vendredi 12 juin 2015

109 - Le chaudronnier dans le four

Dans les chansons traditionnelles, les galants dont les aventures amoureuses finissent de façon tragi-comique exercent souvent les mêmes professions. Pour les tailleurs ou les boulangers, la moquerie populaire est peut être une façon de se venger de professions soupçonnées, à tort ou à raison, de profiter de leur situation. Pour les marchants ambulants, comme notre chaudronnier, c'est aussi l'éternelle méfiance vis à vis des « voyageurs » qui s'exprime.
Cette chanson, issue des archives sonores de Loire-Atlantique est certainement une des plus complètes de ce type. Tous les détails de cette aventure fort ancienne (1) se retrouvent en partie dans d'autres versions (2). Plus d'un siècle après les premières collectes et près de trois cent ans après la première publication, la tradition orale nous restitue, mot pour mot, les détails de cette aventure.
pour écouter la chanson et lire la suite


Vous trouverez pour cette chanson d'autres sources enregistrées sur la base Dastum (3). En particulier une version interprétée à la Bogue en 79 par Gilbert Bourdin et Christian Dautel.
L'avantage de cette chanson c'est qu'elle est tout à fait explicite. La chaudière est percée et le chaudronnier y met une pièce. Pas besoin de faire un dessin !
La suite de l'histoire pose plus de questions. L'arrivée du père est elle fortuite ? Y'a-t-il une complicité entre le père et la fille ? On peut le supposer. Cette petite fable irait presque jusqu'à encourager des pratiques que la morale réprouve ? Sans aller jusqu'à prétendre que la fille fait commerce de ses charmes, il y a là une allusion à la légèreté des boulangères, que la chanson a souvent mis en lumière bien avant que Giono n'en fasse un roman.
Et nous en revenons à notre propos du début : qui est véritablement raillé dans cette histoire ? Le galant qui paye ses mœurs débauchées ou bien les boulangers souvent considérés par le peuple comme des spéculateurs ou des fraudeurs ?

Notes
1– déjà publiée par Ballard en 1717
2 – la comparaison se limite aux versions proposées en Berry par Barbillat et Touraine et en Nivernais par Millien. 7 couplets pour le premier, 9 pour le second.
3 – pour avoir accès à l'intégralité de la base Dastum (fichiers son), un identifiant et un mot de passe sont indispensables. Contactez nous pour plus d'informations.

source : archives sonores Dastum 44 – collectage de Patrick Bardoul, auprès de Joséphine Debray, au Grand Fougeray (35), en janvier 1981
interprète : Nolwenn Le Dissez
catalogues : Coirault 2011, Le chaudronnier dans le four – Laforte 2, O-68, le galant dans le four

LE CHAUDRONNIER DANS LE FOUR

Voulez-vous entendre une charmante histoire d'un garçon chaudronnier
Oh, il s'en va criant : aux poêles et aux chaudières
Je suis à tout faire, moi, je suis à tout faire

En ch’min rencontre la fille du boulanger
Oh, elle m'a dit : vous passez par chez nous
Les chaudières sont perceilles
Les anses sont défaites aussi, les anses sont défaites

Le chaudronnier, oh, il n'y a point manqué, les chaudières a raccommodées
Tout en tournant autour de la chaudière, un trou il a trouvé
Il faut une pièce, là, il faut une pièce

Tout en raccommodant la chaudière
Le chaudronnier, oh, il s'est écrié :
Je vis d'amourette, moi, je vis d’amourette

Si vous vouliez, nous coucherions ensemble
Nous serions très heureux
J'ai six cents francs, c'est une belle somme
Belle, je te les donne à toi, belle, je te les donne

La boulangère qu’était pas la plus sotte, les six cents francs elle prit
Au même instant le père frappe à la porte
Qu'on ouvre la porte à moi, qu'on ouvre la porte

Le chaudronnier ne sachant ce que faire dans le four s'est jeté
Il s'est écrié que l'amour est cruel
Je suis comme les chèvres, moi, je tremble sans fièvre

Le boulanger, il dit à sa servante de mettre l'eau à chauffer
Depuis le temps que je tourne et que j’vire
Il est temps que j'enfourne, moi, il est temps que j'enfourne

Le boulanger prit une pellée de braise, dans le four l'a jetée
Le chaudronnier, oh, il s'est écrié
J'ai le feu t’aux fesses, moi, j'ai le feu t’aux fesses

Que dirons t-ils, tous mes chers camarades, voyant mes pieds brûlés
Tu leur diras : pour l'amour d'une blonde
J'en tiens pour mon compte, moi, j'en tiens pour mon compte.


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