Comme tous les îliens, les groisillons
(1) ont fourni leur contingent de marins à la royale. Mais il n'est
pas question de navigation au long cours ni d'exploits de corsaires
dans cette chanson. Le périple « de Belle Ile à Groix »
nous rapproche plus du cabotage évoqué récemment. Les mariniers ne
s'y sont pas trompé, qui ont adopté cette chanson dans leur
folklore. Le matelot périt parfois en eau douce. Comme pour le petit
navire (2) nous sommes en présence d'une chanson qui parle des
difficultés de la navigation et des dures conditions du métier de
marin. Elle les traite de la même façon, avec une certaine
dérision. Mais cette fois la fin est tragique ; ce qui n'a pas
empêché cette histoire de finir dans le répertoire des chansons
pour enfants !
Pour écouter la chanson et lire la suite:
Faute de source sure, nous ne nous
intéresserons pas à l'origine de cette chanson mais à sa
particularité due au changement d'assonance à partir du troisième
vers, puis pour les deux rimes finales. Cette différence n'est
qu'apparente si nous la jugeons avec notre prononciation actuelle. Il
faut cependant savoir que ces terminaisons en « ois »
correspondaient autrefois à une prononciation différente qu'on
retrouve encore dans certains parlers gallo. Autrement dit « ois »
= « oué ». Ce qui nous donne phonétiquement le
« Roué », « Françoué » et « Groué ».
L'assonance en « é » est donc conservée depuis le début
du texte. Mais cela n'explique pas le passage à l'assonance en o
pour les deux phrases finales. Si le mot chapeau a pu être prononcé
antérieurement « chapé », il nous reste les sabots.
Dans cette version qui provient du
fonds Soreau (3), Julienne Le Huédé, marchande de crevettes au
Croisic a effectivement chanté le dernier vers en terminant sur le
mot sabot. Si on se réfère aux autres versions notées en
Loire-Atlantique, il n'est plus question de sabots mais de couteau.
Les textes notés par Guéraud (4) finissent sur cet ustensile. Il en
est de même dans une autre version donnée par Guériff (5)
provenant des collectes de Claude Pavec vers 1884 à Savenay.
Nous attendrons que des spécialistes du gallo nous éclairent sur ces subtilités de prononciation pour nous prononcer définitivement.
Nous attendrons que des spécialistes du gallo nous éclairent sur ces subtilités de prononciation pour nous prononcer définitivement.
La chanson des marins de Groix, comme
beaucoup d'autres, a connu une seconde jeunesse au 19ème siècle en
passant du répertoire traditionnel au répertoire enfantin.
Délaissées par les adultes, certaines chansons traditionnelles
n'ont survécu que dans le répertoire à danser ou dans les chansons
pour la jeunesse. Imprimées et même diffusées via le chant à
l'école, elles sont devenues des références basées sur une
version figée, parfois éloignée des multiples versions populaires
ou originelles. C'est le cas pour le petit navire dont les
péripéties nous occupaient il y a quinze jours, comme pour nos
marins de Groix aujourd'hui. Ce sujet mériterait une étude
approfondie ; avis aux amateurs.
Notes
1 – habitants de l'ile de Groix –
la chanson est plus connue sous le titre « les trois matelots
de Groix »
2 – reportez vous quinze jours en
arrière – chanson n° 90 de ce blog
3 - Abel Soreau, que nous n'avons plus
besoin de vous présenter et dont les cinq premiers cahiers sont
désormais consultables sur le site de la Bnf : Gallica
4 – Armand Guéraud, donne deux
versions dont une avec la forme « marins de Groaix » qui
confirme tout a fait nos explications.
5 – dans le tome 1 de ses collectes,
page 94 – ouvrage non disponible contrairement aux tomes 2, 3 et 4
toujours diffusés par Dastum 44
J'étions trois matelots du roi
J'étions trois matelots du roi
Embarqués sur le Saint François
Monti monta tralalire
Monti monta tra la la
Pour aller de Belle Ile à Groix
Du nord, le vent vint à souffler
Beau matelot, il faut monter
En haut serrer les perroquets
Et prendre trois ris aux huniers
Beau matelot monte le premier
Sur l'empointure de s'étaler
Mais l'marche pied il a cassé
A l'eau beau matelot est tombé
On n'a sauvé que son chapeau,
Son garde pipe et ses sabots
source : Fernand Guériff
tome 3 – chansons de Brière, de Saint Nazaire et de la presqu'ile
guérandaise - p. 338
interprètes : Daniel
Lehuédé, Dominique Juteau et Jean-Louis Auneau
catalogue Coirault 7104 le
matelot de Groix
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