Oh combien de
marins, combien de capitaines qui sont partis joyeux pour des courses
lointaines...sont venus faire de touchants adieux à leurs bien
aimées. La chanson a conservé ces dialogues avec Virginie,
Victoire, Eugénie, Isabeau, Marguerite ou Eleonore.
Si aujourd'hui la
seule incertitude sur le retour du galant est causée par un retard
éventuel d'un charter ou d'un TGV, le départ pour un long voyage
ressemblait jadis à un saut dans l'inconnu. La plupart de nos
ancêtres, jamais sortis des limites de leur canton, avaient tendance
à imaginer toutes sortes de périls. D'autant qu'ici ce sont les
aléas de la navigation qui sont en cause. Le canon qui gronde sur le
pont ne signifie pas obligatoirement que l'amant part pour la guerre.
La navigation au long cours, le commerce à la voile ou même la
pêche lointaine pouvant s'avérer tout aussi périlleux.
Bien que collectée
vers 1860, cette chanson conserve son intérêt, malgré les progrès
de la navigation.
écouter la chanson et lire la suite
Cette chanson,
publiée par Fernand Guériff dans deux de ses ouvrages (1), provient des
collectes de Gustave Clétiez, dont nous avons parlé les semaines
précédentes. La version la plus proche – géographiquement
parlant – des adieux à Eleonore se trouve dans les publications de
Guéraud, auxquelles nous faisons souvent référence. Mais, comme la
plupart des chansons du même type elle ne fait pas référence à la
navigation. Avant que les larmes n'y coulent à flot, l'amant se
contente de rappeler son serment de fidélité et jure qu'il
reviendra dans deux ans.
En fait notre
chanson est plus proche d'un autre type connu sous le titre
« Virginie les larmes aux yeux » où le garçon tente de
rassurer sa bien aimée en lui vantant ses qualités de marin :
« je connais le pilotage...je sais conduire mon vaisseau...je
ne crains pas les éléments... ». Aucune de ces deux chansons
ne semble liée à une région en particulier. Des versions de
Virginie ont été notées très loin des côtes : Alpes,
Jura...
Si on compare les
différentes versions la ressemblance de la notre autant avec
« Eleonore » qu'avec « Virginie » est
confortée par la versification :
Type Eleonore
(Coirault 2903) vers de 8 pieds ; assonances masculines sauf la
dernière
Type Virginie
(Coirault 3206) vers de 7 pieds ; alternance de deux
terminaisons masculines et une féminine.
Collecte de G.
Clétiez : vers de 8 pieds ; alternance d'une terminaison
féminine puis de deux masculines.
Désolés de vous
assommer avec ces considérations techniques ; c'est juste pour
faire remarquer que nous tenons là une chanson particulièrement
intéressante.
En revanche, si le
narrateur de « Virginie... » promet bien souvent des
réjouissances à son retour (2), la chanson de la semaine nous laisse
en suspens. Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires
? O flots, que vous savez de lugubres histoires ! Mais là, mon cher
Victor, vous nous pourrissez carrément l'ambiance.
Notes
1 - Fernand
Guériff Volume 1, page 174 – volume 3, page 361
2 – voyez par
exemple « voiles au vent » p 381 dans les « chansons
populaires de Haute Bretagne » de Marie Drouart, publiées par
Dastum en 2014. Ouvrage disponible ici
collecte : Gustave Clétiez vers 1860
Interprétation : Janig Juteau
catalogue Coirault : les adieux à Eleonore 2903 – Virginie, les larmes aux yeux 3206
Bonjour, ma chère Eléonore
Bonjour, ma chère Eléonore
Je viens t’y faire mes adieux
Aujourd’hui je quitte ces lieux
Ô charmant objet que j’adore
Je penserai toujours à vous
En souvenir d’instants bien doux
Son beau navire est dans la rade
On voit flotter son pavillon
Le canon gronde sur le pont
Mon amant et ses camarades
S’ils mettent les voiles dehors
A l’instant vont quitter le port
Comment trouveras-tu la route
Ô camarade, mon ami
Toujours exposer à périr
Dessur la mer on n’y voit goutte
Toujours entre le ciel et l’eau
Triste voiture qu’un bateau
Chère amie, crois à ma parole
Tu sais je suis bon marin
La nuit, le soir et le matin
Observant toujours la boussole
Prions, invoquons le seigneur
Nous n’aurons jamais de malheur.
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