuse de les
voir acquérir un statut de chanson traditionnelle.
notes
1 – faut il vous rappeler que c'est
Dastum 44 qui est responsable de cette édition, conjointement avec
le parc naturel régional de Brière ? Faut il encore ajouter
que vous pouvez vous le procurer en visitant la rubrique « nos
éditions » ?
2 – édité par l'ADP (atelier de la
danse populaire) dans la série « la recherche en danse »
en 1986
3 – C'est pas un disque ; c'est
une réunion de famille ! - Également sous titré « chansons
de tradition pour danser » – publié en 1973 EMI-Pathé
C062-12483 – C'est un garçon marinier : n°112 page 155.
interprètes : Janick Péniguel et Séverine Bourdeau
LE GARÇON MARINIER
C'est un garçon marinier, qu'a fait
faire un navire (bis)
Qu'a fait faire un navire, j'aime l'eau
le long de la la la
Le long de l'eau, le long de l'île,
j'aime la belle, le long de l'eau
Est resté près de sept ans sans
jamais voir la terre (bis)
Sans jamais voir la terre, j’aime
l’eau le long de la la la….
Au bout d'la septième année, il a
mouillé son ancre…
Toutes les dames du bord de l'eau sont
v'nues à son navire…
Que vendez-vous, marinier, lui dit la
plus jolie…
J'ai des robes de velou’ et des
diamanteries…
J'ai un doux rossignolet qui chante
jour et nuit(e)…
Au chant du rossignolet, la belle s'est
endormie…
Chante, beau rossignolet, t'auras ta
récompense…
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