Dans les chansons traditionnelles, les
galants dont les aventures amoureuses finissent de façon
tragi-comique exercent souvent les mêmes professions. Pour les
tailleurs ou les boulangers, la moquerie populaire est peut être une
façon de se venger de professions soupçonnées, à tort ou à
raison, de profiter de leur situation. Pour les marchants ambulants,
comme notre chaudronnier, c'est aussi l'éternelle méfiance vis à
vis des « voyageurs » qui s'exprime.
Cette chanson, issue des archives
sonores de Loire-Atlantique est certainement une des plus complètes
de ce type. Tous les détails de cette aventure fort ancienne (1) se
retrouvent en partie dans d'autres versions (2). Plus d'un siècle
après les premières collectes et près de trois cent ans après la
première publication, la tradition orale nous restitue, mot pour
mot, les détails de cette aventure.
pour écouter la chanson et lire la suite
Vous trouverez pour cette chanson
d'autres sources enregistrées sur la base Dastum (3). En particulier
une version interprétée à la Bogue en 79 par Gilbert Bourdin et
Christian Dautel.
L'avantage de cette chanson c'est
qu'elle est tout à fait explicite. La chaudière est percée et le
chaudronnier y met une pièce. Pas besoin de faire un dessin !
La suite de l'histoire pose plus de
questions. L'arrivée du père est elle fortuite ? Y'a-t-il une
complicité entre le père et la fille ? On peut le supposer.
Cette petite fable irait presque jusqu'à encourager des pratiques
que la morale réprouve ? Sans aller jusqu'à prétendre que la
fille fait commerce de ses charmes, il y a là une allusion à la
légèreté des boulangères, que la chanson a souvent mis en lumière
bien avant que Giono n'en fasse un roman.
Et nous en revenons à notre propos du
début : qui est véritablement raillé dans cette histoire ?
Le galant qui paye ses mœurs débauchées ou bien les boulangers
souvent considérés par le peuple comme des spéculateurs ou des
fraudeurs ?
Notes
1– déjà publiée par Ballard en
1717
2 – la comparaison se limite aux
versions proposées en Berry par Barbillat et Touraine et en
Nivernais par Millien. 7 couplets pour le premier, 9 pour le second.
3 – pour avoir accès à
l'intégralité de la base Dastum (fichiers son), un identifiant et
un mot de passe sont indispensables. Contactez nous pour plus
d'informations.
source : archives sonores
Dastum 44 – collectage de Patrick Bardoul, auprès de Joséphine
Debray, au Grand Fougeray (35), en janvier 1981
interprète : Nolwenn Le
Dissez
catalogues : Coirault 2011,
Le chaudronnier dans le four – Laforte 2, O-68, le galant dans le
four
LE CHAUDRONNIER DANS LE FOUR
Voulez-vous entendre une charmante
histoire d'un garçon chaudronnier
Oh, il s'en va criant : aux poêles et
aux chaudières
Je suis à tout faire, moi, je suis à
tout faire
En ch’min rencontre la fille du
boulanger
Oh, elle m'a dit : vous passez par
chez nous
Les chaudières sont perceilles
Les anses sont défaites aussi, les
anses sont défaites
Le chaudronnier, oh, il n'y a point
manqué, les chaudières a raccommodées
Tout en tournant autour de la
chaudière, un trou il a trouvé
Il faut une pièce, là, il faut une
pièce
Tout en raccommodant la chaudière
Le chaudronnier, oh, il s'est écrié :
Je vis d'amourette, moi, je vis
d’amourette
Si vous vouliez, nous coucherions
ensemble
Nous serions très heureux
J'ai six cents francs, c'est une belle
somme
Belle, je te les donne à toi, belle,
je te les donne
La boulangère qu’était pas la plus
sotte, les six cents francs elle prit
Au même instant le père frappe à la
porte
Qu'on ouvre la porte à moi, qu'on
ouvre la porte
Le chaudronnier ne sachant ce que faire
dans le four s'est jeté
Il s'est écrié que l'amour est cruel
Je suis comme les chèvres, moi, je
tremble sans fièvre
Le boulanger, il dit à sa servante de
mettre l'eau à chauffer
Depuis le temps que je tourne et que
j’vire
Il est temps que j'enfourne, moi, il
est temps que j'enfourne
Le boulanger prit une pellée de
braise, dans le four l'a jetée
Le chaudronnier, oh, il s'est écrié
J'ai le feu t’aux fesses, moi, j'ai
le feu t’aux fesses
Que dirons t-ils, tous mes chers
camarades, voyant mes pieds brûlés
Tu leur diras : pour l'amour d'une
blonde
J'en tiens pour mon compte, moi, j'en
tiens pour mon compte.
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